Pour éclairer la lanterne des tous sur cette problématique, Yacouba Dembélé, directeur général de l’Agence pour le développement de la filière riz en Côte d’Ivoire (ADERIZ) était ce mardi 28 mai 2024, l’invité de la tribune de presse ‘’Tout Savoir Sur’’ du Centre d’Information et de Communication Gouvernementale (CICG).
Nous avons un potentiel d’environ 300.000 hectares
Passant en revue les difficultés qui empêchent la Côte d’Ivoire de tendre vers l’autosuffisance en riz, le D G de l’ADERIZ a indiqué que « sur le plan de l’aménagement pour la maitrise de l’eau, nous avons un potentiel d’environ 300.000 hectares. Toutefois, nous n’avons que 55.000 hectares irrigués, c’est-à-dire, les baffons sur lesquels on peut produire du riz à deux cycles. Le reste, c’est sur les plateaux, c’est-à-dire le riz pluvial qui nécessite donc de la pluie. Ensuite, nous n’avions qu’un seul centre de production de semence qui se trouve à Yamoussoukro. La troisième chose, c’était au niveau des usines qui n’étaient pas assez performantes pour mettre à la disposition des populations du riz local de qualité. Enfin, les producteurs avaient des problèmes pour avoir les engrais et les herbicides ». Poursuivant, l’expert agronome a indiqué que pour être autosuffisant, il y a un certain nombre de préalables que tout pays qui aspire à cet idéal doit remplir.
450 milliards Fcfa déboursés par an pour importer du riz
Il faut des usines pour décortiquer le paddy produit par les paysans
« Il y a cinq éléments majeurs qui entrent en ligne de compte. S’il y a un seul qui manque, tout le processus s’arrête. Le premier élément, c’est la maitrise de l’eau. Cet aspect est important, car il permet de ne pas dépendre de la pluie. Il faut avoir des superficies importantes en maitrise de l’eau, c’est-à-dire avoir des superficies irriguées qui peuvent permettre de produire du riz deux fois dans l’année. En outre, il faut avoir des semences de qualité et en quantité. Ensuite, il faut des usines pour décortiquer le paddy produit par les paysans. A cela s’ajoute le système de distribution pour que ceux qui veulent le riz local puissent être approvisionnés sur l’ensemble du territoire. Enfin, il faut que les paysans à travers des systèmes de crédits agricoles, puissent avoir les intrants pour produire, c’est-à-dire, les engrais, les herbicides, le système de mécanisation pour avoir de grands rendements. Ce sont les fondamentaux et aucun des pays africains n’arrive encore à remplir ces fondamentaux », a-t-il éclairé.
Nous sommes tous en situation de risque vu que nos populations consomment majoritairement du riz
Yacouba Dembélé a laissé entendre que pour les besoins des populations en riz, l’Etat ivoirien débourse chaque année entre 400 et 450 milliards de Fcfa, pour importer cette denrée essentielle à l’alimentation. Selon le D G de l’ADERIZ ce « n’est pas seulement la Côte d’Ivoire qui est confrontée à cette situation, c’est la plupart des pays africains. Nous sommes tous importateur net de riz ». A l’en croire, dans le monde entier, « ce sont environ 650 millions de tonnes de riz qui sont produites. Cependant, il n’y a que 35 millions de tonnes qui font l’objet de transaction, c’est-à-dire, que c’est cette petite partie qui approvisionne les pays importateurs comme la Côte d’Ivoire. De fait, en cas de problème, si ces pays producteurs décident de ne plus mettre sur le marché ces 35 millions de tonnes, les pays importateurs auront des problèmes pour s’approvisionner. Et c’est ce qui s’est passé il y a six mois avec l’Inde qui a décidé de ne plus exporter son riz. On a vu ce que cela a créé comme problèmes à nos nations. Nous sommes tous en situation de risque vu que nos populations consomment majoritairement du riz. C’est donc un challenge pour tous les pays d’arriver à l’autosuffisance en riz, pour garantir la souveraineté alimentaire ».
« Le riz local est de très bonne qualité… »
Aux dires de l’expert, la situation de la production de riz, depuis quelques années, s’est nettement améliorée grâce à des programmes successifs mis en place par l’Etat de Côte d’Ivoire depuis 2012. « Aujourd’hui, pour un potentiel de 300.000 hectares, nous sommes sur le point d’aménager environ 100.000 hectares. Ensuite, au niveau de la semence, nous sommes passés d’un centre à sept centres de productions de semences à travers la Côte d’Ivoire, avec quatre laboratoires de certification. De plus pour la transformation, l’Etat a pu acquérir environ 63 usines d’une capacité de 10.000 tonnes par an ; puis de 25.000 tonnes par an. Nous avons un programme de 30 usines à construire, nous avons achevé la construction de 20, avec l’appui du secteur privé. Aussi, nous avons pu acquérir près de 3 milliards d’engins pour la mécanisation et des jeunes gens ont été formés pour la prestation de service avec ces engins. Cela, nous a permis de passer de 4% de mécanisation à 18% de mécanisation. Là où nous buttons c’est le financement », a-t-il détaillé. Ces avancées d’après le conférencier, ont permis à la Côte d’Ivoire de produire en 2023, 1 300 000 tonnes de riz pour un besoin qui se chiffre à environ 2 100 000 tonnes, soit un gap de 800 000 tonnes à couvrir. « En principe, les importations devraient se limiter à 800 000 voire 900 000 tonnes, mais elles se situent entre 1 300 000 tonnes et 1 500 000 tonnes, pour la simple raison que les importateurs n’obéissent pas à une consigne d’importation par rapport à un déficit. Ils travaillent en fonction de leur politique commerciale », a-t-il révélé. Selon Yacouba Dembélé, la Côte d’Ivoire en ce moment produit 55% de ses besoins en riz. Cela dit, « l’Etat va continuer à faire des efforts pour que les années à venir, notre pays soit autosuffisant en riz, car le riz importé n’est pas forcement de bonne qualité ». Le conférencier a ajouter qu’il est prévu dans ce sens, l’achèvement de 7 centres de production de semences à travers le pays avant la fin 2024, en plus du centre de Yamoussoukro. À en croire Yacouba Dembélé, la Côte d’Ivoire dispose à ce jour de 402 usines de transformation. Sur 30 autres usines à construire, 20 sont achevées. Elles seront mises en place avec la participation du secteur privé. La Côte d’Ivoire est passée de 4% à 18% de taux de mécanisation, grâce à la mise en place du métier de prestataire de service agricole mécanisé.
Manuel Zako