Politique

Qui était le père de la rébellion et qui a acheté les armes ? Le témoignage d’IB qui met fin au débat

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Le 7 avril 2011, devant des populations, IB a fait des révélations sur les origines de la rébellion. (Photo : DR)
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20 années après la rébellion qui a entraîné la partition du pays en deux, beaucoup de choses ont été entendues et dites sur les origines de cette révolte. S’il n’a pas été suffisamment mis devant les projecteurs pendant les dix années qu’a durées cette rébellion, Ibrahim Coulibaly, un des acteurs clés du coup d’État de 1999, est connu pour en être le cerveau.

Ayant repris le maquis à la tête du commando invisible à la faveur de la crise post-électorale de 2011, celui qu’on surnomme IB a fini par livrer des secrets jamais révélés sur cette rébellion.  Le 7 avril 2011, recevant une délégation de populations venues connaître ses motivations, IB a alors fait des révélations qui permettent à l’opinion d’être située sur un certain nombre de choses : qui était le père de la rébellion ? Qui l’a financée ? Comment l’opération a été montée depuis le Burkina ? Comment les auteurs de la rébellion se sont retrouvés en exil ? Comment vivaient-il ? Ci-dessous, un large extrait du récit d’IB sur la rébellion de 2002.

"IB, vous voulez me tuer, j'ai eu l'information et la certitude que vous voulez me tuer"

« (…) Une semaine après, les Zaga Zaga et autres, Wattao, à commencer par Chérif Ousmane, ont été arrêtés. Le général Guéï a fait arrêter toute la Brigade spéciale qui assurait sa sécurité.  Je ne vais pas prendre trop le temps pour vous expliquer tout cela. Pendant ce temps, j’apprends que je devais partir au Canada. Quand ça s'est passé, j'ai eu le Général au téléphone. Je lui ai dit : mon Général, qu'est-ce qui se passe ? Si c’est une affectation, il n'y a pas de problème. Mais qu'est-ce que mes compagnons qui vous ont permis d'être au pouvoir ont fait pour se retrouver en prison ? Le Général a répondu en disant : "IB, vous voulez me tuer, j'ai eu l'information et la certitude que vous voulez me tuer". Je lui ai dit : Mon Général, si on voulait vous tuer, il y a longtemps on l'aurait fait. Je pense que ce n'est pas la solution de mettre ces jeunes-là en prison. Démontrez au peuple que vous êtes une icône de la paix (…) Démontrez-le par des preuves en libérant ces jeunes.

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Puisque je voulais obtenir la libération de mes compagnons, je lui ai dit de dire ceci au peuple : ces jeunes voulaient me tuer et comme je crois en Dieu, je vais les libérer et les laisser avec leur conscience. Il me dit : J'ai compris. Le lendemain, on m'appelle pour m'informer que mon adjoint ''La grenade'' a été tué en prison. Donc, il a commencé à les liquider un à un. J'ai pris mon téléphone pour appeler le Général et je lui ai dit : Mon Général, vous oubliez vite. Vous venez de tuer La Grenade, mais sachez que vous allez tous nous tuer. À partir de cet instant, moi, je te déclare la guerre. Je ne suis plus attaché militaire au Canada et considérez-moi comme votre adversaire. Voilà comment le Général et moi, nous nous sommes séparés. (...) J'ai laissé tous mes privilèges et je suis rentré en France. De la France, je suis allé au Burkina et c'est à partir de là que j'ai commencé à appeler mes amis. On avait déjà mis un système en place. Le jour des élections (d'octobre 2000) quand il y a eu les cafouillages, nos amis sont allés attaquer la poudrière pour libérer les Wattao et les autres. Je me suis arrangé pour les faire tous monter à mes côtés à Ouagadougou. Pendant ce temps, Guillaume Soro, parce qu'il faut dire la vérité aux gens, était à Abidjan.

C'est comme ça que j'ai fait venir Soro Guillaume à côté de moi comme porte-parole.

Je pense qu’il était d’ailleurs, candidat aux élections municipales à Port-Bouët avec Henriette Diabaté et il a échoué là-bas. Blaise Compaoré m'a permis de recueillir mes éléments qui étaient dans des situations clandestines à Abidjan. On a donc pu les faire sortir un à un : Tuo Fozié, Adam’s, Wattao, Zaga Zaga. Un jour, Guillaume Soro m'appelle et me dit que c'est dur pour lui et qu'est-ce que je peux faire pour l'aider. Je lui ai dit que les journalistes m'appellent à tout instant pour discuter. Moi, je n'ai ce temps. Je suis en train de m'organiser pour voir ce qu'on peut faire. Donc, viens, tu vas t'occuper des journalistes. C'est comme ça que j'ai fait venir Soro Guillaume à côté de moi comme porte-parole. Et c'est de là qu'est née toute cette histoire. Nous avons monté le 19 septembre 2002. J'ai préparé mes hommes pendant près de six mois. Nous avons fait deux ans et demie à Ouaga. Mais pour lancer le 19 septembre 2002, nous nous sommes retirés en brousse pour préparer mes hommes pendant près de six mois. On a tout calé.

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Le jour où je faisais partir mes hommes sur le terrain, un ami m'a aidé financièrement. Je veux préciser quelque chose. Je n'ai jamais reçu 5 F CFA d'un homme politique pendant mes presque trois ans au Burkina Faso. Je vous le dis sincèrement devant Dieu, je n'ai pas reçu 5 F CFA d'un homme politique de Côte d'Ivoire. Je ne dis pas de nom, je dis bien de Côte d'Ivoire, ni de la part d'hommes d'affaires, ni de la part d'hommes politiques pour entretenir ces hommes. Qu'est-ce que je gagne à mentir ? Si quelqu'un m'a aidé, pourquoi je ne vais pas le dire ? C'est Dieu qui nous a aidés et l’État burkinabé qui nous a donné des villas. C’est cela, la vérité. Après la formation, un ami libanais m'a envoyé 60 millions de F CFA. J'ai fait des enveloppes de 300.000 F CFA. L'intendant était Gaoussou, il a fait la rébellion et c'est lui qu'on appelait Jah Gao, le com-zone de Boundiali. Je lui ai dit de faire des enveloppes de 300.000 F CFA pour tous les éléments qui devaient rentrer. Je les avais repartis en trois groupes, parce qu'il devait y avoir trois attaques simultanées : Abidjan, Bouaké et Korhogo. À la tête de chaque groupe, il y avait un chef. Pour Abidjan, c'était Kobo, à Bouaké, c'était Zaga Zaga, et à Korhogo, c'était Messamba. Jusqu'en 2003, avant mon arrestation en France, tout le monde avait une bonne image de la rébellion. Nous sommes rentrés, les choses ont fonctionné par la grâce de Dieu, nous avons coupé le pays en deux (…) ».

Témoignage recueilli le 7 avril 2011

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