Le rideau tombe ainsi définitivement sur la vie d’un homme qui aura marqué la scène politique ivoirienne pendant près de six décennies. Après sa disparition, il serait prétentieux de vouloir retracer la vie d’un tel homme en justes quelques lignes d’un éditorial. Ce que l’on peut retenir, c’est l’enseignement de vie que l’ancien président laisse à la postérité. Comme tout être humain, il a eu ses qualités et ses faiblesses. Dans sa gouvernance, il a eu à poser des actes salutaires et aussi des actes qui peuvent être sujets à interprétation. Mais de sa vie privée à ses activités publiques et politiques, la vie de Henri Konan Bédié est un livre qui sera toujours ouvert, même après sa mort. De cette vie, la facette qui fascine le plus, c’est le modèle de vie à deux. En matière de vie conjugale, l’on peut dire que Henri Konan Bédié est un véritable modèle. Depuis leur mariage le 3 avril 1957, Henri et Henriette Bédié sont demeurés ensemble jusqu’à la mort de Bédié le 1er août 2023. Après 65 ans de mariage, sans être proche du couple, l’on peut aisément deviner que ces 65 ans de vie à deux n’ont pas été un long fleuve tranquille. Mais dans les périodes de joie comme dans les moments de grande difficulté comme le coup d’État de 1999 et l’exil, Henri et Henriette ont pu transcender les vicissitudes de la vie de couple.
Mieux, dans leur vieillesse, Henri Konan Bédié, comme requinqué par une cure de jouvence, est apparu plus amoureux que jamais. L’on a encore en mémoire que Bédié avait chanté une ode à son épouse qui continue d’inspirer les vieux et jeunes couples et même ceux qui sont à la recherche d’un compagnon ou d’une compagne de vie. « Je ne peux terminer cette allocution sans adresser un mot spécial à mon épouse adorée, source d’inspiration intarissable. Son soutien constant depuis tant d’années, son amour, sa patience et sa compréhension ont fait de moi, l’homme que je suis devenu et je tiens à l’en remercier de tout cœur. Je vous invite à vous joindre à moi pour la saluer. Mme Bédié, ma biche royale, avec une femme de telle qualité, vous n’aurez jamais de ‘‘Goumin-Goumin’’ ». C’était le 17 septembre 2017, au cours de la commémoration du troisième anniversaire de l’Appel de Daoukro. Aujourd’hui, Bédié n’est plus de ce monde, mais son modèle de vie à deux continue d’être une source intarissable d’inspiration pour les générations présentes et à venir. Au-delà du côté jardin de celui que les Ivoiriens ont surnommé N’Zuéba, il y a le parcours politique professionnel et politique qui est également plein d’enseignements. On peut l’aimer comme ne pas l’aimer et on peut avoir des choses à redire sur sa gouvernance à la tête du pays et à la tête de sa formation, le PDCI-RDA. Mais la longévité politique sera gravée dans tous les esprits des Ivoiriens. De son engagement en politique depuis qu’il était au collège à Guiglo dans les années 1947 en passant par la FEANF en France et à l’université de Poitier, Henri Konan Bédié n’a pas traversé le temps. Partout, où il est passé, il a marqué son environnement par son engageant. Ambassadeur à 27 ans, premier Noir à occuper le poste de ministre de l’Economie et des finances en Côte d’Ivoire, il fut président de l’Assemblée nationale et président de la République. En un mot comme en mille, Henri Konan Bédié a vécu et bien vécu et il a tracé les chemins de sa vie. L’homme au verbe exquis et à la qualité de vie exceptionnelle, a tiré sa révérence. Il séjourne désormais au jardin des allongés après une vie bien remplie. Reposez en paix Monsieur le Président !
Bernard KRA