Économie

Enquête / Construction : Dans l’univers des fabricants et vendeurs de briques

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Le métier de fabricant ou de vendeur de briques est en vogue à Abidjan. L’Avenir a fait une incursion au cœur de cette activité qui nourrit son homme, tant bien qu’elle suscite des controverses au sein du milieu de la construction.

 

 

Nous sommes à Akouédo, dans la commune de Cocody. Il est 14 h 20, ce jeudi 20 janvier 2021 et le soleil est dans la plénitude de son rayonnement. C’est l’heure à laquelle Bangré Alexis, vendeur de briques, a choisi pour se donner un petit temps de repos. Malheureusement pour lui, il ne pourra le faire, parce que l’un de ses collaborateurs qui croyait avoir affaire à des clients, le sort de la somnolence. Très rapidement, nous lui déclinons notre identité et l’homme affiche une sérénité qui nous rassure.

Sans ambages, Bangré Alexis nous apprend qu’il a embrassé le métier de vendeur de briques depuis 2007, avant de prendre en main, sa destinée en 2011. « J’ai travaillé avec des gens et ce n’est qu’en 2011 que j’ai pris la résolution de m’installer à mon propre compte », a-t-il confié.

K.K, également vendeur de briques à Bingerville, nous a informé qu’il a hérité de l’activité de son défunt père. « J’ai hérité de l’activité de mon père qui est décédé. Quand j’étais tout-petit et que je n’avais pas cours, je venais derrière mon père pour l’aider dans l’activité. Après, j’ai exercé d’autres activités avant de revenir en 2008 à ce métier. J’ai pris les choses en main après le décès de mon père. Quand je commençais, il n’y avait pas de construction ici. J’étais en pleine brousse. Je me suis installé à mon propre compte en 2013. Aujourd’hui, tout le monde développe l’activité. J’y ai associé la fabrication de pavés et de claustras. Cela me permet de prendre une certaine avance sur les autres. C’est à l’issue d’une formation que j’ai appris à fabriquer les claustras pour me démarquer des autres. Je fais aussi des pots de terre à base de ciment », a partagé notre interlocuteur.

 

 

 

 

 

Qui sont leurs clients

 

Bangré Alexis dispose pour son activité, d’une vaste superficie qu’il loue entre 10 000 F CFA et 15 000 F CFA à la chefferie traditionnelle du village Akouédo. Sur la vaste étendue de terrain, on y voit des tas de sable, un conteneur qui contient des paquets de ciment et des briques séchées attendant de potentiels clients. Justement, à propos des clients, ce dernier a laissé entendre qu’ils étaient de divers ordres. « Ceux qui achètent les briques, sont prêts à aller construire. Nous avons tous les types de clients. Des particuliers ou des structures de construction. Généralement, ce sont les maçons ou les entrepreneurs qui font les achats. Nous avons aussi des contrats avec des entrepreneurs ou des clients pour nous aider à produire des briques en grande quantité », a-t-il relaté.

De son côté, K.K. a partagé l’avis de son collègue. Tout comme lui, ses clients ne sont pas spécifiques. « Beaucoup de particuliers viennent se ravitailler en briques ici. J’ai fourni des briques pour la construction de plusieurs maisons dans la cité ici. Par le passé, mon père était seul dans le secteur et lorsque j’ai pris les rênes de l’activité, j’étais aussi seul et c’est moi qui ai fourni les briques à des maçons et entrepreneurs qui ont construit les premières maisons dans ce quartier », a-t-il insisté.

 

Une activité qui nourrit son homme

 

Tous les vendeurs de briques que nous avons approchés, ont été unanimes sur le fait que le métier qu’ils exercent, nourrit son homme. Sans verser dans les moindres détails, ils laissent croire que l’avènement des fabricants de briques industriels a quelque peu baissé la vente de leurs marchandises.

« Par la grâce de Dieu, ça va, on s’en sort. Mais de nos jours, à cause de la multiplicité de l’action, il y a un ralentissement des activités. Mais ça va. Par le passé, il n’existait pas de concurrence avec les fournisseurs industriels. Aujourd’hui, nos clients sont partagés. Grâce à ce métier, on se débrouille », a témoigné Bangré Alexis. Il nous a appris que l’unité de la brique 12 creuse est à 250 F CFA, la brique 12 pleine à 350 F CFA, la brique 15 pleine à 350 F CFA, la brique 10 creuse à 250 F CFA et la brique 12 creuse à 225 F CFA. Mais en fonction de la quantité achetée, les prix varient. Cependant, il a précisé que le transport des briques est à la charge du vendeur et est facturé au prorata de la distance. « Une brique est facturée à 50 F CFA. Ce prix revient au chauffeur », a-t-il précisé. Au moment où nous échangions, un client s’était signalé pour l’achat de briques. La quantité était importante et la somme considérable.

Quant à K.K, en plus des briques dont les prix sont identiques à ceux de Bangré Alexis, il commercialise des pavés et des vases de fleurs dans le but de se faire plus d’argent. « Des clients peuvent te confier le soubassement de leurs immeubles. Cela a été mon cas. On peut estimer l’achat des briques à 1 million 500 mille F CFA. Chez moi, ce sont les briques 15 qui sont le plus commercialisées. Le marché s’est réduit avec la concurrence que nous mènent les industriels. Les prix varient entre 6000 F CFA et 8000 F CFA. Je continue de chercher, cette activité me permet de nourrir ma petite famille », a-t-il fait savoir.

Outre les vendeurs, les fabricants de briques, communément appelés « les tapeurs », ne demeurent pas moins mieux lotis comme Ouédraogo Issiaka, septuagénaire qui rassure que le métier nourrit son homme. « Depuis 1993 que je mène cette activité, ce n’est qu’en 1999 que j’ai commencé à développer moi-même, ma propre activité. J’ai été chauffeur de wôrô wôrô, taxi compteur, puis d’un particulier. Mais j’ai dû abandonner tout ça pour me consacrer au métier de la brique. De toutes les activités, c’est ce métier qui m’a le plus aidé. Je dispose de deux grandes cours au Burkina Faso. Les jeunes disent que le métier vieillit les gens. Vous voyez ce monsieur (il nous présente son collaborateur), on travaille ensemble. Il est sourd-muet, mais grâce à ce métier, il dispose d’un appartement. Il n’envie pas un fonctionnaire », a-t-il signifié.

De façon manuelle, Ouédraogo Issiaka dit produire 600 à 700 briques de premier choix, en raison de 50 F CFA l’unité. Ce qui lui revient à 30 000 F CFA par jour.

 

La qualité des briques

 

L’un des reproches faits aux vendeurs de briques, est la mauvaise qualité de leurs produits. D’aucuns estiment que le matériel n’est plus adapté à une production répondant aux normes. C’est le cas de Koffi Kan, cadre à EKKS entreprise, dont l’une des activités est consacrée à la fabrication et à la vente de briques industrielles. Pour lui, la pression exercée sur les briques est manuelle et la qualité de sable non contrôlée. « Les dosages ne sont pas respectés, la pression exercée sur les briques est manuelle. La qualité de sable n’est pas contrôlée. Avec eux, rien n’est contrôlé. La conséquence, c’est ce que nous tous on connait avec les immeubles qui s’écroulent. Les maisons s’effritent facilement. Ce n’est plus comme avant. Par contre, quelqu’un qui a installé une unité de production, vous comprenez qu’il met assez de moyens sur la qualité de son travail. Il est tenu de faire un travail pour lequel la qualité s’impose à lui. Il y a des contrôles du gouvernement. Donc, si les gens trichent, la marge de tricherie est faible, contrairement à ceux qui font les briques manuellement », a-t-il accusé. Des accusations qu’ont balayées du revers de la main, Bangré Alexis et K.K.

« Ce n’est pas vrai (il insiste). Tu sais, il y a des gens qui ne prennent pas le travail que nous faisons au sérieux. Tout dépend de chacun. Si tu veux gagner la confiance des clients, tu mets du sérieux dans ton travail. Ce n’est pas parce que les briques sont faites à la machine qu’elles sont meilleures que les nôtres. C’est sur les chantiers qu’on connaît la valeur de nos briques. Pendant les travaux, leurs briques se détruisent plus vite que celles que nous produisons. Les briques des machines ne sont pas forcément les meilleures. Avec un paquet de ciment, on produit environ 60 briques, alors que nos concurrents vont jusqu’à 80 briques, voire au-delà », a-t-il défendu. Et K.K de renchérir : « Beaucoup pensent ainsi, mais ce n’est pas vrai. Ceux qui vont acheter les briques chez les industriels peuvent faire la différence. On ne peut pas tout dire. On sait comment ils fabriquent leurs briques. Ils y introduisent des produits chimiques pour les ramollir. En matière de qualité, les industriels ne font pas mieux que nous. Ils font plus de poids, parce qu’ils offrent un cadre mieux approprié. Moi, je travaille avec deux commerciaux qui enregistrent les commandes. On dose la brique selon les recommandations du client. Nous disposons de briques et agglos. Briques 15 creuses, briques 15 pleines, Briques 12 creuses et pleines, briques 10 et briques 7 ».

 

L’avis des clients

 

Soro Xavier Kolotioma est entrepreneur depuis plus de 22 ans. Il dit exercer sur plusieurs chantiers à Abidjan. Pour les constructions qui lui sont confiées, il s’en remet aux fabricants de briques manuelles. « Je préfère les briques de fabrication manuelle, parce que ce sont elles qui ont été utilisées pour la construction de nos premières maisons. C’est vrai qu’il y a une nouvelle tradition avec les briques à base de gravillons, mais nous sommes guidés par le choix du client. Ce que nous recommandons, c’est toujours les briques fabriquées de façon manuelle. Il n’y a pas de problème, tout dépend du dosage », a-t-il témoigné.

Venance Koffi, directeur technique de Twins immobilier, a émis un argument contraire à celui de Soro Xavier Kolotioma. Selon lui, généralement, le plus gros problème des briques fabriquées manuellement, est le manque de dosage. « Les briques industrielles sont les mieux adaptées, mais pour des constructions provisoires, vous pouvez utiliser ces briques de quartier. Il est mieux de prendre les briques industrielles. La qualité du ciment a baissé et puis avant, les gens respectaient le minimum de dosage possible. Pour nos constructions immobilières, nous utilisons les briques industrielles », a-t-il exprimé.

 

Venance Kokora

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