Éditos

Le bal des anciens à Daoukro

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Les anciens présidents Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo se sont rencontrés ce week-end à Daoukro. Exit le temps où Bédié a éprouvé un profond soulagement quand Laurent Gbagbo a été transféré à La Haye et a même souhaité qu’il y reste. Exit aussi le temps où Laurent Gbagbo a accusé Bédié d’avoir vendu son droit d’aînesse pour un plat de lentilles. Une normalisation des rapports humains, surtout pour des personnes de cet âge, est toujours souhaitée. Seulement voilà. L’argument allégué par les deux hommes pour se (re) mettre ensemble est la réconciliation nationale. Au terme de leur rencontre, les deux anciens chefs d’État justifient également la convergence de leurs vues sur la question d'un troisième mandat en Côte d'Ivoire. C'est sur ces deux points, qui fondent leur alliance prochaine, que se pose un problème de bon sens au regard du profil de chacun de ces anciens présidents. Les deux hommes ont un dénominateur commun : le refus de passer le témoin à une autre génération. Henri Konan Bédié vient de fêter ses 87 ans. Laurent Gbagbo pour sa part, a vécu 76 hivernages. Les deux ont occupé les postes les plus prestigieux dans un État : celui de président de la République. Les deux ont été également débusqués de leur palais du fait de l’aveuglement et des délices du pouvoir. L’un a été éjecté du pouvoir par un coup d'État, à la veille d’une fête de Noël. Le second, qui a estimé que ce coup d’État était une « avancée pour la démocratie », a fini lui-même par être capturé dans un bunker avec la caution et le soutien du premier. Voici donc deux hommes du passé et dépassés, aux histoires qui se rencontrent, qui veulent à nouveau, se mettre ensemble pour le bonheur des Ivoiriens. Cela fait 20 ans que Henri Konan Bédié est déconnecté de la gestion du pouvoir. Cela fait aussi 10 ans que Laurent Gbagbo a été enfermé dans une prison, donc totalement coupé de l’évolution du monde. Quel que soit le cas de figure, ces deux hommes ne peuvent plus être au cœur de la gestion du pouvoir au 21ème siècle. Partout dans le monde aujourd’hui, la moyenne d’âge des chefs d'État avoisine l'âge qu'ont les enfants ou petits-enfants de ces deux hommes. Alassane Ouattara, qui est du même âge que ces deux hommes, appelle de tous ses vœux, à une mise à la retraite des leaders de sa génération. Pendant ce temps, Bédié et Gbagbo veulent continuer de faire la politique et d’être au cœur de la gestion du pouvoir en Côte d’Ivoire.
Le second fait de la rencontre Bédié-Gbagbo sur lequel l’on doit s’interroger, est l’argument de la réconciliation et du respect de la Constitution. Comment peut-on prétendre raisonnablement vouloir combattre un quelconque troisième mandat quand soi-même, à presque 100 ans, on refuse de passer le témoin à une autre génération ? Peut-on s'autoproclamer chantre du respect des textes, comme le clame Laurent Gbagbo, quand lui-même a refusé de respecter les textes en 2010, en rusant avec le résultat des urnes, pour finalement se faire débusquer dans un bunker ? Ces deux vétérans de la politique ivoirienne se sont mis ensemble, disent-ils, pour donner une chance à la réconciliation nationale. Mais, la réconciliation dont ils parlent, est un vrai fonds de commerce. Ni plus, ni moins. Comment vouloir réconcilier tout un pays quand soi-même, on n’est pas à mesure de réconcilier son propre parti politique ?  Henri Konan Bédié, du haut de ses 87 ans, prétend aussi vouloir réconcilier les Ivoiriens. Mais comment vouloir réconcilier tout un peuple alors que l’on instaure une sorte de pensée unique au sein de son parti ? Voilà donc les vraies questions qu'il faut se poser après la rencontre des anciens à Daoukro. Bédié et Gbagbo peuvent se réconcilier et normaliser leurs rapports. Ceci est un fait normal. Mais, ces deux hommes doivent comprendre que la Côte d'Ivoire a changé. Après plus de 50 ans de politique et de gestion de ce pays, ils doivent prendre leur retraite pour écrire leurs mémoires. On ne peut pas faire du neuf avec du vieux. Ils ne peuvent pas faire leur temps, celui de leurs enfants et vouloir encore faire le temps de leurs petits-enfants et arrière-petits-enfants. 


Kra Bernard

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