Tous les observateurs avertis de la scène politique nationale ont bien compris qu’entre Blé Goudé et ses amis d’hier, un ressort s’est cassé. C’est du moins, ce qui transparaît des propos allusifs assénés par l’ex-chef de la galaxie patriotique, qui fut le fer de lance de la résistance patriotique ayant défendu le régime Gbagbo durant près d’une décennie. À l’évidence, celui-ci est vent debout contre ceux qu’il a défendus farouchement, au point d’avoir été le seul partisan du camp Gbagbo à être traduit devant la Cour pénale internationale (CPI). « Je suis très en colère ! », a-t-il martelé comme un refrain.
Et Blé Goudé de donner, à demi-mot, une idée de ce qui le rend si furieux : « Il est l’heure de la vérité. Onze ans de mensonge, mais une seule heure de conférence de presse pour rétablir la vérité ». Le disant, il semble revenir sur des choses que certains proches de Gbagbo ont racontées sur son compte du temps où il était encore retenu à La Haye. Il se disait notamment qu’il avait trahi son « père » Laurent Gbagbo, qu’il avait pris fait et cause pour Simone Gbagbo quand a éclaté le malaise qui a fini par conduire à la procédure de divorce de l’ex-couple présidentiel pendante devant le tribunal.
On se souvient qu’au cours d’un meeting animé le 10 juin 2022 dans le District de Yamoussoukro, le secrétaire général du nouveau parti de Gbagbo, le Parti des Peuples africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI), Damana Pickass, a lancé des propos sibyllins, dont on devinait le destinataire. « Ceux qui pensent qu’ils étaient avec nous et qui ne cessent d’envoyer des piques et des attaques au président (Laurent Gbagbo, NDLR), qu’ils continuent et ils verront ce qui va leur arriver », avait-t-il menacé Blé Goudé, sans pour autant le citer nommément. Et Pickass de renchérir : « Laurent Gbagbo est d’une autre génération, il n’est pas votre catégorie et nous ne jouons pas dans sa catégorie… ».
C’est certainement à ce genre d’attaques verbales que Blé Goudé répond dès son retour au pays, après y avoir répliqué depuis La Haye aux Pays-Bas. « Il ne faudrait jamais juger quelqu’un sur la base des racontars. Mais prendre le temps d’écouter la version de la personne dont on vous a parlé », a encore martelé l’ex-leader des jeunes patriotes, laissant clairement deviner qu’il fait allusion à des choses qui auraient été racontées sur son compte par des proches de Gbagbo et peut-être par Gbagbo lui-même. Cette autre déclaration de Blé Goudé laisse, en effet, penser à une telle éventualité. « La Côte d’Ivoire n’a pas besoin de menteur. La Côte d’Ivoire a besoin d’un chef qui dit la vérité », a-t-il clamé haut et fort. À travers le terme « chef », l’ex-leader des jeunes patriotes semble convoquer la notion de leader et par ricochet, faire allusion à un leader qui ne dit pas la vérité. Au regard des relations qu’on dit devenues délétères entre les deux hommes, on peut raisonnablement penser qu’il jette une pierre dans le jardin de son « père » et icône politique. Voilà donc qui annonce des rapports mouvementés entre Blé Goudé et ses compagnons d’hier.
Assane Niada