
L’article se présente comme un texte à la croisée des contradictions idéologiques et des mutations politiques en Côte d’Ivoire. Il met en exergue l’évolution paradoxale de l’idéologie de l’ivoirité, jadis portée avec ferveur par Henri Konan Bédié, et sa confrontation avec la réalité politique actuelle.
Kacou Gervais, qui fut autrefois un défenseur de cette doctrine face à Alassane Ouattara, semble aujourd’hui pris dans les filets de ses propres convictions passées. Cette volte-face met en évidence les limites d’une idéologie qui, après avoir servi d’arme politique, devient aujourd’hui un fardeau pour ses anciens promoteurs.
L’ivoirité, visait à circonscrire l’identité nationale ivoirienne selon des critères ethniques et culturels restrictifs, excluant notamment Alassane Ouattara du champ politique national.
Kacou Gervais , en soutenant cette ligne à l’époque, avait contribué à cristalliser un climat de suspicion et de division. Or, l’évolution du paysage politique a fini par démontrer l’impasse d’une telle posture.
Malgré tous les soubresauts, Alassane Ouattara est parvenu au pouvoir et a consolidé son influence, réduisant à néant les fondements mêmes de cette doctrine.
C’est d’ailleurs pourquoi un nom Thiam fût-il ivoirien peut prétendre au chapitre de président de la République, sinon la sœur aînée de Tidjane Thiam s’est vu refuser sous le régime de Gbagbo, sa demande de carte nationale d’identité au prétexte qu’il n’existe de racine Thiam en Côte d’Ivoire .
Mémoire politique et reniement, le PDCI dans la duplicité
L’appel à Tidjane Thiam, présenté comme une figure providentielle, repose sur une logique fragile.
En premier lieu, il semble naïf de croire qu’un simple retour de Tidjane Thiam suffirait à restaurer la grandeur du PDCI.
Le contexte politique actuel, marqué par un ancrage sociologique profond du pouvoir en place et, par un rapport de force politique dominé par le RHDP, ne permet pas à Tidjane Thiam un sauvetage miraculeux.
Ensuite, comment ceux qui, hier, définissaient l’ivoirité sur des critères d’authenticité nationale peuvent-ils aujourd’hui, solliciter une personnalité dont le parcours a été largement façonné en dehors de la Côte d’Ivoire et de surcroît, détenteur de la double nationalité par naturalisation? Cette contradiction sape la crédibilité de l’initiative.
Le paradoxe de la proximité, un mal qui ronge sans espoir d’en guérir.
Enfin, la politique n’est pas qu’une affaire de symboles. Elle repose sur des rapports de force, des alliances et des dynamiques de terrain. Or, Tidjane Thiam ne possède pas l’ancrage local, c’est-à-dire, une proximité géographique avec les ivoiriens.
Le paradoxe de la proximité dont souffre le PDCI n’est pas une nouveauté, mais bien plus qu’une réalité, une des conséquences de l’ivoirité qui alimente profondément la fracture sociale.
Ce paradoxe révèle une ambiguïté relationnelle et politique interne au PDCI, il cache également ses difficultés à assumer ses combats du passé. Guikahué, Billon en sont les victimes visibles.
En vérité, le PDCI a besoin des voix de ceux qu’il combat avec l’ivoirité pour espérer renverser les équilibres existants.
Quel paradoxe ?
Tidjane Thiam pour qui les suppliques de Kacou Gervais sont invoquées, risquent donc de devenir un mirage, une figure instrumentalisée sans véritable impact sur le cours des événements.
L’incongruité du silence sur le cas de Jean-Louis Billon
Un autre paradoxe frappant de l’article réside dans l’indignation sélective de son auteur. Lorsqu’il s’agit de Tidjane Thiam, il s’empresse de dénoncer une prétendue incohérence ou incompatibilité, scrutant chaque détail pour démontrer l’impossibilité de son ascension politique.
Pourtant, lorsque Véronique Aka, figure du PDCI, avait qualifié Jean-Louis Billon de « Touareg », insinuant ainsi qu’il serait étranger à l’identité ivoirienne, l’auteur n’avait pas jugé utile de monter au créneau avec la même véhémence. Ce mutisme trahit une approche biaisée : pourquoi une telle indulgence lorsque l’exclusion vise Billon, mais une posture intransigeante lorsqu’il s’agit de Thiam ?
Cette incongruité souligne une certaine instrumentalisation du débat identitaire au gré des intérêts politiques du moment.
Lorsqu’il est question d’écarter un adversaire potentiel, l’argument de l’authenticité nationale est brandi avec force.
Mais lorsqu’une figure du PDCI, pourtant engagée dans la même logique partisane, est victime de la même rhétorique, le silence devient la règle. Cette asymétrie discrédite la posture de l’auteur, révélant une indignation à géométrie variable et une lecture opportuniste du concept même d’identité.
En somme, l’ivoirité n’est pas seulement un dogme périmé, elle est aussi une arme à double tranchant, maniée selon les besoins stratégiques du moment, au détriment de toute cohérence intellectuelle.
L’illustration de l’ultime ironie de l’histoire
L’article met en lumière le grand paradoxe d’une classe politique prise à son propre piège idéologique. L’ivoirité, pensée comme un rempart contre certaines ambitions politiques, a fini par se retourner contre ses promoteurs, démontrant ainsi l’obsolescence des stratégies d’exclusion.
La supplique de Kacou Gervais apparaît, dès lors, comme une fuite en avant, une tentative désespérée de trouver une figure de légitimation, là où le combat politique exige bien plus qu’un simple symbole.
En somme, l’auteur de l’article, Kacou Gervais, en exposant ces contradictions, illustre l’ultime ironie de l’histoire : les dogmes rigides finissent toujours par se heurter à la fluidité du réel.
Kalilou Coulibaly, Doctorant EDBA. Ingénieur.