Serge Oulon, Adama Bayala et Kalifara Séré, disparus en juin dernier, auraient été enlevés par des membres de l'Agence nationale de renseignement (ANR), révèle Sadibou Marong, directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF.
Les circonstances des disparitions
Kalifara Séré, chroniqueur sur la chaîne privée BF1, n’a plus donné signe de vie depuis le 19 juin, peu après une audition par le Conseil supérieur de la communication (CSC) au cours de laquelle il avait publiquement accusé l’État de diffuser de fausses informations. Adama Bayala, également chroniqueur sur BF1, a disparu le 28 juin alors qu’il se rendait à un rendez-vous à Ouagadougou. Enfin, Serge Oulon, directeur de publication du bimensuel d'investigation ''L'Événement'', a été enlevé à son domicile le 24 juin, après la publication d’une enquête sur des soupçons de détournement de fonds impliquant un haut gradé de l’armée.
Ces disparitions forcées, dénoncées par RSF, illustrent ce que l'ONG décrit comme un climat de répression croissante de la liberté de la presse au Burkina Faso.
« Mobilisation générale » invoquée pour justifier les réquisitions
Lors de la 81e session ordinaire de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) tenue à Banjul, en Gambie, un responsable burkinabè, Marcel Zongo, directeur général des droits humains au ministère de la Justice, a admis la réquisition des trois journalistes en vertu d’un décret de « mobilisation générale » contre les groupes jihadistes. Ce décret, émis par le gouvernement de transition dirigé par le capitaine Ibrahim Traoré, est supposé renforcer les efforts militaires face à l’insécurité croissante dans le pays.
Cependant, RSF et d'autres organisations de défense des droits humains remettent en question cette justification, y voyant une tactique visant à réduire au silence des journalistes critiques.
Répression croissante de la liberté de la presse
Depuis le coup d’État de septembre 2022 ayant porté au pouvoir le capitaine Traoré, la liberté de la presse au Burkina Faso est mise à mal. Plusieurs médias internationaux ont été suspendus, accusés de « freiner les efforts du régime » pour la reconquête du territoire face à la menace jihadiste.
La situation a suscité une vive réaction de la communauté journalistique. Dans une tribune publiée dans le quotidien Le Monde, une cinquantaine de journalistes d’Afrique de l’Ouest ont dénoncé cette « répression tous azimuts » contre la presse burkinabè, avertissant que « le journalisme libre et fiable meurt à petit feu au Burkina Faso ».
Appelle à la libération des journalistes et à la protection de la presse
Face à ces événements alarmants, RSF appelle les autorités burkinabè à libérer sans délai Serge Oulon, Adama Bayala et Kalifara Séré, et demande la protection des journalistes pour garantir la liberté d’informer dans le pays.
Ces disparitions suscitent un sentiment d’inquiétude grandissant au sein de la société burkinabè, qui observe avec appréhension l’impact de ces mesures répressives sur les droits et libertés fondamentaux, essentiels à une démocratie résiliente et respectueuse des droits de l'homme.
Olivier YEO