
Quelle mouche a donc piqué le général Bruno Dogbo Blé, pour qu’il saisisse l’occasion d’une réception donnée par les siens dans son village, le samedi 16 mars 2024, pour réveiller les vieux démons en revenant sur la guerre postélectorale ? À peine sorti de prison, l’ex-patron de la Garde républicaine, sous Gbagbo, a cru devoir saisir l’occasion de cette fête en son honneur, pour solder des comptes vieux de 13 ans avec le chef d’État-major d’alors, le général Philippe Mangou. Sans retenue, il a proprement volé dans les plumes de son supérieur hiérarchique d’hier. « Mangou, c’est quelqu’un qui n’a pas honte. C’est quelqu’un qui n’a pas de conviction, qui a des convictions flottantes », a-t-il chargé l’ex-CEMA. Et d’enfoncer le clou : « C’est un carriériste, un opportuniste ». Des mots peu amènes qui en disent long sur la rancœur sédimentée que l’officier supérieur des ex-FDS nourrit contre Philippe Mangou.
Un cœur encore chargé
À écouter le général Dogbo Blé, on eut dit qu’il en a gros sur le cœur et recherchait la moindre tribune pour se vider, mieux, pour casser du Mangou. En témoignent les propos désobligeants qu’il tient en évoquant des épisodes de la guerre postélectorale qu’ils ont tous les deux vécus quand ils défendaient avec acharnement, le fauteuil que Laurent Gbagbo avait perdu dans les urnes. « On faisait la guerre, Mangou a fui », a-t-il lâché avec l’intention avouée de dépeindre son supérieur hiérarchique à l’époque des faits, comme une poule mouillée.
Et de poursuivre son récit avec la même intention de déshabiller l’ex-CEMA. « C’est moi qui suis allé le chercher là où il s’est caché pour aller chez le président (Gbagbo) parce qu’il voulait s’excuser (…) Quand nous avons rencontré Mangou (…), il a voulu monter avec moi, tellement il avait peur. Il est monté dans ma voiture. Il était assis à ma gauche. Je vous jure : ce sont les moments les plus difficiles de ma carrière : Voir votre grand chef, grande gueule, assis à côté de vous comme un chien malade, c’est difficile à supporter ! », a-t-il raconté comme un vulgaire citoyen.
Casser du Mangou, se poser en héros de guerre
Comme s’il prenait plaisir à prendre sa revanche sur l’ex-chef d’État-major, l’ex-patron de la Garde républicaine de sinistre réputation sous Gbagbo, assène encore : « Chemin faisant, il me fait une révélation. Il me dit : « Dogbo, je suis allé à l’ambassade d’Afrique du Sud à cause de Julienne-Julienne, c’est son épouse. Parce que pendant la transition militaire, Julienne a trop souffert, c’est pourquoi, je suis allé à l’ambassade de l’Afrique du Sud me mettre à l’abri avec elle ». Quand j’ai entendu ça, j’étais écrasé de honte. Un chef d’État-major, général quatre étoiles, en pleine guerre, qui ne donne pas d’ordre à ses hommes sur le terrain, qui ne laisse pas de consignes à ses hommes sur le terrain et qui va se cacher pour protéger sa femme ! ». Des propos tendant visiblement à dégrader l’image du général Philippe Mangou, et partant, à le livrer à la vindicte populaire. Aussi ont-ils naturellement provoqué l’hilarité du public devant lequel Dogbo Blé s’est vidé.
Il disait répliquer aux propos que l’ex-CEMA aurait tenus à son encontre lors de son passage devant la Cour pénale internationale (CPI) à l’occasion du procès contre Laurent Gbagbo et Blé Goudé, qui s’y était tenu. « A la CPI, il m’a traité de tous les noms d’oiseau », a-t-il fulminé. Le moins qu’on puisse dire, c’est que ce général à la réputation de caïd, a parlé de la guerre postélectorale, sans aucun remord, sans la moindre compassion pour les victimes des exactions de ses hommes, qui faisaient régner la terreur dans la Garde républicaine. Dogbo Blé semble être dans le même état d’esprit qu’il y a treize ans, en pleine guerre postélectorale.
Assane Niada