La mort de Desmond Tutu ce dimanche 26 décembre a ému le monde entier. Les hommages à l'engagement humanitaire du lauréat du prix Nobel de la paix en 1984 se multiplient.
Icône de la lutte contre l'apartheid, source d'inspiration, prisonnier de l'espoir : ce sont ces mots qui reviennent pour qualifier Desmond Tutu, mort des suites d'un cancer ce dimanche.
Le Dalaï Lama salue « un frère spirituel et un bon ami »
Depuis l'Inde, le Dalaï Lama revient dans un communiqué sur son amitié durable avec l'archevêque, saluant leur combat commun pour la paix. Dans une lettre envoyée dimanche 26 décembre à sa fille Mpho tutu, il évoque « un frère spirituel et un bon ami » : les deux leaders spirituels ont en effet partagé de nombreux combats et des moments de joie, mais aussi une célébrité et un engagement au service de l’humanité entière.
Cela se ressent dans le portrait que le leader bouddhiste tibétain dresse de leur relation, rapporte notre correspondant à Bangalore, Côme Bastin.
En dépit de leurs différences de foi, le Dalaï Lama y insiste sur les objectifs qu’ils partageaient : la défense des droits de l’Homme, de la réconciliation et du bien commun pour tous les hommes sans distinction de religion ou orientation.
Desmond Tutu, le militant pour la justice raciale et les droits des LGBT, était notamment venu lui rendre visite à Dharamsala en 2015. Un séjour durant lequel le Dalaï Lama se rappelle de réflexions sur la façon d'accroître la paix et la joie dans le monde.
S’il le qualifie de bon ami, c’est que de nombreux documents montrent que les deux hommes partageaient une vraie complicité, allant jusqu'à se taquiner devant les caméras. « Je suis convaincu que le meilleur hommage que nous puissions lui rendre et garder son esprit vivant est de faire comme il l'a fait : chercher constamment à voir comment nous pouvons aussi être utiles aux autres », conclut le leader Tibétain.
« Une source d'inspiration pour des générations dans le monde entier » pour Antonio Guterres
The Elders, le groupe des sages fondé par Nelson Mandela et présidé par Desmond Tutu de 2007 à 2013, se remémore une vie de passion et de dévouement pour la justice et la liberté.
Desmond Tutu a été « une source d'inspiration pour des générations dans le monde entier », ainsi qu'un « guide lumineux pour la justice sociale, pour la liberté et la résistance non-violente », écrit le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres. Son décès laisse « un vide immense sur la scène internationale et dans nos cœurs », ajoute-t-il.
« Bonne humeur irrépressible »
Le monde politique s'émeut de la disparition de l'un des plus grands humanistes du monde, selon les mots de l'ancien Premier ministre britannique David Cameron.
Son successeur Boris Johnson se rappelle la bonne humeur et le leadership de Desmond Tutu, honorant son combat pour la création d'une nouvelle Afrique du Sud. « ll a été une figure essentielle de la lutte contre l'apartheid et de la lutte pour la création d'une nouvelle Afrique du Sud. Nous nous souviendrons de lui pour son leadership spirituel et sa bonne humeur irrépressible ».
La reine Elizabeth II se dit « profondément attristée », saluant la défense « inlassable » des droits humains de Desmond Tutu, sa « convivialité », « son humour ». « Toute la famille royale se joint à moi pour exprimer notre profonde tristesse à l'annonce de la mort de l'archevêque Desmond Tutu », déclare la souveraine de 95 ans, cheffe du Commonwealth dont fait partie l'Afrique du Sud, dans un message de condoléances.
Je me souviens avec tendresse de mes rencontres avec lui, de sa grande convivialité et de son humour.
Queen Elizabeth II
Archbishop Desmond Tutu was a mentor, a friend, and a moral compass for me and so many others. A universal spirit, Archbishop Tutu was grounded in the struggle for liberation and justice in his own country, but also concerned with injustice everywhere. pic.twitter.com/qiiwtw8a5B
— Barack Obama (@BarackObama) December 26, 2021
Desmond Tutu « était un ami, un mentor et un phare moral pour moi et pour tant d'autres », réagit l'ancien président américain Barack Obama. « Esprit universel, l'archevêque Tutu trouvait ses racines dans la lutte pour la liberté et la justice dans son propre pays, mais était également préoccupé par l'injustice où qu'elle se trouve », écrit-il encore, sur Twitter.
Joe et Jill Biden, actuels locataires de la Maison Blanche après leurs huit années passées avec Barack Obama, et notamment à l'époque de la mort de Nelson Mandela en 2013, disent avoir le « cœur brisé », saluant « l'exemple » de Desmond Tutu, qui « transcende les frontières et trouvera un écho à travers les âges ».
Le couple présidentiel américain évoque le « pouvoir du message de justice, d'égalité, de vérité et de réconciliation » porté par l'archevêque anglican.
Résonne son rire, car j’ai connu aussi le son de sa colère et j’ai vu ses larmes de près. Étudiante, j’ai vénéré Desmond Tutu. Députée, j’ai pu lui dire merci pour tant de courage. Ministre, je l’ai salué officiellement. La dernière fois aux adieux à Mandela. Quelle vie!
ChT
— Christiane Taubira (@ChTaubira) December 26, 2021
Le « combat » de Desmond Tutu « pour la fin de l'apartheid et la réconciliation sud-africaine restera dans nos mémoires », salue le président français, Emmanuel Macron. Mgr Tutu « consacra sa vie aux droits de l'Homme et à l'égalité des peuples », rappelle lui aussi le chef de l'État dans un tweet, joignant sa voix au concert international d'hommages à l'ancien archevêque anglican du Cap.
« Tutu a inspiré une génération de dirigeants africains »
Enfin le président du Parlement européen David Sassoli s'est exprimé sur Twitter également, revenant sur l'engagement d'un « géant de la lutte contre l'apartheid ». Au Kenya, le président Uhuru Kenyatta estime lui aussi que « l'archevêque Tutu a inspiré une génération de dirigeants africains qui ont adopté ses approches non violentes dans la lutte pour la libération ».
Les hommages devant la maison de Desmond Tutu
Les journalistes sont rassemblés devant cette maison de Soweto au sud de Johannesburg où quelques bouquets de fleurs commencent à être déposés. Ce bâtiment adossé à un restaurant est la dernière demeure de Desmond Tutu jusqu’à qu’il déménage au Cap à la fin de sa vie. C’est dans ces rues, à quelques kilomètres de la maison de Nelson Mandela, que l’archevêque a longtemps lutté contre l’apartheid dans les années 70-80, n’hésitant pas à condamner publiquement et farouchement le régime. C’est d’ailleurs ce courage, cette parole très libre dont se souviennent les quelques Sud-africains qui arpentent la rue et qui salue « la mémoire d’un homme qui n’avait pas froid aux yeux ».
L’actuel évêque de Johannesburg est également venu rendre hommage, il y a quelques instants, à un grand homme de foi qui combattait toute forme d’injustice, même bien après la fin de l’apartheid. Enfin, les résidents gardent aussi en mémoire un Desmond Tutu accessible qui n’avait pas perdu le lien avec les gens ordinaires, même au sommet de sa célébrité. Un homme aussi plein d’humour, d’un grand charisme, l’un des rares capables de rassembler un peuple sud-africain divisé.
Rfi