Monsieur le Maire, en 2018, vous avez été élu maire de la commune de Grand-Bassam à la suite d’un long feuilleton de contentieux électoral. Quel est aujourd’hui, l’état de la cohésion sociale à Grand-Bassam, 5 années après ces événements qui avaient mis à mal, la quiétude dans votre commune ?
Évidemment, après notre prise de fonction, nous avons resserré le tissu social qui avait été un peu distendu, en raison des troubles sociaux qui ont survenu à la contestation électorale. Cela nous a permis de raffermir les liens entre les populations à travers diverses initiatives. Un dialogue a été initié entre les différentes communautés et tous les acteurs de la ville de Grand-Bassam. Avec l’appui du PNUD, nous avons organisé un séminaire sur la cohésion sociale. L’ensemble de ces actions nous ont permis de pouvoir tourner la page de ces événements regrettables et aujourd’hui, Grand-Bassam est une ville solidaire.
Grand-Bassam est la première capitale de la Côte d’Ivoire, la seule ville ivoirienne inscrite au Patrimoine de l’UNESCO et une destination touristique de premier plan. Quels étaient vos plus grands défis à votre arrivée à la tête de cette commune ?
Les principaux défis étaient de relancer l’activité économique majeure qui est l’industrie touristique, suite aux événements malheureux que notre ville avait connus. Il était donc question de repositionner Grand-Bassam comme une destination touristique de premier choix, de pouvoir travailler avec les responsables du VITIB et mettre en avant, notre pôle touristique qui est d’ailleurs, le seul en son genre en Côte d’Ivoire. Pour donner du contenu à ces axes prioritaires, nous avons travaillé avec les acteurs touristiques pour identifier les mesures que la mairie pourrait mettre en place pour pouvoir relancer l’industrie touristique. C’est dans ce cadre que nous avons créé la Brigade de salubrité des plages et nous travaillons de concert avec Côte d’Ivoire Tourisme qui a retenu Grand-Bassam comme ville pilote sur son projet de valorisation de la destination Côte d’Ivoire. Nous travaillons également à la mise en place d’un plan de vue touristique et à la création d’une Maison de tourisme à Grand-Bassam, afin de réinvestir dans l’industrie touristique.
Toujours dans ce cadre, nous avons développé un partenariat avec des acteurs privés pour pouvoir également, offrir un circuit touristique à vélo. Toujours dans cette même dynamique, nous avons, avec d’autres partenaires, formé des plans de vue touristique afin d’offrir des circuits sur mesure à nos visiteurs. Dans tout ceci, Grand-Bassam étant la capitale des arts et de la culture en Côte d’Ivoire, il est donc important pour nous, de pouvoir mettre en place, des mesures de soutien à l’industrie des arts et de la culture. C’est ainsi que nous avons mené des actions de lobbying pour pouvoir obtenir l’organisation à Grand-Bassam, de grands festivals tels que le FEMUA, le Festival des grillades d’Abidjan. Nous avons également au plan local, d’autres grands événements tels que Grand-Bassam Fashion Days, qui est un événement mettant en avant, les talents locaux et nationaux de la mode. Nous avons institué une politique de soutien aux festivals locaux tels que l’Abissa, les fêtes de génération, etc.
« L’ouverture de l’embouchure va permettre de relancer beaucoup d’activités et des perspectives de débouchés »
Nous sommes à quelques mois de la fin de votre mandat. Globalement, comment jugez-vous vos actions à la tête de la mairie ?
Nous avons été élu sur la base d’un programme qui comprenait 7 axes prioritaires. Aujourd’hui, ce programme est exécuté à près de 70%. Évidemment, il reste du travail à faire, mais nous sommes relativement satisfaits du travail fait par l’équipe municipale et l’ensemble des services municipaux. Les attentes des populations sont encore nombreuses, mais nous sommes à la tâche au quotidien pour répondre à ces préoccupations et faire de Grand-Bassam, une ville de référence en Côte d’Ivoire.
Dès votre prise de fonction, vous êtes le seul maire à avoir mis un dispositif spécifique pour l’insertion des jeunes. Quel bilan pouvez-vous faire de la prise en charge des jeunes dans votre commune ?
Effectivement, la mairie s’est dotée d’une plateforme de compétences qui permet aux jeunes de s’inscrire gratuitement sur une plateforme digitale conçue spécialement par la mairie pour leur permettre de bénéficier d’opportunités de formation, d’emplois et de stages. Avec le concours du ministère de la Promotion de la Jeunesse et du Service Civique dont je voudrais saluer l’implication, nous avons pu aujourd’hui, offrir 350 emplois directs à des jeunes de Grand-Bassam, 125 stages, des formations à 1300 jeunes de la ville et financer 700 projets à leur bénéfice. Je crois que ce bilan, même s’il ne permet pas de prendre en compte l’ensemble des préoccupations des populations, est normalement satisfaisant.
Vous avez entrepris aussi plusieurs projets pour faire de Grand-Bassam, une ville durable et connectée. Quel est l’état des lieux au niveau de ces deux projets ?
Grand-Bassam est l’une des rares villes à disposer d’un plan de ville durable qui est l’Agenda 21 Local, élaboré avec le concours du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD). C’est dans ce cadre que nous avons souhaité étendre la politique du Gouvernement qui vise à électrifier toutes les localités de plus de 500 habitants, en électrifiant à l’énergie solaire, l’ensemble des campements de notre commune. Ce qui est aujourd’hui une réalité. L’ensemble des campements de Grand-Bassam est électrifié au solaire. Cela participe à notre politique de développement durable. Au-delà de cela, nous avons développé avec un opérateur de téléphonie mobile, le Projet Smart City, qui est la mise en place d’une solution intelligente permettant de découvrir la ville de Grand-Bassam à vélo. Ce projet comprend également un portail Internet pour permettre aux populations de découvrir la ville de Grand-Bassam de façon virtuelle, de même qu’un accès à Internet gratuit pour les populations de Grand-Bassam.
À travers ce Projet Smart City, c’est une meilleure visibilité pour la ville et son attrait touristique qui sont offerts à travers le portail numérique. Nous avons également innové en créant des dialogues avec des jeunes des lycées et collèges de notre ville, à travers des conférences que nous avons organisées qui se sont tenues en présence du Ministre des Eaux et Forêts avec l’appui du PNUD. À travers ces conférences, nous avons pu dialoguer et esquisser des solutions sur les problématiques et enjeux du développement durable avec les lycéens et collégiens de Grand-Bassam. Nous avons été très agréablement surpris par la pertinence des propositions et recommandations formulées par les jeunes. Cela participe également à la démocratie locale d’entendre l’avis des jeunes sur les grands enjeux de notre société.
L’ouverture de l’embouchure faisait partie de vos priorités. Quels est l’état d’avancement des travaux et qu’est-ce que cette ouverture va apporter de plus dans le quotidien de vos populations ?
Ce projet d’ouverture de l’embouchure était attendu pendant plus de 25 ans par les populations de Grand-Bassam et au-delà de la région. C’est l’occasion pour nous de renouveler notre gratitude au président de la République Alassane Ouattara, de pouvoir autoriser la mise à disposition des ressources nécessaires, à savoir, 21 milliards F CFA, pour le démarrage de ces travaux et saluer la mémoire de feu Amadou Gon Coulibaly et également l’ex-Vice-président de la République, Daniel Kablan Duncan. Les travaux sont en cours aujourd’hui et sont pilotés par le PABC. Le taux d’exécution est à 70% et nous espérons l’achèvement de ce vaste chantier dans le courant de l’année 2023. En termes d’impact sur le développement local et régional, l’ouverture de l’embouchure va nous permettre une meilleure circulation de l’eau entre la lagune et la mer.
Ce qui va nous permettre la régénération des ressources halieutiques en milieu lagunaire et renforcer le potentiel touristique de Grand-Bassam en offrant des circuits touristiques lagunaires. Cela va permettre également d’avoir un nouveau cadre de vie à l’intérieur de Grand-Bassam pour des projets touristiques qui sont inclus, non sans mentionner les activités économiques, puisque les peuples lagunaires vivent de la pêche en lagune. Au total, l’ouverture de l’embouchure va permettre de relancer beaucoup d’activités pour nos jeunes et des perspectives de débouchés.
« J’invite les populations à continuer à cultiver la cohésion et l’ouverture qui font la richesse de Grand-Bassam »
Au-delà de l’aspect touristique et culturel, votre ville a pris une autre dimension avec l’implantation récente de plusieurs unités industrielles au Village des technologies de l’information et des biotechnologies. Qu’est-ce que Grand-Bassam a gagné dans cette ruée des entreprises vers le VITIB ?
S’agissant de la zone franche, évidemment, la ville de Grand-Bassam ne perçoit pas d’impôts et de taxes sur les entreprises implantées au VITIB. Cependant, nous avons établi un partenariat avec le VITIB pour nous permettre d’avoir des opportunités d’emplois dans cette zone pour les jeunes de la ville de Grand-Bassam. Lorsque des entreprises s’implantent au VITIB, nous pouvons proposer les CV des jeunes de Grand-Bassam à ces entreprises. Je citais tout à l’heure un bilan de 350 emplois trouvés pour les jeunes de Grand-Bassam, le VITIB fait également partie des partenaires qui nous ont permis d’insérer les jeunes de Grand-Bassam.
Lors des élections de 2020, la commune voisine de Bonoua a été ébranlée par des manifestations violentes avec beaucoup de destructions de biens publics et privés. Fort heureusement, Grand-Bassam a été épargnée. Comment avez-vous réussi à préserver votre ville de ces violences, alors que beaucoup craignaient pour Grand-Bassam, au regard des expériences du passé ?
Il faut déplorer les événements malheureux qui se sont produits à Bonoua, la ville voisine et sœur. Il faut reconnaître que Grand-Bassam a toujours été cette ville cosmopolite et ouverte sur le monde, depuis l’époque coloniale. Nous entretenons un dialogue permanent avec les populations et les différentes communautés afin de préserver et entretenir ce qui est essentiel pour nous, c’est-à-dire notre appartenance à un espace géographique et les richesses culturelles de notre ville. C’est à travers ce dialogue et ces atouts que nous avons su préserver la cohésion sociale qui prévaut à Grand-Bassam.
Votre ville a été ébranlée en 2016 par une attaque terroriste dont le procès vient de s’achever. Est-ce que Grand-Bassam s’est remise de ce traumatisme ?
Absolument. Je voudrais à nouveau, m’incliner devant la mémoire de toutes ces victimes et me réjouir de ce que le système judiciaire ivoirien ait fait la preuve de sa maturité. Ce procès a été mené à la satisfaction des familles des victimes et de ceux et celles qui portent encore les séquelles de cet odieux événement.2
Évidemment, Grand-Bassam a su, sans oublier, tourner la page de cette tragédie et se reconstruire. Aujourd’hui, Grand-Bassam demeure la première destination touristique en Côte d’Ivoire, une ville très dynamique avec un développement urbain rapide. Avec l’appui du gouvernement et du président de la République, Grand-Bassam bénéficie de nombreux investissements structurants, tels que le Centre national de radiothérapie et d’oncologie médicale Alassane Ouattara, le Lycée d’excellence Alassane Ouattara, le VITIB sont autant de projets d’investissements qui permettent d’impulser une stabilité de développement durable pour la ville de Grand-Bassam.
Monsieur le Maire, votre mandat s’achève dans quelques mois. Quelle est votre plus grosse fierté en termes de réalisations à Grand-Bassam ?
En termes de fierté, la plus grande réalisation est d’avoir pu obtenir, sans complexe aucune, de la part du président de la République, les moyens mis à disposition pour l’ouverture de l’embouchure. Plusieurs chefs d’État se sont succédé et n’ont pas réussi à répondre à cette attente majeure des populations de la région du Sud-Comoé et au-delà, les populations d’Alépé, ville voisine qui sont également en attente de cet investissement important. C’était un engagement fort que nous avons pris pour faire le plaidoyer auprès de nos autorités en vue d’obtenir le lancement effectif de ces travaux. C’est chose faite, d’ici la fin de notre mandat local, nous pourrons apprécier l’achèvement de ces travaux.
Les élections locales, c’est pour octobre 2023. Est-ce que Jean-Louis Moulot est candidat à sa propre succession ?
Naturellement, nous avons souhaité poursuivre l’élan de développement que nous avons mis en place au Conseil municipal. Nous espérons bénéficier du soutien renouvelé des populations afin de continuer à transformer Grand-Bassam et d’en faire une ville attractive, attrayante où il fait bon vivre.
Quel est l’appel que vous lancez à l’ensemble de vos populations, à l’entame de cette nouvelle année ?
C’est le lieu pour nous de renouveler les vœux que nous avons eu l’occasion d’adresser, puisque nous faisons chaque année une tournée de vœux dans les quartiers et villages de la commune, qui nous permettent, au-delà de l’échange de vœux, de pouvoir recueillir les préoccupations des populations. Cela nous permet de rendre compte des actions du Conseil municipal, année après année. À l’entame de cette nouvelle année, je voudrais simplement renouveler ces vœux et inviter les populations à continuer à cultiver cette cohésion et cette ouverture qui font la richesse de Grand-Bassam.
Interview réalisée par Kra Bernard