La Commission des Affaires juridiques et institutionnelles a donc voté, lundi 7 novembre 2022, à la majorité, le projet de loi à lui soumis par le gouvernement et présenté par le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, Diomandé Vagondo. Cette modification de la loi régissant la composition de la CEI vise, en réalité, à traduire en loi, un des points d’accord auxquels pouvoir et opposition sont parvenus lors de la 5e phase du dialogue politique, qui s’est ouverte le 16 décembre 2021 et dont les conclusions ont été rendues publiques le 4 mars 2022. À l’issue des discussions, il avait été proposé, au titre des recommandations, « la prise en compte des réalités nouvelles en vue du réaménagement de la CEI sans préjudice de l’équilibre de celle-ci ». C’est donc pour prendre en compte ce point d’accord que le gouvernement a proposé ce projet de loi portant modification de la loi sur la composition de la CEI, jusque-là en vigueur.
La proposition vise, en réalité, à prendre en compte, le Parti des peuples africains (PPA-CI) de l’ancien président Laurent Gbagbo en attribuant un nouveau poste à l’opposition au sein du bureau central de la CEI, mais également, un autre au parti au pouvoir. Et cela, en modifiant l’alinéa 5 de la loi n°2001-634 du 9 octobre 2021 portant composition, organisation, attributions et fonctionnement de la CEI. Par ailleurs, de nouveaux postes de commissaires locaux de l’organe électoral ont été créés, toujours pour prendre en compte, la création du PPA-CI de Gbagbo et les préoccupations du PDCI relatives à cette question. Il a fallu pour cela, modifier les articles 15, 16 et 17 de la même loi évoquée ci-dessus.
Rien qu’une fuite en avant !
Mais voilà que l’opposition est vent debout contre ce « réaménagement de la CEI » au point que ses représentants à la commission des Affaires juridiques et institutionnelles de l’Assemblée nationale ont cru devoir boycotter le projet de loi soumis à leur examen. Au motif que, malgré ce « réaménagement », l’organe en charge des élections reste déséquilibrée « en défaveur de l’opposition ». C’est du moins, l’un des arguments invoqués par le parti dirigé par Henri Konan Bédié. Lequel s’est fendu d’un communiqué le jour suivant, dans lequel il égrène ses griefs contre le projet de loi. « Force est de constater que le projet de loi soumis à notre analyse, présente encore un déséquilibre en faveur de l’opposition.
En effet, depuis 2001, toutes les propositions d’amendements du texte régissant la CEI ont constamment recommandé l’indépendance de cette institution qui doit jouir de pouvoirs discrétionnaires et non régie par un pouvoir lié », fait remarquer le PDCI. Et de réclamer le retrait, du bureau central de la CEI, du ministre chargé de l’administration du territoire. « Car, soutient le parti de Bédié, sa présence enlève à la CEI, son caractère d’autorité administrative indépendante conformément à l’article 32 alinéa 4 de la constitution et à l’article 1er de l’ordonnance n°2020-306 du 4 mars 2020… ». Par ailleurs, proteste le parti septuagénaire, « le déséquilibre de la CEI est davantage accentué au sein des commissions locales dans lesquelles, d’une part, la société civile n’est pas représentée, mais d’autre part, le parti au pouvoir est surreprésenté par la présence du représentant du préfet et du sous-préfet ».
Mais de quoi parlent le PDCI et, par-delà ce parti, l’opposition ? Celle-ci, pourrait-on dire, est victime de ses propres turpitudes. N’a-t-elle pas signé la déclaration finale ayant sanctionné la 5e phase du dialogue politique où il est écrit que le réaménagement se fera « sans préjudice de l’équilibre de celle-ci (la CEI, Ndlr) » ? D’où vient-il qu’elle vienne, après coup, dénoncer un prétendu déséquilibre ? Par ailleurs, depuis l’ère Gbagbo, les acteurs politiques, toutes tendances confondues, n’ont jamais vraiment préconisé une refonte totale de la composition de la CEI. Tout au plus, ont-ils proposé un ajustement consistant à ajouter un ou deux postes à des partis déjà représentés au sein de cet organe des élections. Plus d’une fois, tous ont rejeté le retrait des partis politiques de la CEI au profit des organisations de la société civile, prétextant que ce sont eux qui sont concernés au premier chef par les joutes électorales. D’où vient-il que l’opposition, par la voix du PDCI, vienne à la limite regretter que la société civile ne soit pas représentée dans les commissions locales ? Si Bédié et son parti en avaient fait une préoccupation majeure lors du dernier dialogue politique, le communiqué final l’aurait sûrement inscrite en bonne place dans les recommandations. Au total, l’opposition a préféré la fuite en avant, quand il s’est agi de transformer en loi, le réaménagement « sans préjudice de déséquilibre » de la CEI qu’elle a pourtant acté en apposant sa signature au bas du communiqué final du dernier dialogue direct, qui s’est achevé en mars 2022.
Assane Niada