Revenant sur les incidents survenus dans la région de La Mé à l’approche de la visite qu’il devait y effectuer, l’ancien Président a dénoncé la propension à surfer sur la fibre ethnique comme arme politique. « On ne peut pas empêcher un homme politique d’aller dans une région. On ne peut pas le faire parce qu’on crée le tribalisme en le faisant (…) », a-t-il commencé par dénoncer. Et Gbagbo d’ajouter : « On n’a pas besoin d’être d’une ethnie pour être d’une région. Non, non et non ! ». Ces propos de l’ex-chef de l’État sonnent comme une réplique à ceux tenus par l’ancien ministre Lida Kouassi lors de la campagne électorale ayant précédé les législatives de mars 2021. Même s’il ne s’adresse pas spécifiquement à son ancien ministre de la Défense, ces propos dénonçant les discours tribalistes, n’en viennent pas moins recadrer celui-ci.
On se souvient, en effet, qu’a l’occasion des législatives de mars 2021, ce natif de Lakota s’était offusqué que son adversaire, dont le nom évoque un ressortissant du Nord de la Côte d’Ivoire, veuille lui disputer le siège de député de la circonscription. « La candidature de mon adversaire Kouyaté Abdoulaye à Lakota est illégitime et inappropriée. Parce que nos compatriotes du Nord vont aux élections sans concurrence dans leur zone d’origine. Sans concurrence des gens du Sud. Est-ce que vous avez déjà entendu qu’à Korhogo, un candidat à la députation s’appelle Dakoury ? Est-ce que vous avez déjà entendu qu’un candidat à Séguéla s’appelle Kouakou Konan ? …Quand ils viennent en compétition au Sud, il est bon qu’ils choisissent des candidats RHDP, mais d’origine Dida, Bété, Attié, Abey, Baoulé, Agni. Ils ne peuvent pas venir présenter à Lakota, un candidat nordiste… C’est avec ce régime arrivé avec la force des armes, que nous avons vu que le député de Lakota s’appelle Kouyaté et que le sénateur s’appelle Diabaté … », a-t-il déclaré lors d’un meeting le 3 mars 2021.
À l’époque, ces propos avaient suscité un tollé sur la toile. Au point que la Commission électorale indépendante (CEI) avait dû produire un communiqué pour fustiger ces propos populistes et outranciers. « Ils sont surtout indignes d’un candidat aux élections législatives d’autant plus que la Constitution ivoirienne, en son article 96, dispose que "chaque parlementaire est le représentant de la Nation entière" », avait vertement condamné la CEI.
Régissant à ces propos proférés par Lida Kouassi contre lui, le député de Lakota, Kouyaté Abdoulaye, avait déclaré, trois semaines après le scrutin : « Je trouve ce type de débat malsain, nauséeux, parce qui n’honore ni son initiateur, ni son animateur ». Puis, il a ajouté : « Je le dis parce que le discours populiste est entré et est ancré dans l’argumentaire des intellectuels. Il est même présent dans le monde universitaire par l’entremise des intellectuels. Quand nous nous trouvons en difficulté face à un adversaire coriace qui a une perspective alléchante pour nos concitoyens, au lieu que prévale une vision politique propre à un projet de société et à un programme de gouvernement, non ! C’est le populisme du genre : Tel n’est pas de chez nous. Dans cette logique, tous ceux que l’on ne connaît pas dans sa sphère géographique, sont des étrangers. Pour notre ambition personnelle, nous ignorons royalement l’histoire et la composition sociologique de notre pays. Ainsi, on induit nos parents et les profanes en erreur avec des langages orduriers ».
Assane Niada