Dans la perspective des élections locales de 2023 et surtout de l’élection présidentielle de 2025, le parti de Laurent Gbagbo et celui d’Henri Konan Bédié envisagent de sceller une alliance. À Guiglo, le samedi 9 avril 2022 dernier, le président du PPA-CI est revenu sur ce projet, que d’aucuns voient déjà comme un marché de dupes.
En visite à l’Ouest de la Côte d’Ivoire du 8 au 10 avril 2022, l’ex-chef de l’État, Laurent Gbagbo, y a évoqué publiquement l’alliance que son nouveau parti, le Parti des Peuples Africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI) est en train de sceller avec le Parti Démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI-RDA) d’Henri Konan Bédié. « …je voudrais dire publiquement (à la délégation du PDCI, ndlr) que pour moi, c’est très sérieux l’alliance que nous avons scellée avec le PDCI-RDA. C’est très sérieux parce que cette alliance nous donne une marge de manœuvre pour conduire une politique audacieuse. Il nous faut du temps et du cran. Et nous, unis, nous pouvons avoir du cran et du temps », a déclaré l’ancien Président au dernier meeting qu’il a animé à Guiglo, le samedi 9 avril. Et de lancer à l’endroit de la délégation du PDCI : « Chers amis du PDCI-RDA, vous qui êtes venus nous rencontrer ici, c’est ce que je vous demande de dire au Président Bédié ».
À travers ces mots, il n’y a plus aucun doute sur l’intention des deux leaders de se coaliser pour affronter en 2023 et surtout en 2025, le parti d’Alassane Ouattara et ses éventuels alliés. À travers le désormais traditionnel 2 contre 1, ces deux « éléphants » de la vie politique nationale espèrent ravir le fauteuil présidentiel à Ouattara à la faveur de la présidentielle de 2025. C’est d’ailleurs, ce qui explique que, malgré leur âge avancé, ils persistent à se maintenir dans le jeu politique. Et restent sourds à toute idée de passer le relais à une nouvelle génération, comme les y invite Ouattara. Au dire de certains de leurs lieutenants, Gbagbo et Bédié n’écartent pas l’éventualité de se porter candidats à la présidentielle de 2025.
2025 : les appels du pied de leurs lieutenants
Dans le camp Gbagbo, le doute que certains laissaient planer a fait place à la clarification au fil des prises de parole publique. « Si on avait laissé Laurent Gbagbo finir ses deux mandats en 2010, c’était fini (...) Tant que Laurent Gbagbo n'a pas fait ce qu'il a à faire, il n'ira pas, il faut que les gens comprennent cela », avait commencé par dire, le Secrétaire général du PPA-CI, Damana Adia Pickhas à l’occasion de l’assemblée générale extraordinaire de la jeunesse EDS, qui s’est tenue à Yopougon en septembre de l’année dernière. Puis, ce sera au tour de Koné Katinan, de dire la même chose en des termes à peine voilés. « L’âge qu’ils vont choisir en 2025, c’est cet âge-là que Gbagbo aura. S’ils choisissent 10 ans, Gbagbo aura 10 ans, s’ils choisissent 90 ans, Gbagbo aura 90 ans. 2025, c’est 2025, l’année de Gbagbo… », a-t-il soutenu.
Des propos allusifs qui ont fini par être clairement explicités par Kallet Diomandé, coordonnateur régional du PPA-CI dans le Tonpki, au cours d’une cérémonie dans la localité de Fagnampleu le samedi 8 janvier 2022. « Gbagbo est revenu pour prendre sa place. Gbagbo est notre candidat en 2025 », a-t-il dit tout haut, ce que les précédents cadres cités murmuraient. C’est donc clair pour le PPA-CI : Gbagbo doit et sera candidat à la présidentielle de 2025. Même si, à cette date, il aura 80 ans.
Dans le camp du PDCI-RDA également, on n’écarte pas l’éventualité d’une candidature de Bédié. Et cela, même si celui-ci sera âgé de 91 ans en 2025. L’un des fidèles parmi les fidèles du président de ce parti, le Secrétaire exécutif, Maurice Kacou Guikahué, l’a laissé sous-entendre au cours d’une cérémonie qui s’est tenue à Gokra, le village natal de Marie Koré, le 31 octobre 2021. « Il nous faut un consensus autour de la candidature du Président Henri Konan Bédié au 13e congrès ordinaire annoncé pour 2022, pour qu’il demeure président du parti afin que dans la sérénité et la cohésion, nous puissions préparer 2025 dans de bonnes conditions », a-t-il déclaré, laissant deviner que Bédié veut passer par sa réélection à la tête du PDCI pour être désigné porte-étendard de ce parti à la présidentielle de 2025.
On le voit donc, au PPA-CI, comme au PDCI, on mise sur Gbagbo et Bédié pour la présidentielle de 2025. Dans un tel cas de figure, qui des deux cadors de la scène politique nationale voudra s’éclipser au profit de l’autre, le moment venu ? Qui des deux leaders de parti acceptera de servir d’échelle ou de perche aux ambitions de l’autre ? Tout porte à croire que l’un de ces deux vieux briscards de la vie politique nationale nourrit le secret espoir d’utiliser l’autre comme un cheval pour se hisser sur le fauteuil présidentiel. Mais alors, lequel des deux voudra être le cavalier ? Telle est la problématique au cœur de cette alliance, plutôt de ce jeu de dupes auquel se livrent Gbagbo et Bédié.
Assane Niada