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Rapport de la Cour des comptes sur les passeports et les CNI: Il n’y a pas eu de détournement !

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La Côte d’Ivoire peut se féliciter de la mise en œuvre de la Cour des comptes dont le rapport permet aux citoyens d’avoir une idée sur la gestion des ressources publiques.  (Ph : DR)
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C’est le dossier qui fait couler beaucoup d’encre et de salive en ce début d’année 2024. « Plusieurs milliards » générés par les frais de confection des passeports biométriques et des cartes nationales d’identité auraient été subtilisés des caisses de l’État. Et depuis lors, l’affaire fait grand bruit aussi bien dans les médias, sur les réseaux sociaux que dans les officines des partis politiques. Mais après investigation, L’Avenir, sur la base de données factuelles et de preuves, est en mesure de soutenir qu’il n’est rien. Il n’y a pas eu de détournements.

Tout est parti du rapport 2022 de la Cour des comptes qui est une institution mise sur pied par le président de la République, pour s’assurer de la bonne utilisation et de la bonne exécution des ressources de l’État. Dans son rapport sur l’exercice budgétaire de l’année 2022, le gendarme des Finances publiques relève que l’État de Côte d’Ivoire n’a encaissé que 792 000 francs au titre des recettes sur les timbres fiscaux pour les passeports et les cartes nationales d’identité. C’est donc la petite partie de ce rapport de 91 pages dont se servent depuis quelques jours, certains acteurs de l’opposition et des activistes des réseaux sociaux pour accabler la gouvernance du président Alassane Ouattara, en soutenant que les deux entreprises en charge de la confection et de la délivrance des milliers de passeports et de CNI, ont reversé seulement 792 000F dans les caisses de l’État, là où elles perçoivent respectivement 40 000F pour les passeports et 5000F pour les CNI. À la vérité, c’est une tempête dans un verre d’eau.

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Pour en savoir davantage, nous sommes allés à la source de l’information où nous avons pu échanger avec toutes les parties prenantes de ce dossier qui fait tant jaser. D’abord, pour une bonne compréhension des choses, il est bon de rappeler que ce rapport qui fait tant de bruits, date d’août 2023 et porte sur l’exécution du budget de l’État pour l’année 2022. Et ce rapport est dans le domaine public, donc disponible à tous sur le site web de cette institution. Ce n’est donc pas un rapport qui a fuité, comme le font croire certains et qui serait une bombe qui éclabousserait la gouvernance du régime actuel. Certains citoyens par méconnaissance ou par mauvaise compréhension des principes de collecte et de gestion des recettes fiscales, se sont laissés prendre au piège des économistes en eau trouble. À la vérité, il n’y a eu aucun détournement. Ni des recettes des passeports, ni des CNI, encore moins des 14 projets non exécutés dont parle le rapport de la Cour des comptes.

Connaître le fonctionnement des choses pour éviter de se perdre en conjectures…

D’abord, sur la confection des passeports biométriques, une clarification mérite d’être faite : Dans le budget de l’État de Côte d’Ivoire, la quote-part de l’État sur les 40 000F que paient les Ivoiriens, est consignée dans la rubrique « Droits d’enregistrement et de timbre ». Dans ce même budget de l’État, il n’y a aucune ligne spécifique aux taxes fiscales générées par la délivrance des passeports. La ligne « Droits d’enregistrement et de timbre » est donc une rubrique générique qui regroupe tous ce que les citoyens paient comme timbre fiscal, notamment les timbres sur les extraits de naissance, les certificats de nationalité, etc. Et selon nos recherches, l’État de Côte d’Ivoire a empoché 136,3 milliards FCFA en 2022 sur cette rubrique « Droits d’enregistrement et de timbre ». Pour l’année 2023, ce sont 3,9 milliards que l’État a perçus sur les recettes fiscales liées à la délivrance des passeports et ces 3,9 milliards sont inclus dans cette rubrique « Droit d’enregistrement et de timbre ». Mieux, le communiqué conjoint produit par le ministre des Finances et du Budget et son collègue de l’Intérieur est suffisamment clair sur la traçabilité de ces recettes fiscales dont le montant est connu. « Les droits de passeport s’élèvent à 40 000 FCFA dont 15 000 FCFA représentant la part fiscale due aux impôts.

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Dans le cadre de la mise en œuvre de la convention passeport, un compte dédié a été ouvert dans une banque. Ce compte est régulièrement alimenté pour le recouvrement de la part fiscale revenant à l’État ». En termes simples, c’est l’argent qui est logé dans ce compte qui est ensuite reversé dans les recettes fiscales de l’État sous la rubrique « Droit d’enregistrement et de timbre ». Voilà donc qui est clair. Maintenant, d’où sort le chiffre de 792 000F dont parle le rapport de la Cour des comptes ? Ici aussi, tout est une question de connaissance et de compréhension du processus de collecte des recettes de l’État. De nos investigations, il ressort que les 792 000F ne sont pas des recettes fiscales reversées par SNEDAI, l’entreprise en charge de la confection des passeports, comme tente de le faire croire une certaine opinion.  C’est une grave confusion, parce que les 792 000F représentent les frais des visas émis directement à l’aéroport et reversés dans les comptes du Trésor, sous le libellé 71613 « Droits perçus sur cartes nationales d’identité et passeports délivrés en Côte d’Ivoire ». Les 792 000F, c’est certes, l’argent de l’État, mais il n’y a aucun lien entre cette recette de trésorerie qui représente les frais de visa versés à l’aéroport et les recettes fiscales découlant de la délivrance des passeports sur la base de la convention qui lie les deux parties. Toutes ces informations et chiffres sont consignés dans la loi de règlement et sont à la portée de tous les citoyens.

Quid des 5000 F des CNI et des 34,2 milliards de projets non exécutés ?

Le second élément de la Cour des comptes qui fait couler beaucoup d’encre et de salive, est la destination des 5000 F de frais de confection des cartes nationales d’identité. Sur la question, voilà ce que dit le même communiqué produit par les ministères des Finances et de l’Intérieur : « S’agissant de la carte nationale d’identité, l’Office National de l’Etat Civil et de l’Indentification (ONECI) est chargé, depuis sa création en 2019, de la délivrance de la carte d’identité. À cet égard, le montant de cinq mille (5 000) FCFA exigé pour l’obtention de la carte d’identité, est affecté aux frais de production et aux charges de fonctionnement de l’ONECI ». Cette disposition qui lie l’État de Côte d’Ivoire via l’ONECI et son partenaire technique indique clairement que pour le moment, l’État ne perçoit rien sur les 5000F que paie chaque citoyen pour se faire établir sa carte nationale d’identité. La conclusion qui découle de cette disposition, est simple : On ne peut pas détourner une recette qui n’est pas encaissée. Sur le prétendu détournement des fonds de 14 projets non réalisés à hauteur de 34,2 milliards, c’est la même confusion qui est entretenue par une certaine opinion. Ici encore, tout est un problème de connaissance et de compréhension du mécanisme de fonctionnement des questions budgétaires.

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Il est bon de signaler que, depuis quelques années, la Côte d’Ivoire fonctionne sous le modèle de budget-programme qui est un mécanisme très contraignant et particulièrement rigoureux dans la gestion des finances publiques. Effectivement, le rapport de la Cour des compte relève que des projets n’ont pas été réalisés. Mais la Cour des comptes ne dit pas que les fonds alloués à ces projets ont été utilisés. Ceci est un principe élémentaire dans l’élaboration d’un budget qui est une simple simulation de recettes et de dépenses. On peut entrevoir un projet, le budgétiser, le réaliser, le réaliser partiellement ou bien ne pas le réaliser. Dans le cas d’espèce, il s’agit de projets financés sur la base de dons. Ce qui rend encore le processus complexe. Mais le fait de mentionner dans un budget qu’on doit réaliser 14 projets à hauteur de 34,2 milliards, ne signifie pas que l’argent est disponible pour le faire. Mieux, dans le cas des dons, dans le contexte actuel, certains partenaires financiers internationaux préfèrent traiter directement avec les bénéficiaires, sans passer par les structures étatiques. Il serait difficile dans un tel contexte pour un auditeur de la Cour des comptes de disposer de pièces justificatives ou comptables auprès des agents de l’État. Mais cela n’est pas un acte de mauvaise gouvernance, encore moins de détournement. C’est une simple question de gestion des processus propres à des structures. C’est sur la base de ces explications que les auditeurs de la Cour des comptes ont déclaré, eux-mêmes, dans leur rapport, avoir pris acte de cette situation et ont donné leur quitus à la gestion du budget de l’État de Côte d’Ivoire pour l’année 2022. En définitive, l’on doit retenir que ce soit pour les passeports, les cartes nationales d’identité ou encore les 14 projets mentionnés dans le rapport de la Cour des comptes, il n’y a eu aucunement de détournements de fonds. Tout est une question de compréhension ou de connaissance du mécanisme de fonctionnement des principes de l’élaboration, de la gestion et du contrôle de l’exécution du budget de l’État.

 

Kra Bernard

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