Le PDCI-RDA ne cache pas son intention de reprendre les communes du district d’Abidjan qu’il a perdues au sortir des dernières élections municipales, qui se sont déroulées en 2018. En perte de vitesse depuis qu’il a perdu le pouvoir en 1999, le parti fondé par Félix Houphouët-Boigny, perd du terrain au fil des élections.
Sa dernière déculottée lui a été infligée à l’occasion des élections législatives partielles qui se sont tenues à Bodokro dans la région du Gbêkê, le 3 septembre 2022, à l’issue desquelles la liste conduite par le baron du PDCI, Jacques Mangoua, a été étalée par celle emmenée par la tête de liste du parti au pouvoir, le RHDP, en la personne de Kouamé Attingbré. Une cinglante défaite, restée au travers de la gorge de la direction du PDCI. Ce qui a amené Bédié à appeler, lors du récent bureau politique de Daoukro, son parti à reconquérir les zones perdues, dont plusieurs communes du district d’Abidjan.
PDCI : De 9 communes en 2013 à 5 en 2018
Il y a en effet, 9 ans, le PDCI raflait 9 communes sur 13 dans le district d’Abidjan, à l’issue des élections municipales de 2013. Il s’agit des communes de Cocody avec N’goan Mathias ; Plateau, avec Akossi Bendjo ; Koumassi avec N’dohi Yapi Raymond ; Treichville avec Amichia François ; Port-Bouët avec Hortense Aka-Anghui ; Marcory avec Aby Raoul ; Bingerville avec Beugré Djoman et Songon avec Eric N’koumo Mobio. Il n’avait laissé que 4 communes au RDR, qui était pourtant au pouvoir depuis deux années. Ce sont la commune d’Abobo, rempotée par Adama Toungara ; d’Adjamé, raflée par Youssouf Sylla ; de Yopougon, tombée entre les mains de Kafana Koné et d’Anyama, reconquise par Amidou Sylla.
Mais, 5 ans plus tard, le PDCI a perdu du terrain. Brouillé avec son allié, le RDR, avec lequel il était en train de constituer un parti unifié, dénommé Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), le parti dirigé par Bédié est finalement allé à ces municipales de 2018, sous la bannière PDCI. Entre temps, certains de ses dignitaires ont rejoint le RHDP, que préside Alassane Ouattara. Au nombre de ceux-ci, Danho Paulin, Amichia François et Beugré Djoman, qui étaient respectivement maires PDCI d’Attécoubé, de Treichville et de Bingerville, à l’issue des municipales de 2013. Conséquence : au terme de ce scrutin, le PDCI a perdu les communes dont ses ex-barons, passés dans le camp Ouattara, étaient maires. Le RHDP a ainsi remporté la commune d’Attécoubé avec Danho Paulin et de Treichville avec Amichia François. Le PDCI a également mordu la poussière à Bingerville dès que Beugré Djoman est passé au RHDP, même si celui-ci n’a pas été reconduit en 2018. A ces trois communes qui lui ont filé entre les doigts, s’ajoute la commune de Koumassi, où Cissé Ibrahim Bacongo a supplanté N’dohi Raymond du PDCI. Voilà donc le PDCI réduit à 5 communes sur les 9 qu’il contrôlait en 2013 : Cocody avec Jean-Marc Yacé ; Port-Bouët avec Emmou Sylvestre ; Plateau avec Jacques Ehouo ; Marcory avec Aby Raoul et Songon avec Eric N’koumo Mobio.
Ces bastions imprenables du RHDP
Ce sont donc les 4 mairies perdues que le PDCI espère, à minima, reconquérir, et, pourquoi pas, toutes les 7, passées sous contrôle du parti au pouvoir, le RHDP. Mais la mission est pour le moins herculéenne, voire inatteignable. En effet, l’ex-parti d’Alassane Ouattara, le Rassemblement des républicains (RDR), reste la composante essentielle du RHDP. Or, l’on disait autrefois de ce parti, qu’il est un phénomène urbain, au regard des résultats prodigieux qu’il récolte à l’occasion des élections municipales. Qui ne se souvient qu’il est sorti vainqueur des élections municipales de 2001 avec 64 communes sur 195, devant le parti au pouvoir d’alors, le Front populaire ivoirien (FPI) de Laurent Gbagbo, qui en a récolté 34 et le PDCI 58. Depuis, ce parti s’est implanté durablement dans certains territoires du pays, considérés désormais, comme son bastion : les mairies d’Abobo, d’Adjamé et d’Anyama.
Depuis 2013, les partisans de Ouattara dirigent ces communes. Ils ont battu de loin, le candidat du PDCI. En 2013 à Abobo, Adama Toungara l’a emporté avec 59% devant le candidat du PDCI, Alberic Mandjoba. En 2018, c’est feu Hamed Bakayoko qui sortait vainqueur avec 58,99% devant le même Albéric Mandjoba (17,04%). C’est dire que cette commune reste une citadelle imprenable par le PDCI, en l’état actuel des choses. « Je ne sais pas si en l’état actuel des choses, on peut faire quelque chose à Abobo (…) Ce n’est pas une mince à faire… », a admis le maire PDCI de Marcory, Aby Raoul, dans les colonnes du quotidien Le Matin du lundi 24 octobre 2022.
À Adjamé, Youssouf Sylla a triomphé avec 30, 52%, loin devant le candidat du PDCI, Koutouan Jérôme (11,69%). À l’époque, l’indépendant Soumahoro Farikou avait fait mieux que le candidat du PDCI en obtenant 27,64% des voix. En 2018, c’est Soumahoro Farikou qui l’a emporté, sous la bannière du RHDP. Le PDCI n’y a même pas fait acte de candidature. Par realpolitik sûrement. Or, c’est le même Farikou qui pourrait être le porte-étendard du RHDP en novembre 2023. Dans une telle perspective, il y a peu de chance que le PDCI l’emporte, comme le reconnaît avec lucidité, le maire PDCI de Marcory, Aby Raoul. « La bataille sera tellement rude (…) A Adjamé, ça va être difficile et si on part en rangs dispersés, ce n’est même pas la peine d’aller en compétition », a-t-il confié.
Treichville, Koumassi, Cocody : dures batailles à l’horizon
Le parti de Bédié sera confronté aux mêmes difficultés à Treichville, une commune où Amichia François semble indéboulonnable. En témoignent ses résultats lors des municipales de 2013 et 2018 : 53,34% et 67,95%. En 2013, il était candidat pour le compte du PDCI, mais en 2018, il a défendu les couleurs du RHDP et le PDCI ne lui avait opposé aucun candidat. Il est comme en terrain conquis. « Amichia est parti, il nous faut un candidat de classe », déplore Aby Raoul, reconnaissant ainsi que son parti a peu de chance de reprendre le contrôle de cette commune, longtemps restée un bastion du parti de Bédié.
Le maire PDCI de Marcory admet également qu’il va être difficile pour son parti de gagner à Koumassi où les réalisations éloquentes du maire sortant, Cissé Bacongo, parlent pour lui. Elu en 2018 devant le maire PDCI, N’dohi Raymond, Cissé Bacongo s’est employé, en 5 ans, à lustrer la commune. Aussi a-t-il de réelles chances d’être reconduit. « Aujourd’hui, tout le monde voit ce que l’État de Côte d’Ivoire est en train de faire à Koumassi (…) ça va être hyper difficile de récupérer Koumassi », admet Aby Raoul. Lequel craint même qu’une commune comme Cocody, pourtant remportée par le PDCI en 2013 avec N’goan Mathias avec 42,27% et 2018 avec Jean-Marc Yacé (41,36%), échappe à ce parti, en raison de la guerre de positionnement que se livrent des têtes fortes de ce parti. « A Cocody, il y a 5 candidatures. Mais, à l’interne, il y a deux candidatures qui émergent. Il y a une candidature portée par un député et une autre portée par le maire sortant. Si les deux sont ensemble, on ne peut pas perdre ces élections. Comment les mettre ensemble ? Sinon, on va aller tout droit vers le mur », analyse-t-il, à l’image de bien des observateurs lucides de la vie politique à Cocody. Et Aby Raoul d’ajouter : « …et mon frère Eric (Eric Taba, directeur de protocole d’Alassane Ouattara, cadre du RHDP, ndlr) est en train d’avancer tout doucement. Il est en train de profiter de cette mésentente pour pouvoir nous prendre le bébé Cocody… ». Il fait ici allusion au risque de voir la commune tomber dans l’escarcelle du parti au pouvoir, dont Eric Taba est un haut cadre. Au total, l’ambition de Bédié et son parti de reconquérir tout Abidjan, s’annonce comme une gageure du moins un vœu pieux.
Assane Niada