Au sein du PDCI-RDA, c'est un pas en avant, deux pas en arrière. En effet, plusieurs grandes figures du parti ont pris du recul, et certains montrent une volonté de suivre leurs propres voies. On pense notamment à l'ancien Secrétaire exécutif en chef, Maurice Kakou Guikahué, dont la candidature a été rejetée par le comité électoral du parti, lors du Congrès extraordinaire de décembre 2023. Jean-Louis Billon, un autre cadre important, qui a dénoncé les "magouilles" internes lors du dernier congrès extraordinaire, semble prêt à se présenter à l'élection présidentielle. Thierry Tanoh et Allah Kouadio Rémi, pour ne citer que ces cadres, sont, quant à eux, silencieux. Guikahué a dénoncé les injustices qu'il a subies, suggérant un tribalisme latent au sein du PDCI-RDA. Ces tensions s'ajoutent à la confusion autour de la stratégie du président du PDCI-RDA, critiqué pour son absence sur le terrain.
En dehors des meetings de Soubré et de Dabou, Tidjane Thiam n'a pas voyagé ailleurs en Côte d'Ivoire. Les militants lui reprochent ses nombreux voyages et selfies lors de rencontres internationales « qui ne bénéficient pas au parti ». En réponse, les partisans de Thiam soulignent quelques rencontres organisées ici et là par des collaborateurs. Rencontres qui ne mobilisent pas plus de 200 personnes. De ce point de vue, l’on constate qu’à 14 mois des élections, le PDCI-RDA est absent de la scène politique. « Notre président ne rassure pas ! Peut-être se rattrapera-t-il, mais jusqu'à présent, nous ne savons pas où nous allons », a déclaré une proche de Yasmina Ouegnin, députée de Cocody. Fille de l'ancien directeur du protocole d'État, Yasmina Ouegnin envisagerait une candidature présidentielle. Elle exprime, en privé, sa déception de voir son parti décliner. Récemment, elle a suscité des spéculations en publiant un dépliant qui a créé une gêne au sein du PDCI-RDA.
Des barons du parti en retrait, des tensions au sein du Secrétariat exécutif…
Du côté de Jean-Louis Billon, les choses se précisent. Le natif de Dabakala affiche ses ambitions présidentielles. Son équipe de communication est en action : teasers, visuels, création d'un compte TikTok pour attirer un électorat plus jeune. « Billon est aujourd'hui prêt. Il a, avec lui, de hauts cadres du parti qui sortiront bientôt », a confié un responsable jeune du PDCI-RDA. « C'est notre candidat », a-t-il ajouté, sans en dire plus. Un membre de la famille Billon avec qui nous avons échangé, est formel. « Il (Billon) est prêt. Nous allons bientôt déployer le rouleau compresseur », révèle-t-il. Au sein du secrétariat exécutif, il y a des tensions. Dr Emmou Sylvestre, maire de Port-Bouët, est en difficulté. Selon nos sources, les réunions du secrétariat exécutif du PDCI-RDA, qui compte près de 25 personnes, ne rassemblent pas 10 personnes, environ 6 présentes précisément. Dia Houphouët et Emmou Sylvestre seraient en désaccord. « Les deux ne s'entendent pas ! Dia ne participe pas aux réunions », a révélé notre informateur. À l'origine de cette brouille, se trouvent « les nominations jugées frustrantes » concernant les hauts représentants de Thiam dans les départements. Dans la région du Bélier, Allah Kouadio Rémi a été écarté au profit de Konan Raymond, président du Conseil régional ; ce qu'il n'a pas accepté et s'est muré dans le silence. Dans La Mé, précisément à Akoupé, la déléguée communale Valérie Yapo a démissionné de son poste, le 3 juillet 2024. « Aujourd'hui, avec la nouvelle donne et les changements à la tête du PDCI-RDA, nous nous sommes rendu compte de plusieurs manquements à notre égard... », avait-elle protesté. À Yamoussoukro également, Kouassi Kouamé Patrice, dit KKP, député, est amer.
Jugé « trop indépendant », Thiam lui a préféré un autre cadre. À Divo, le haut représentant de Thiam et les militants du PDCI-RDA se livrent une guerre sans merci. En gros, les hauts représentants nommés, sont quasiment tous contestés dans leurs départements. Les militants disent qu'ils ne sont pas statutaires et ne sauraient être leur patron à la place des délégués départementaux et communaux. Que dire de l'animation du parti. À 14 mois des élections présidentielles, on ne voit ni les présidents des jeunes, ni les présidentes des femmes sur le terrain. Comme si ces structures spécialisées sont larguées. À Bouaké, le siège du vieux parti a été cédé à une enseigne commerciale qui y a ouvert un supermarché. Au PDCI-RDA, selon nos sources d'information, Thiam doute de la plupart des animateurs des structures statutaires, nommés par Maurice Kakou Guikahué, en qui il n'a pas confiance. Il a donc voulu avoir ses hommes. Sauf que, malheureusement, ceux-ci sont perdus. D'où, l'inertie du vieux parti. Cette situation aurait pu être voilée par le soutien des élus à Abidjan, qui compte le tiers de l'électorat ivoirien. Là aussi, c'est la désolation. Concernant les élus du vieux parti dans le district d'Abidjan, excepté Emmou Sylvestre et Dia Houphouët, rien ne bouge vraiment. Le maire du Plateau, Ehouo Jacques, est presque absent des activités de son parti. Lui aussi, semble s'être éloigné des instances du PDCI-RDA, même s'il en est officiellement membre. Jean-Marc Yacé, maire de Cocody, demeure une énigme. Candidat au Congrès extraordinaire contre Thiam, il est quelque peu en retrait. Quant à Aby Raoul, maire de Marcory, il est plus que silencieux. Ces élus, qui auraient pu être des acteurs clés de l'animation politique de proximité, sont quasiment invisibles. De quoi renforcer le doute des militants qui observent, désabusés, leur parti sombrer dans l'inaction.
Yacouba Doumbia