Il est un peu plus de 7 h 56 mn, le vendredi 18 août 2023, quand nous parcourons les artères de certains quartiers d’Abidjan pour nous imprégner de la réalité sur la pénurie de gaz. Effectivement, dans les communes de Cocody, Bingerville, Abobo, Yopougon, pour ne citer que celles-là, nous tombons sur des femmes, enfants et même des personnes du troisième âge, attroupés devant des points de vente dans l’espoir de se ravitailler.
« Il n’y a pas de gaz, c’est ce que nous tentons de leur faire comprendre depuis ce matin, mais ils refusent de partir, croyant que nous avons du gaz et que nous refusons de les approvisionner. Ils peuvent patienter s’ils le veulent, parce que nous aussi, attendons ceux qui nous ravitaillent. Je viens de joindre l’un des livreurs, il me dit qu’il est en route. De toutes les façons, nous travaillons demain dimanche (20 août 2023) pour satisfaire tout le monde », confie Issiaka Sawadogo, propriétaire d’un point de vue de gaz à Angré.
La pénurie de gaz cause d’énormes préjudices aux populations. « Madame est allée faire le marché, mais il n’y a pas de gaz pour préparer. On va se débrouiller à midi avec les enfants. Mais le soir, on fait comment pour manger ? Je viens d’un village qui fait 12 Km dont 06 km à moto et le reste est à pied », s’indigne Tchabio Yvon, venu d’un des villages de Bingerville.
« Mon frère, je viens de loin, pardon, tiens l’argent (Ndlr : elle tend un billet de 5000 FCFA au vendeur de gaz). Je vais laisser ma bouteille de gaz ici, lundi, je vais passer voir. J’ai transporté cette bouteille à travers la commune et je suis fatiguée ! », s’exclame une dame à bout de force.
Comme les populations, les vendeurs de gaz souffrent de la situation.
Les raisons d’une agitation sans intérêt
Selon des sources bien introduites auprès du ministère des Mines, du Pétrole et de l'Energie, les rumeurs de pénurie de gaz propagées par des mains obscures et savamment traduites en actes par les vendeurs de gaz, cachent des intentions inavouées. En effet, depuis quelques mois, l’État de Côte d’Ivoire, à travers le ministère des Mines, du Pétrole et de l'Energie, mène une guerre sans merci contre la prolifération des sites de transvasement illégal de gaz sur l’ensemble du territoire national. La plupart des revendeurs qui tiennent les points de vente dans les communes d’Abidjan et même de l’intérieur du pays, sont affiliés à ces ravitailleurs clandestins qui ont causé des préjudices financiers énormes à l’Etat mais aux usagers. En effet, plusieurs personnes ont été brûlées vives à cause du transvasement illégal de bouteilles de gaz.
« Depuis que le ministère a mis en place son système de répression en vue du démantèlement des sites de transvasement illégal de gaz, ces boutiques ne sont plus ravitaillées. Du coup, ils ne disposent plus de stocks. C’est la raison de ce flottement. Sinon, il n’y a pas de pénurie de gaz, ni d’augmentation de la bouteille en dehors des tarifs fixés le 1er août 2023. Faites un tour dans les stations d’essence et vous trouverez du gaz », explique notre interlocuteur.
Information confirmée par une autre source. « Beaucoup de ceux qui approvisionnent les revendeurs de gaz butane le font à partir de sites illégaux de transvasement de gaz butane. Comme ils sont actuellement traqués avec le démantèlement de ces sites illégaux de transvasement et ne pouvant plus écouler leurs produits, ils font croire qu'il y a une pénurie de gaz butane. Il n'en est rien. Le pays est approvisionné régulièrement en gaz butane avec une fréquence d'au moins un navire par semaine. Actuellement même, un butanier est présent pour le dépotage », confie-t-elle.
Sur insistance de nos informateurs, nous parcourons quelques stations-services, notamment celles de Faya, passant par « 9 kilos » et Adjamé 220 Logements. Les pompistes sont surpris par nos questions, surtout qu’ils disposent de nombreuses bouteilles dans leurs bacs. « Des revendeurs de Bingerville viennent s’approvisionner ici pour aller ravitailler leurs clients. Il y a des bouteilles de gaz ; que ceux qui ne croient pas viennent chez nous », indique Oumar, pompiste à Cocody Faya. « Nous avons encore des bouteilles en stock et nous attendons les acheteurs. Les habitants des cités viennent régulièrement se ravitailler chez nous et cela ne pose pas de problèmes. Nous sommes une compagnie sérieuse. Donc, nous avons les moyens de satisfaire nos populations », lâche un gérant de station-service.
Bonne moisson pour les livreurs
Il faut le reconnaître, la moisson est bonne, voire très bonne pour des livreurs dont l’ingéniosité permet de faire des affaires dans cette période d’incertitudes. À l’aide des réseaux sociaux, ces courtiers informent les populations de leur disponibilité à les ravitailler en cas de besoin. « Livraison de gaz à domicile, appelez les numéros suivants et vous êtes servis », précise la note.
L’un d’entre eux joint sur le numéro indiqué, propose en fonction de la quantité, le mode de moyens de livraison et les tarifs. « Vous avez quel genre de bouteille ? Si c’est une bouteille, le livreur viendra à moto. Dans le cas contraire, pour deux bouteilles et plus, c’est un VTC ou tricycle qui vient. Ça peut aller ? Nous fixons le montant en fonction de la commune. Abidjan, c’est 1500 FCFA, Bingerville, Grand Bassam, Anyama…cela vous fera 2000 FCFA. La petite bouteille (B6) est à 3000 FCFA et la grande dite B12 à 6 000 FCFA », propose notre correspondant au bout du fil.
Venance Kokora