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Enquête / Développement des communes, départements et régions: Pourquoi les Ivoiriens de la diaspora trainent encore les pas

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Le chef de l’État n’a de cesse d’appeler les Ivoiriens de la diaspora à venir investir dans leur pays qui leur offre d’énormes opportunités. (Photo : DR)
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On le dit communément dans notre jargon, chacun de nous appartient à un village. C’est au nom de ce principe que tous ceux qui vont à l’aventure et qui ont réussi à faire fortune, devraient contribuer au développement de leur localité. Que non ! L’on constate plutôt un manque d’entrain.

Selon les chiffres de 2018 du ministère de l’Intégration Africaine et des Ivoiriens de l’Extérieur, la diaspora contribue à hauteur de 1,2% au Produit intérieur brut (PIB) et les transferts d’argent sont estimés à 398 millions de dollars, soit plus de 199 milliards de FCFA. On relève également dans les dernières estimations que les Ivoiriens résidant à l’extérieur, constituent une communauté importante estimée à environ à 1.240.000 personnes, soit 5,4 % de la population ivoirienne. Cette communauté qui peut être considérée comme la « 32e région » de la Côte d’Ivoire, représente un levier potentiel pour contribuer aux enjeux de développement socio- économique de la Côte d’Ivoire. Partant de ce principe, le gouvernement a engagé plusieurs réformes, ces dernières années, à savoir la création d’une Direction générale de la diaspora (DGD) au sein du Ministère d’Etat, Ministère des Affaires Etrangères, de l’Intégration Africaine et de la Diaspora. Cette structure a en charge de gérer les questions de la diaspora en apportant une réponse à la gouvernance de ce secteur. En tout cas, tout le dispositif d’accompagnement à la création et au soutien des initiatives productives des Ivoiriens de la diaspora a été mis en place avec, à la clé, des actions telles que des missions, des forums, séminaires pour lister les préoccupations de la diaspora ivoirienne et leur intention d’investissements. En dépit de toutes ces initiatives, des problèmes subsistent. Il s’agit du manque d’entrain de la part de la diaspora dans la contribution au développement local.

Le manque de confiance, le vrai frein à l’investissement

La plupart des compatriotes vivant à l’extérieur avec lesquels nous avons eu des échanges, ont, au moins, vécu une expérience qui aurait mal tourné. En raison du manque de confiance, ils préfèrent attendre leur retour au pays avant d’investir. H.T.G, est ivoirien et a résidé en Europe. Il confie que « le déphasage entre les réalités en Occident et nos pays semble être la principale raison, suivi des retours d'expérience d'autres personnes sur la fiabilité des Africains restés en Afrique sur le plan financier (escroquerie ou autre) ». « En effet, j'avais constaté un manque de maturité du marché ivoirien, lorsque je souhaitais développer ma société sur un sujet que je trouve capitale pour le développement, l'électrification. En fait, j'étais trop en avance et aussi, le manque d'accompagnement financier. Car, j'ai fait toutes les banques sans aucune opportunité. Le projet que j'avais à cette époque, a été développé 2 ans après par un mastodonte comme EDF (électricité de France) et aujourd'hui, les acteurs étrangers y sont légion avec des levés de fonds en milliard de nos francs pour y investir.

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Vous comprenez qu’avec cela, aussi innovant que notre projet puisse être, il est difficile de revenir investir en Afrique par une diaspora innovante formée en Occident », a-t-il relaté. Et un autre, toujours sous le sceau de l’anonymat, d’ajouter avec beaucoup de regret : « Nous avons une expertise que nos autorités préfèrent sous-traiter avec les Occidentaux, alors que nous, Ivoiriens de la diaspora, sommes dotés d'expertises plus poussées. Cela me rend fortement triste, car à cette allure, nous finirons tous agriculteurs. Pour Paul J., Européen, directeur en agronomie-business, il y a lieu de ne pas être pessimiste sur la question. « Je suis régulièrement sollicité pour les aider au développement agricole et il y a de plus en plus de repas. Donc, il ne faut pas être pessimiste », a-t-il insisté. D’autres interlocuteurs soutiennent que les Ivoiriens de la diaspora connaissent peu le marché ivoirien et n'ont pas assez d'informations. Ils croient que l'accès à la propriété et au foncier constitue également une difficulté qui s’est accrue avec l'explosion des prix de l'immobilier à Abidjan.

Ce que les élus attendent de la diaspora

Au nombre des personnes qui attendent beaucoup du retour d’investissement de des Ivoiriens de la diaspora, figurent au premier plan, les élus locaux : les maires, les présidents de conseils régionaux, les députés… ainsi que les cadres des mutuelles de développement. Bana Prosper, 2e adjoint au maire d’Oumé, dit partager le ressenti de certains de leurs fils qui sont encore réticents. « Les choses sont en train de changer. Quand vous arrivez à Oumé, l’urbanisme bat son plein et la plupart des bâtisses qui sortent de terre, appartiennent aux enfants d’Oumé. Au départ, c’était la peur des parents, des sorciers. Il y avait des décès liés aux engagements. Ensuite, la peur des violences, puisqu’Oumé était une ville chaude pendant les évènements politiques. Aujourd’hui, le département étant pacifié, cela a encouragé les investisseurs natifs de la zone. Et enfin, le dernier fait revient à l’État qui a mis de d’ordre dans la question de l’urbanisation. Depuis que l’État a permis aux propriétaires terriens de faire les lotissements, on constate le respect des normes », a-t-il indiqué.

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Le maire Bana Prosper a constaté que les querelles sur les parcelles ayant baissé avec les mesures prises par le gouvernement à travers le ministère de la Construction, du logement et de l’urbanisme, ont fortement réduit les dépenses d’argent et débauches d’énergies devant les tribunaux. « On se retrouvait tout le temps en justice pour des palabres entre personnes, des familles, des villages qui se réclamaient la paternité de certaines parcelles. Il y a plusieurs sites qui sont l’objet de litiges, cela fait reculer les gens. Je saisis l’occasion pour saluer le travail remarquable qu’abat l’actuel préfet de département », a-t-il poursuivi.

Samy Merhy, maire de la commune de Lakota, reconnaît que malgré la maigre moisson, certains ont investi. « Ce qu’on a remarqué chez ceux de la diaspora, c’est que quand ils reviennent, c’est toujours pour des postes électifs, au lieu d’investir », a-t-il déploré. Pour l’honorable Baudoin Yapo, le plus jeune député suppléant de Côte d'Ivoire, les Ivoiriens de la diaspora doivent prendre leur place dans la construction du pays et de leurs localités, parce que l’État s’est doté de moyens adéquats.

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Assalé Tiémoko Antoine, député-maire de Tiassalé, a encore en souvenir les missions menées dans plusieurs États à l’extérieur pour convaincre les natifs de Tiassalé à investir dans leur circonscription. « Je suis allé vers eux pour les écouter en tant que maire. J’ai été en Suisse, France, Canada, aux Etats-Unis. Ce qui ressort des échanges, c’est qu’ils n’ont pas confiance. Beaucoup ont essayé d’investir au pays, ils ont été grugés sur des terrains, des maisons… Étant retournés avec ces témoignages, cela à créer des blocages. Je suis allé vers eux pour leur expliquer la nouvelle dynamique et les mécanismes mis en place pour leur sécurité, en impliquant les collectivités. Et la confiance est en train d’être rétablie. Déjà, quelques-uns se sont déjà manifestés dans l’achat de terrain pour réaliser des projets en passant par la mairie », a-t-il réagi.

Les opportunités d’investissement pour la diaspora  

L’on se souvient qu’en novembre 2022, un groupe d’Ivoiriens rentrés fraichement au pays et à l’origine de la création d’une plateforme dénommée « Diaspora ONE », ont été renseignés sur les opportunités d’investissement en Côte d’Ivoire. Au cours d’un panel sur le thème « Investir en Côte d’Ivoire : Opportunités pour la diaspora », en vue de leur présenter l’environnement des affaires dans le pays, le Centre de promotion des investissements en Côte d’Ivoire (CEPICI), la caisse de dépôt et de consignation du ministère de l’Economie et des Finances et du ministère des Affaires étrangères, de l’Intégration et de la Diaspora, ont démontré que la Côte d’Ivoire est devenue « attractive » depuis la fin des crises militaro-politiques, avec l’adoption des codes sur les finances qui encouragent l’investissement à travers des garanties d’épargne sécurisées et des mesures d’accompagnement intéressantes. À tour de rôle, les différents responsables des structures sus-citées ont expliqué que le tissu économique en Côte d’Ivoire est porté par les Petites et moyennes entreprises (PME) et qu’ils ont la possibilité de bonifier leurs investissements parce qu’à ce niveau, l’État renonce à des avantages fiscaux pour encourager les investissements.

Venance Kokora

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