Il y a bien longtemps que l’on attendait une opposition de cette trempe. Celle qui joue pleinement son rôle d’opposant et donc, qui cherche à conquérir le pouvoir d’État. Mais aussi cette opposition qui sait placer l’intérêt supérieur de la Nation au-dessus de toutes les autres considérations et qui a l’honnêteté de féliciter son adversaire au pouvoir, toutefois que celui-ci pose un acte sur lequel personne ne peut trouver à redire. Même si la classe politique ivoirienne, depuis 1990, pratique généralement, la politique politicienne et s’oppose pour s’opposer, la posture adoptée par l’opposition, lors du vote du nouveau président de l’Assemblée nationale, le mardi 7 juin dernier, pourrait faire croire qu’une nouvelle opposition est en train de germer sur les bords de la lagune Ébrié. En marge de l’élection du successeur d’Amadou Soumahoro, l’opposition, toutes tendances confondues, a produit une déclaration dont la teneur a été saluée au-delà l’hémicycle. Ainsi donc, pour une fois, les citoyens de tous les bords politiques ont apprécié la grandeur d’esprit du PDCI-RDA, du PPA-CI et de l’UDPCI qui ont œuvré pour le consensus autour du candidat du pouvoir. Mais pouvait-il en être autrement, quand on sait que, quels que soient le cas de figure et le candidat qu’elle présente, cette opposition n’a aucune chance de remporter une élection face à un groupe parlementaire RHDP qui jouit d’une majorité très confortable pour laquelle il n’a besoin d’aucune alliance stratégique ?
Ainsi donc, au-delà de la clameur suscitée par ce comportement dit républicain, voici là, une vraie question qu’il faut se poser pour bien comprendre et appréhender l’attitude de l’opposition parlementaire. Pour celui qui a parcouru cette déclaration lue par le président du Groupe Parlementaire PDCI RDA, l’on peut aisément deviner que l’opposition parlementaire n’avait pas d’autre choix que de faire contre mauvaise fortune bon cœur. Dans un premier temps, beaucoup de militants de l’opposition et aussi de nombreux citoyens ne verraient pas d’un bon œil, une propension de l’opposition dans une bataille nécrologique pour la conquête du perchoir là où elle n’a jamais pu faire son unité autour d’un candidat dans un contexte normal d’élection. Mais la vraie raison de ce républicanisme de circonstance, c’est que l’opposition est consciente de son poids réel à l’Assemblée Nationale. Elle sait que, quel que soit le candidat qui sera aligné, celui-ci ne pourra pas inquiéter outre mesure, la majorité parlementaire. La déclaration lue par le président du Groupe parlementaire PDCI-RDA au nom de toute l’opposition, n’est que l’arbre qui cache la forêt d’une autre défaite politique de la minorité parlementaire. Dans un tel contexte, il est préférable de montrer patte blanche et de dire qu’il y a en Côte d’Ivoire, une opposition supposée responsable qui sait mettre ses récriminations en berne, face à un drame comme la mort d’une haute personnalité de la République. Cependant, ce qui intrigue dans cette déclaration, c’est la propension de l’opposition à revenir sur la rengaine du boycott de l’élection de 2020, qu’elle n’arrive pas à assumer avec responsabilité. Et pourtant, c’est cette opposition qui a appelé à la désobéissance civile, avec en prime, un projet insurrectionnel fort heureusement éventé. C’est donc cette opposition qui est à l’origine des nombreux morts dont a parlé le député Simon Doho. Mais dans une démarche de crabe, elle tente maladroitement de se dédouaner, alors que sa responsabilité est énorme dans les événements survenus pendant la présidentielle d’octobre 2020. En un mot comme en mille, l’opposition peut avoir tiré les leçons de sa stratégie hasardeuse de la présidentielle de 2020 qui a encore endeuillé le pays. Mais elle est encore loin de donner des leçons de responsabilité politique et de tolérance au pouvoir du président Alassane Ouattara.
Kra Bernard