C’est un écran de fumée dont Henri Konan Bédié veut se servir pour justifier le énième report de la séance du Bureau politique initialement programmée pour le 15 septembre 2022. En fait, les raisons se trouvent ailleurs. Le PDCI est secoué par une crise profonde. À l'origine, se trouve l'ouverture des candidatures pour les élections municipales. Plusieurs membres du bureau politique sont devenus, du coup, adversaires dans une même commune. Le problème est d’autant plus sérieux, dans la mesure où ceux qui se combattent, sont des élus et autres cadres du parti de Bédié. À Cocody, par exemple, Yasmina Ouegnin, députée, a dévoilé son ambition face à un Jean-Marc Yacé, maire sortant qui n'a pourtant, pas jeté l'éponge.
Yasmina Ouegnin et Jean-Marc Yacé sont prêts à dégainer
Pendant que Yasmina Ouegnin et Jean-Marc Yacé sont prêts à dégainer, Doulaye Coulibaly et Dr Jean Serges Koffi, tous deux cadres du PDCI, respectivement premier et deuxième adjoints au maire, se préparent également à être candidats. À Yopougon, l’ambiance est électrique. De gros bonnets qui se cachent derrière des secrétaires généraux de sections, ont engagé un combat sans merci contre le député Dia Houphouët qui serait en pole position pour être le candidat du vieux parti, dans la plus grande commune de Côte d’Ivoire. Des conférences de presse ont été animées où ces responsables ont tiré à boulets rouges, sur des proches de Bédié comme Ehouman Bernard, Allah Kouadio Remi et Georges Philippe Ezaley.
Ces proches du président du PDCI sont accusés de semer la zizanie à Yopougon
Bédié et son Secrétaire exécutif Guikahuié sont-ils en froid?. (Photo : DR)
Ces proches du président du PDCI sont accusés de semer la zizanie à Yopougon. À Port-Bouët, commune contrôlée par un maire issu du PDCI-RDA, la guerre est également déclarée entre le maire Emmou Sylvestre et son premier adjoint, Adja Alain. Ici encore, c’est une guerre des tranchées et chacun a, avec lui, un dignitaire qui est dans le premier cercle du boudha de Daoukro. Dans plusieurs autres localités de l’intérieur du pays comme Bocanda par exemple, de gros barons du PDCI n'entendent pas se faire cadeau. Même au sein de la direction exécutive du PDCI, jusque-là, l'ambiance n'est pas des plus cordiales.
Il y a plusieurs clans autour de Konan Bédié. D’une part, il y a les pro-Guikahué, ex-puissant Secrétaire exécutif, tombé en disgrâce depuis l'échec du Conseil national de transition (CNT), suite à l’élection présidentielle d'octobre 2020. Maurice Kacou Guikahué est devenu aphone. Allah Kouadio Rémi, ex-ministre de la Santé, qui montait en puissance, a perdu de la vitesse. Georges Philippe Ezaley, ex-maire de Grand-Bassam, remis en selle pour être à équidistance des clans qui se combattent, est lui aussi descendu dans l’arène. De même qu’Ehouman Bernard, à qui on prête de supers pouvoirs près de Bédié, est tout aussi inaudible. Aujourd’hui, au PDCI-RDA, après la descente aux enfers de Guikahué, la guerre de succession fait rage et chaque cadre autour de Bédié, veut se rendre incontournable. Et cela passe très souvent par l’instrumentalisation des responsables des structures de base pour dénigrer ou combattre, tel ou tel cadre. Quand on ajoute à tous ces problèmes, la sempiternelle question du rajeunissement du PDCI, il y a vraiment lieu pour Bédié de s'inquiéter.
Le Bureau politique se prononcera-t-il sur les antagonismes naissant? (Photo : DR)
À 88 ans, l’homme dont la santé serait chancelante, aura du mal à canaliser les ardeurs de ses lieutenants, si le bureau politique était maintenu dans un tel contexte, le 15 septembre prochain. Des mouvements de jeunesse avaient donné de la voix à cet effet, en dénonçant une sorte de vieillissement des instances du PDCI.
Le récent bref séjour de l’ancien patron du Crédit suisse sur les bords de la Lagune Ebrié, n’est donc pas fortuit.
Cela avait donné lieu à une passe d'armes entre ces mouvements et les structures statutaires de la jeunesse du PDCI. Dans l'antichambre du vieux parti, les prétendants au trône de Bédié se bousculent et se signalent. Tidjane Thiam apparaît comme un sérieux challenger face aux Billon et autres qui rongent leur frein depuis plus de 15 ans.
Le récent bref séjour de l’ancien patron du Crédit suisse sur les bords de la Lagune Ebrié, n’est donc pas fortuit. Toujours sur la question du report, d'autres sources au sein du PDCI justifient ce renvoi par un coup de fatigue du sphinx de Daoukro. Ayant activement participé aux obsèques de Charles Konan Banny, Bédié aurait accusé un gros coup de fatigue, qui l'a empêché de quitter Daoukro depuis août dernier. Sauf que cette information est vite démentie par d'autres membres de son cabinet, notamment le service de communication qui a largement diffusé des vidéos d'un Bédié qui accorde plusieurs audiences à des chefs traditionnels.
Le président du PDCI entend se donner les moyens pour aplanir les différends
En tout et pour tout, le report du bureau politique par l'évocation de la rentrée scolaire ne saurait être un argument solide. La date, fixée à l'avance, permet justement aux parents d'élèves, membres du bureau politique, de prendre des dispositions. La raison se trouve donc ailleurs, notamment parmi les difficultés susmentionnées. Le président du PDCI entend se donner les moyens pour aplanir les différends, arrondir les angles et calmer les ardeurs sur les différentes positions, avant d’aller à une séance du Bureau politique.
Yacouba Doumbia