
Le délit de patronyme imaginaire Aux pages 2 et 3 du journal Sud QUOTIDIEN, pourtant de bonne réputation au pays de la Téranga, Vieux Savané et Hebriette Niang Kandé, auteurs respectifs des titres : « Délit de patronyme et manipulation », créent du sursensationnisme en abordant la résurgence du concept d’ivoirité en Côte d’Ivoire. Ces articles convoquent notre mémoire mais, tombent rapidement dans la manipulation, en manœuvrant le levier de l’instrumentalisation de la réalité, à des fins politiques, visant à voler au secours de Tidjane Thiam. Le cas Tidjane Thiam est le neurone de leur article, parce que président du PDCI, candidat potentiel à la présidentielle de 2025, si l’on en réfère à ses propres déclarations, après qu’il a déposé sa demande pour se défaire des liens de la nationalité française. En toute évidence, cette situation a posé la question de son éligibilité, remise en cause par certains membres de son parti le PDCI et, par d’autres acteurs politiques ivoiriens. Laurent Gbagbo et Serey Doh qui s’en sont interrogés autrement, en mettant l’emphase pour l’un, sur son appartenance multiple de nationalité, pour l’autre sur l’origine nationale de son patronyme sénégalais.
Cependant, notons que l’intérêt de ces articles du journal Sud Quotidien a été orienté plus sur les propos du ministre délégué aux Affaires maritimes, Célestin Serey Doh. Un discours qu’il a prononcé à l’occasion d’un meeting dans sa région, où il affirmait, entre autres, que « Thiam n’est pas un nom ivoirien, et que ses racines sont exclusivement sénégalaises ». En revenant sur ce narratif, les auteurs des articles du journal sénégalais cherchent à influencer les rapports politiques, en profilant la parfaite victime d’un complot identitaire. Néanmoins, relevons que ces auteurs des noms de Vieux Savané, Henriette Niang Kandé, sont bien connus pour leur activisme sous les oripeaux du panafricanisme dans leur pays. Dans une des lucarnes du journal, intitulée « point de vue », un article signé de vieux Savane, invente une comparaison entre le président de la République de Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara et le cas Tidjane Thiam. Mais en réalité, c’est une métaphore qui exprime l’esthétique de son ignorance sur la réalité de la citoyenneté d’Alassane Ouattara. En insistant sur les divisions identitaires, les auteurs du journal, tentent de maintenir un climat de suspicion invocateur du concept de l’effet papillon sur la stabilité sociale en Côte d’Ivoire.
L’analyse de l’article
Cette prise de position des auteurs de l’organe de presse sénégalais, à partir d’un péri discours, fût-il soutenu par un homme politique, vise beaucoup plus des intérêts géopolitiques de division interne dans un pays stratégique comme la Côte d’Ivoire, que de contribuer à apaiser les tensions sociales qu’elle suscite. Dès lors, il devient intéressant et important de s’interroger sur la souffrance du rôle joué par ce respecté quotidien sénégalais qui entache sa réputation sur nos douleurs, dans lesquelles il s’y entreprend de la pire des façons. L’article s’inscrit dans une logique de dramatisation, où la question de l’identité de Tidjane Thiam est mise au centre du débat politique. Plutôt que de traiter cette affaire avec un regard critique, il laisse entendre que le sujet mérite un débat, ce qui renforce une rhétorique populiste.
L’importance des sources d’analyse
quelles les auteurs on fait allusion sont, malheureusement, non seulement issues des sources secondaires, mais de surcroît de ceux qui ont inventé la discrimination nationale qu’est l’ivoirité en Côte d’Ivoire, puis qui l’ont instrumentalisée pour brimer, ostraciser spécifiquement une communauté ethnique, voire religieuse et ceux qui s'y apparentaient. Il s’agit notamment des anciens régimes de Konan Bédié en 1994, du Général Robert Guéi en 2000, de Laurent Gbagbo de 2000 à 2011. Mon cas personnel en est un exemple, puisque j'ai fait partie de l'épopée. En tant que citoyen ivoirien de nom de famille Coulibaly, lors d'une banale opération de renouvellement de ma carte nationale d'identité, j'ai été détenu 4 heures durant, dans les locaux du commissariat du 19 arrondissement d'Abidjan, pour délit de patronyme. C'était en 1998, sous le régime du PDCI-RDA. Et c'était le quotidien de millions d'Ivoiriens "aux patronymes douteux".
En 2011, lors de la crise post-électorale, ma maison et mes biens ont été incendiés à Yopougon, après une intrusion de la police encore aux mains du président défait, Laurent Gbagbo. Ma famille a évité le pire à l’appel inaudible du Seigneur pour la faire fuir la veille. Cette ivoirité, poussée à son paroxysme, était-elle politique, idéologique ou culturelle ? La supercherie du journal sénégalais pour justifier et dissimuler la laideur d’un tel concept, trouve des arguments insultants à notre intelligence. Tout comme en méconnaissance de la qualité de fonctionnement de l’État de Côte d’Ivoire, alléguer à faire croire que les propos de Serey Doh seraient officiels en le sortant de son cadre géocontextuel dans lequel, il s’adressait essentiellement à ses électeurs locaux où le contexte anthropologique compte. Nous ne le dédouanons pas mais, ce que nous dénonçons, c'est l’imputation de ces propos. Il s'agit ici, ni plus ni moins, d’une action maladroite qui entretient une confusion de rôle avec le porte-parolat du gouvernement ivoirien.
La faiblesse de la qualification du délit
Les sources utilisées sont des synthèses bibliographiques qui ont tenté de dénaturer le péché originel de l’horreur.
Elles sont fondées sur des journaux de l’opposition d’aujourd’hui qui ont été les becs à brasier d’hier. Outre Le Nouveau Réveil, un journal au service de la victime parfaite Tidjane Thiam, Sud Quotidien en cite d’autres de l’opposition qui étaient les soutiens inconditionnels du fascisme ivoirien découlant de l’ivoirité. Vieux Savané et consorts ont pêché en faisant ce qu’un journaliste ne devrait se permettre. La droiture déontologique aurait été d’éviter le biais d’injonctions dans leur analyse des faits. À propos, les sources d’analyse ci-dessous sont également faibles, étant donné qu’elles font références à un contexte culturel, tandis que l’ivoirité, telle que pratiquée par les régimes xénophobes et impopulaires successifs, affaiblis par la gabegie, n'aura été que de sinistres politiques de discrimination et de répression pour conserver le pouvoir. Etant donné que les données du journal dakarois relèvent des sources secondaires proches de l’opposition, dès lors, un biais s’installe et, nous sommes en droit d’émettre de sérieuses réserves sur la qualité des arguments avancés. Les autres avis socio-politiques des acteurs majeurs de cette crise n’ayant pas été pris en compte sur la question de l’ivoirité, dès lors, ce journal ne peut pas s’autoriser à faire une triangulation des sources dont il dispose.
Ce manquement ne lui permet donc pas de dégager, en toute lucidité, l’importance à aborder les éléments constitutifs des limites de son analyse. Dans la tentative de combler cette lacune, le journal cite des références, sans savoir qu’elles portent la controverse à ses défenses qui sont politiques, tandis que les références sont toutes d’ordre culturel. Thiémélé Ramsès, Boa – Maître de conférences en philosophie à l’Université de Cocody, Abidjan. Il explique que l’ivoirité, initialement un cadre de contribution culturelle, a été détournée pour devenir un outil de distinction nationaliste. Mémorandum du Front Populaire Ivoirien (FPI). Présenté lors de la Table Ronde de Linas Marcoussis (15-24 janvier 2003). Ce texte mentionne que Léopold Sédar Senghor a utilisé le terme “ivoirité” dès 1971, mettant en parallèle la francité, l’ivoirité, la sénégalité et l’arabité comme éléments de l’universalisme culturel. Rappelons ici, qu’il s’agit de la théorie de la nation et non de division et de dénonciation comme pratiquée par les xénophobes ivoiriens de l’époque, chantres improvisés de l'ivoirité. Henri Konan Bédié – L’ancien président a sournoisement redéfini l’ivoirité en 1995 comme un concept d’« affirmation de la personnalité culturelle ivoirienne », mais en réalité, son usage et son but inavouable étaient essentiellement politiques, notamment pour exclure des millions d'Ivoiriens originaires du grand Nord. En Côte d’Ivoire, on ne nous manie pas comme des tas de bois morts.
La mauvaise échelle de mesure utilisée par le journal sénégalais
La méthode employée devrait être dans la recherche-action dont le paradigme épistémologique serait inductif. En d’autres termes, pour collecter des données de fond en mettant l’accent sur les significations, les expériences, les points de vue, les témoignages des participants, etc., en vue de constituer une étude primaire réalisée par soi-même, dont les résultats résulteraient des propres instruments de mesure et de recherche des auteurs des articles du journal dakarois, non de se référer à des journalistes propagandistes. Voici des exemples qui ont échappé à leur entendement, éléments essentiels avant la prise des armes.
Une instrumentalisation politique évidente
Les tensions autour de l’ivoirité ne sont pas nouvelles en Côte d’Ivoire. Elles ont été utilisées pour marginaliser des leaders politiques dans le passé, principalement Alassane Ouattara de 1994 à 2010, injustement accusé d'être un national burkinabé. Jamais, il n’y a eu de preuve ! Et Tia Koné, alors président de la Cour constitutionnel, et Paul Yyao Ndré, plus tard, président du Conseil constitutionnel en 2010, ont fait leur mea-culpa et présenté des excuses à la nation. Le dernier cité ayant même invoqué "sa possession par Satan" ! Attention, cet article mal à propos contribue à une réactivation de ce clivage pour influencer les dynamiques électorales de 2025.
Un enjeu social dangereux
En donnant de l’écho à ces propos xénophobes, l’article alimente un climat de suspicion qui pourrait avoir des répercussions sur la stabilité sociale du pays. L’histoire récente de la Côte d’Ivoire a montré que ces débats peuvent mener à des crises violentes. Les paroles comme les écritures précèdent toujours les conflits.
Une absence de contre-discours équilibré
L’article relaie largement les accusations sans véritable mise en perspective critique. Une analyse équilibrée aurait nécessité des avis d’experts en droit ou en histoire, expliquant pourquoi cette polémique est infondée.
Kalilou Coulibaly
Doctorant EDBA Ingénieur, MBA, DESS in business administration