Il était certainement le diplomate le plus célèbre et le plus écouté de la planète. L’ancien secrétaire d’État américain (1973-1977) et influent conseiller géopolitique Henry Kissinger est mort mercredi 29 novembre à l’âge de 100 ans après avoir marqué de son empreinte de géant la marche du monde.
Grand artisan du rapprochement historique entre les États-Unis et la Chine communiste au début des années 1970, initiateur de la politique de détente avec l’URSS, son nom reste également associé aux accords de Paris qui ouvriront la voie au retrait américain du Vietnam et lui ont valu le prix Nobel de la paix en 1973.
Mais ce bilan prestigieux n’a jamais cessé de susciter le débat aux États-Unis. À l’occasion du centième anniversaire du diplomate en mai 2023, le magazine The Nation, engagé à gauche, publiait un dessin d’Henry Kissinger prêt à se délecter d’un gâteau d’anniversaire nappé du sang des victimes de toutes les crises qui ont marqué sa carrière.
Un rêve américain
Heinz Alfred Kissinger est né en Allemagne en 1923 dans une famille juive de la bourgeoisie bavaroise. En 1938, il fuit les persécutions nazies avec ses parents pour rejoindre New York. Naturalisé américain, il intègre le contre-espionnage militaire où sa maîtrise de l’allemand et sa connaissance du terrain se révèlent de précieux atouts pendant la Seconde Guerre mondiale, puis lors de la période de dénazification.
De retour aux États-Unis, il poursuit des études à Harvard. C’est pendant cette période clé qu’il forge sa vision des relations internationales inspirée par le diplomate autrichien Metternich et "l'ordre européen" de la première moitié du XIXe siècle. Organisé par les puissances qui ont battu Napoléon, il visait à éradiquer l'héritage de la Révolution française.
Pour maintenir l’ordre du monde en plein affrontement entre l’Est et l’Ouest, Henry Kissinger, méfiant envers les grandes idéologies, prône au contraire une politique étrangère pragmatique, cynique diront ses critiques, visant un équilibre des pouvoirs bâti autour de Washington, Moscou et Pékin.
Devenu professeur au département des études gouvernementales de Harvard, Henry Kissinger se fait un nom après la publication en 1957 de "Nuclear Weapons and Foreign Policy", un traité sur l’usage de l’arme nucléaire dans lequel il anticipe la doctrine de la riposte graduée.
Intellectuel d’action, le docteur K commence à être consulté par les responsables républicains sous la présidence de Dwight Eisenhower et John Fitzgerald Kennedy lors de la seconde crise de Berlin, marquée par la construction du mur en 1961.
Proche de Nelson Rockefeller, gouverneur de l’État de New York, Henry Kissinger le soutient contre Richard Nixon lors des primaires républicaines de 1968. Pendant la campagne, il propose un plan de retrait américain du Vietnam. L’initiative sera finalement retenue par Nixon une fois élu, qui le nomme assistant pour les affaires de sécurité nationale et secrétaire exécutif du Conseil de sécurité nationale.
Si William Rogers est alors le secrétaire du département d’État, c’est bien Henry Kissinger qui mène la politique étrangère de Washington. Il devra attendre le second mandat du président Nixon en 1973 pour accéder officiellement à la fonction, devenant ainsi le premier chef de la diplomatie américaine né à l’étranger.
"Il y a quelque chose d’extraordinaire dans le parcours de ce petit garçon juif allemand, qui naît à quelques kilomètres à peine de Nuremberg, grandit au cœur même de l’enfer nazi et devient le plus grand diplomate que les États-Unis aient connu", écrit Jérémie Gallon dans son autobiographie intitulée "Henry Kissinger l’Européen" paru en 2021, voyant dans cette ascension fulgurante un concentré du rêve américain.
NB : Le titre est de la Rédaction
L’Avenir avec leMonde.fr