Au sortir d’une audience que lui a accordée le samedi 24 février 2024, l’ancien chef de l’Etat, Laurent Gbagbo à Mama, son village natal, Tidjane Thiam a eu des mots plutôt flatteurs à l’endroit de celui-ci. « Je suis très heureux de revoir le président en pleine forme et toujours en fin connaisseur de la politique. Je suis très heureux de bénéficier de ses conseils. Nous avons des relations anciennes. Il y a plus de trente ans que nous nous connaissons. Et donc je suis en train de renforcer ces liens et j’ai l’intention de revenir prochainement pour continuer à bénéficier de ses conseils », a déclaré le désormais président du PDCI-RDA, comme pour témoigner des relations au beau fixe qu’il entretient avec son homologue du PPA-CI.
Du duo hier à Mama…
Des propos qui laissent penser que l’ancien patron de l’ex-Crédit Suisse s’inscrit dans la droite ligne du rapprochement entre le PDCI-RDA et le PPA-CI de Gbagbo auquel l’ancien président du PDCI-RDA, Henri Konan Bédié travaillait. Bien sûr, avec la secrète intention que cette alliance en gestation allait servir d’escabeau ou de perche à son parti pour accéder au pouvoir en 2025. D’ailleurs, son successeur à la tête du PDCI-RDA, Tidjane Thiam, a effleuré ce projet d’alliance auquel Bédié et Gbagbo travaillaient quand le président du PDCI-RDA est passé de vie à trépas. « Enfin, nous avons parlé aussi de la situation et des élections 2025 et également des relations amicales que nous entretenons avec le PPA-CI », a-t-il souligné.
On l’aura noté, tout en évoquant les « relations amicales » que son parti entretient avec le PPA-CI, Tidjane Thiam le met en rapport avec « les élections de 2025 ». C’est dire si les deux leaders de l’opposition n’ont pas déjà en ligne de mire les joutes électorales qui se profilent dans moins de deux ans. Et dans cette perspective, les « relations amicales » que semblent entretenir les deux hommes pourraient prendre du plomb dans l’aile. Car, ce n’est un secret pour personne, le PDCI-RDA rêve de revenir au pouvoir en 2025. Aussi a-t-il tout misé sur Tidjane Thiam au point de dégager de son chemin tous les cadres de ce parti qui croyaient avoir une certaine légitimité pour prétendre en prendre la tête après le décès de Bédié. Et depuis, aussi bien des militants, des élus et journaux proches de ce parti ne cessent de répéter qu’ils ont trouvé en Tidjane Thiam l’homme qu’il faut pour permettre au PDCI-RDA de reconquérir le pouvoir après 25 ans passés dans l’opposition. Comment alors s’imaginer que cet « ingénieur » qui cristallise l’espoir du parti à l’emblème d’éléphant, puisse s’effacer au profit de Gbagbo dès le premier tour de la présidentielle de 2025 ?
…Au duel en 2025
C’est ici que pourrait surgir la guerre des ambitions. Une « guerre » que le PDCI-RDA et son candidat vont devoir mener contre Gbagbo et son parti avec pour objectif d’écarter l’ancien chef de l’Etat d’un éventuel second tour. Le PDCI-RDA et Thiam auront, en tout cas, à cœur de ne pas reproduire le schéma de la présidentielle de 2010 où Bédié est arrivé en troisième position derrière Gbagbo et Alassane Ouattara. Certes, l’actuel locataire du palais présidentiel n’a pas encore indiqué s’il serait dans les starting blocks le moment venu, même s’il est comme poussé dans le dos par nombre de ses partisans. Il en est de même de Laurent Gbagbo, qui est jusque-là resté énigmatique sur le sujet. Toutefois, tout porte à croire qu’il entend bien se porter candidat à cette présidentielle de 2025. Plusieurs de ses inconditionnels au sein de son parti ne cessent de répéter qu’il est leur candidat naturel pour ce scrutin. D’ailleurs, ils saisissent toutes les occasions pour réclamer sa réinscription sur la liste électorale.
On pourrait donc se risquer à pronostiquer une participation du président du PPA-CI à la présidentielle de 2025. Dans un tel cas de figure, lui et Thiam ne pourront éviter d’entrer en confrontation avec pour objectif de se hisser à un éventuel second tour. Une bataille qui pourrait être sans merci au regard de l’enjeu. Tidjane Thiam aura alors fort à faire, lui le bleu en politique nationale face à un cador comme Gbagbo, qui passe pour avoir plus d’un tour politique dans son sac. Il va donc sans dire que la « guerre » des deux aura bien lieu.
Assane Niada
