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Burkina Faso : "La situation était délétère [...] on s'attendait à un coup d'État"

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L'ancien ministre des affaires étrangères est actuellement à Abidjan.
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Le chef de la junte au pouvoir au Burkina Faso, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, qui refusait sa destitution annoncée par le capitaine Ibrahim Traoré, a finalement accepté de démissionner dimanche 2 octobre après deux jours de tensions marquées par des manifestations antifrançaises. Alpha Barry, ancien ministre des Affaires étrangères du Burkina Faso, était l'invité de France 24 pour évoquer la situation dans le pays.

Notre invité Alpha Barry, vous avez été ministre des Affaires étrangères au Burkina-Faso sous Rock Mark Christian Kabore. D’abord comment vous réagissez à ce changement du pouvoir au Faso ?

Il est vrai que c’est un changement qui était attend. Ces derniers temps la situation s’est beaucoup dégradée. En même temps il y avait beaucoup de critiques au sein de la classe politique, aussi la société civile, les ONG, donc la situation était délétère. La récente visite du Président Paul Henri  aux Nations-Unies avec des déclarations qui n’ont pas du tout facilité, on s’attendait plus ou moins à un coup d’Etat. Surtout que les manifestations de rue avaient commencé. Et qui, généralement précèdent ce genre de coup de force.

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Parlons du N°1, le capitaine Traoré, son Curriculum vitae dénote avec ses prédécesseurs. Il est jeune, il a 34 ans. Il est peu gradé, il n’est pas Mossi, l’ethnie majoritaire au Burkina, est-ce-que ça peut être des obstacles, des handicaps pour lui ?

Non, je pense que quand on écoute le capitaine Ibrahim qui n’est pas connu du grand public jusqu’à vendredi, il est très rassurant. Il n’est pas rassurant pour son ethnie, il est rassurant pour tous les Burkinabè. D’ailleurs, de nombreux burkinabè sont descendus dans la rue comme pour faire une deuxième insurrection après celle de 2014. Et parmi ces burkinabè vous avez des burkinabè de toutes sorte d’ethnies y compris beaucoup de Mossi, au Burkina-Faso. Ce problème ne se pose pas. On n’est pas dans les clivages ethniques et je pense bien que le capitaine Ibrahim Traoré qui est dans une position de commandement au sein de l’armée,  il commande forcement des Mossi. Il s’est montré inclusif. Ces premières déclarations sont rassurantes pour l’ensemble des Bburkinabè, c’est pourquoi ils sont sortis nombreux pour non seulement faire en sorte que ça soit lui qui soit imposé à la tête de l’Etat, mais aussi pour lui donner les chances de gouverner.

Ce sont les mêmes images quand Damiba est arrivé en janvier 2022, finalement?

Non pas du tout, permettez-moi de vous corriger. Cette fois-ci, on a senti une sorte d’insurrection, puisse que les burkinabè sont descendus en masse pour faire réussir.  Donc ce n'est pas un coup d’Etat. Alors c’est assez curieux. Vous savez en 2015, les burkinabè sont descendus dans la rue pour faire échouer un coup d’Etat, cette fois-ci ils sont sortis nombreux pour faire réussir le coup d’Etat du capitaine Traoré qui s’était montré rassurant dans ces premières déclarations pour l’ensemble donc des burkinabè, mais aussi dans sa vision quant à un Burkina plus sécurisé, un Burkina de paix.

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Est-ce que vous appelez un retour rapide des civils à la tête de l’Etat? Je le disais le capitaine Traoré s’est engagé à respecter les engagements qu’avait pris son prédécesseur vis-à-vis de la CEDEAO, à savoir donc le retour des civils au pouvoir d’ici juillet 2024, pourquoi pas avant a-t-il dit ???

Je pense bien que dans ces différentes déclarations, il a annoncé les couleurs. Il a dit que ce sera un militaire ou un civil bien entendu pour l’ensemble de la classe politique et de la société civile. La classe politique et la société civile. Le souhait est que ce soit un civil. De toutes les façons, le souhait de cette classe politique qui voudrait bien que la transition soit civile. Comme ça été le cas en 2014 et 2015 où ça été un civil qui était à la tête de l’Etat. Cela s’est bien passé, même si au milieu il y a eu un coup d’Etat. Mais à la fin, le pouvoir a été remis à un civil bien élu et presque dans un délai qui a avait été bien fixé par la transition. A mon avis, c’est important qu’on puisse mettre un civil à la tête de l’Etat. Ce qui faciliterait le contact et les échanges avec les militaires. Sinon, on peut se retrouver avec un problème de hiérarchie. On l’a vu au Mali et que cela n’a pas marché dans un passé récent.

Est-ce que cette situation d’instabilité finalement ne risque pas de compromettre la lutte contre les djihadistes, lutte qui est déjà très chancelante au Burkina-Faso ?

Il faut souhaiter que ce ne soit pas le cas, parce que la situation est très difficile sur le terrain. Vous savez bien que depuis ces derniers mois, nous avons perdu beaucoup de nos territoires. Le président Damiba avait fixé comme indicateur de mesure, la restauration de l’intégrité du territoire. Malheureusement, on en a perdu davantage depuis janvier. Des régions entières sont coupées, des provinces sont isolées, des villages sont vidés, des routes sont sous le contrôle des terroristes. Donc aujourd’hui, avec cette situation je pense que l’ensemble des Burkinabè devraient s’engager auprès de l’armée, afin que le Burkina-Faso puisse triompher de cette situation. C’est vrai que ce n’est pas une tâche facile, c’est une tâche de longue haleine. Mais l’esprit d’inclusivité qui a été décliné par le capitane Ibrahim Traoré peut aider. Il reste à voir tout ça sur le terrain et c’est ce qu’on attend de voir.

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Alpha Barry on vous sent quand même rassuré…

Le capitaine Traoré Ibrahim dont j’ai eu l’occasion d’avoir au téléphone à plusieurs reprises depuis samedi est rassurant. Mais il est bon de voir tout ça sur le terrain. Ce qui est important, c’est de faire en sorte que tous les Burkinabè soient engagés dans la vision d’un Burkina-Faso de sécurité. Parce que ce que ce qu’on a vécu avec le régime du président Damiba, c’est qu’à la fois, on appelait le fait que tous les burkinabè soient ensemble mais en même temps, on combattait d’autres burkinabè. Du coup, l’engagement de l’ensemble des burkinabè au tour de l’armée n’était pas une chose qui était concrète. Donc du coup, la situation était difficile sur le terrain. Aujourd’hui, il y a les chances d’un Burkina réunifié derrière son armée pour vaincre le terrorisme et c’est notre grand espoir.

France 24

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