Culture

Interview/ Boklay (Artiste-chanteur) :« J’ai des regrets…Oui, je suis un artiste engagé !»

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L’artiste Boklay, de son vrai nom Yao Kouakou Armel, signe bientôt son grand retour sur le marché discographique avec "L’œil du cyclone",  un album de quatre titres aux parfums caribéens. Dans cet entretien accordé à L’Avenir, il se lâche.

 

Après plus de dix ans d'absence de la scène discographique, Boklay a signé récemment son grand retour à travers un nouveau single. Pourquoi ce long silence ?

Effectivement, je reviens sur la scène avec un nouveau projet scindé en deux parties. Une œuvre musicale ; qui s'intitule "L’œil du cyclone". Nous avons, ma structure de production, Akwaal Prod et moi, déjà annoncé les couleurs avec cette chanson "Regénération", sortie le 29 décembre 2020,  sur toutes les plateformes de téléchargement légales. Cette chanson a caractère spirituel pour, comme on le dit, balayer la route et apporter un espoir à tous mes fans et à tous ceux qui ont perdu le rêve. Je l'ai faite en featuring avec le chantre Guy Christ Israël et cela a été apprécié par les mélomanes. Cette chanson figurera sur l'album de quatre titres que je proposerai à tous les mélomanes en juin prochain. Il faut savoir que cet album a de nombreuses influences internationales dont un aspect recherche, qui montre que l'artiste que je suis n'a pas de limites en matière de chant. 

Tout ce temps mis n’était-il pas dû à ta crainte de ne pas connaître le succès après le titre "Aniaman yako" qui avait cartonné ?

Non, du tout ! C'est vrai que "Aniaman yako" reste un classique de la musique ivoirienne mais ce long temps mis est plutôt dû au fait que je recherchais des conditions de production plus abouties à tous les niveaux. 

À la faveur de la crise post-électorale, Boklay avait tenté de revenir sur scène avec un titre dédié à la promotion de la paix qui est passé presqu’inaperçu....

Oui, justement c’est la raison pour laquelle je parlais plus haut de conditions de production. Une production et la promotion vont de pair et nous savons bien combien tout cela coûte. Pour cette fois, je voulais me donner toutes les chances de ne pas passer inaperçu. Voila donc pourquoi j'ai mis du temps. 

Et parlant de paix, en 2020 vous faisiez partie d'un collectif qui a marché d'Abidjan à Korhogo… 

Ce fut une très belle expérience humaine en tout cas et je voudrais saisir votre tribune pour remercier toutes ces personnes qui nous ont été d'un grand secours et d'une belle aide, notamment les hommes et femmes de medias. Nous avons, à travers cette marche, apporté notre pierre à l'édification de la culture de la paix dans notre nation. Une belle aventure humaine, difficile certes, mais qui a été très agréable.

Vous avez dû passer du temps à Korhogo avec le décès du Premier ministre Amadou Gon Coulibaly…

Nous avons été bloqués à Korhogo à cause du Covid-19 surtout. En ce sens, je voudrais dire merci aux populations de Korhogo qui nous ont reçus avec tous les honneurs. Elles ont été à nos côtés durant tout notre séjour. Je rends également hommage à feu Amadou Gon Coulibaly et à sa famille qui ont tout mis à notre disposition pour que nous nous sentions chez nous. Malheureusement, ce grand et bon homme s'en est allé, nous devançant dans le ventre de la nuit sans nous avoir de manière physique félicité pour ce défi relevé avec brio.

 

Comment avez-vous vécu cette expérience et seriez-vous prêt à la rééditer ?

Nous avons été sonnés par la disparition de ce grand homme mais nous nous en sommes remis. Ce challenge nous a permis de cultiver les vertus de patience et de détermination. Nous avons compris que l'amour peut tout et que la noblesse des actes qu'on pose a toujours un effet bénéfique sur soi-même.

Avez-vous senti la solidarité des autres artistes ?

Certains de nos collègues nous ont apporté leur soutien sans faille. En cela, je remercie Fadal Dey , qui s’est mis à notre disposition durant tout ce périple. N’eût été le Covid-19, il y aurait eu une belle fête au final avec de nombreux artistes. L'homme propose mais seul Dieu dispose, dit-on.

Malgré votre longue marche pour des élections apaisées, le pays a connu des heurts lors de la présidentielle 2020. Cela ne vous a-t-il pas affecté ?

Sincèrement, j'ai été personnellement touché par ce déferlement de violences lors de l’élection présidentielle. Toutefois, j’ai retenu un point positif. Sur les nombreux endroits visités par les marcheurs de la paix, seuls deux ont connu des violences. Je me dis qu'on fera mieux pour les prochaines fois.  

 

Artiste-reggae, Boklay se considère-t-il comme un artiste engagé ?

Je fais du reggae et bien d'autres genres musicaux mais la question que je pose souvent est : qui appelle-t-on un artiste engagé ? Malheureusement, l’opinion pense que seuls les artistes qui ne parlent que de politique dans leurs chants méritent d’être appelés artistes engagés. Pourtant, un engagement a beaucoup de visages. Il n'y a pas que de la politique, il y a le social, la sensibilisation aussi. Partant de cela, je réponds oui, je suis un artiste engagé !

 

Un artiste doit-il se prononcer sur la politique de son pays ou faire la politique ?

Un artiste est un citoyen d'abord donc le choix a le droit de donner son opinion politique ou afficher sa position politique. Nous chantons pour toute la population. Mon rêve à moi est de chanter partout et pour tout le monde mais pas pour un groupe particulier. Pour moi donc, c'est dans les urnes que ça se décide. Mais chacun est libre de ses choix. 

Quel est votre avis sur les artistes comme Alpha Blondy et Tiken Jah, dont les positions sont connues et affichées ?

C’est leur choix et je le respecte. Ils ont plus de vécu et d'expérience que moi. Je ne me permettrai donc jamais de porter un jugement sur leurs choix. Je les adore de toutes les manières. 

 

Boklay s'est également investi dans la crise au Burida où il militait au sein du mouvement de Fadal Dey, qui a fini par avoir la peau de l’ex-DG Irène Vieira…

C'est du passé tout cela. Nous avons engagé un combat pour le respect de la dignité de l'artiste. Ce combat n’était dirigé contre personne. Cette dame n'avait aucun respect pour les artistes. On ne peut pas avoir aussi peu de considération pour des gens qui vous paient le salaire. Et je n'ai pas apprécié cette façon de faire. 

 

Aujourd’hui bon nombre d’entre vous font partie du Conseil de gestion du Burida. N’est-ce pas là la récompense de ce combat mené hier ?

Récompense ? Je pense plutôt que comme je parlais fort, les autorités de ce pays se sont dit qu'il fallait quand même m'écouter car je devais avoir des idées pour améliorer le système. Ce n'est pas une récompense mais plutôt une façon de mettre l’œuvre pour voir ce dont nous sommes capables.

Vous avez, au terme de votre mandat de douze mois, demandé à l’ex-ministre de la Culture et de la Francophonie, Raymonde Goudou Coffie, un mandat supplémentaire. Où en êtes-vous aujourd’hui ?

En fait, il faut comprendre que ce Conseil de gestion provisoire a mené des travaux de restructuration dans le fond et la forme. Alors, pour une bonne compréhension de ce que veulent les artistes, il faut que les travaux remis au terme du séminaire soient rédigés dans les normes et présentés à notre ministre de tutelle. C'est tout un processus de validation qui est en cours donc nous sommes là encore pour veiller à ce que les souhaits des artistes et les solutions que ce Conseil propose soient respectés.

 

Quel regard portez-vous sur la gestion actuelle du Burida ?

A mon avis, il y a beaucoup d'avancées. Je fais confiance à la direction générale actuelle avec à sa tête le DG Karim Ouattara, qui trouve chaque jour des solutions aux nombreux problèmes des artistes. Nous allons y arriver sous réserve que les artistes reprennent le chemin des studios et des salles de spectacles. Les responsabilités sont partagées. 

 

Pensez-vous vraiment avoir rétabli la dignité des artistes depuis que vous êtes à la tête du Burida ?

Il y aura toujours des mécontentements au Burida. C’est ce qu'il faut pour dégager les responsabilités des uns et des autres. Quand il y a mécontentement, on analyse la pertinence et on trouve la solution. Mais vous verrez que les mécontentements arrivent aux heures des répartitions des droits. Et le plus souvent, l'artiste qui se plaint ne produit pas d'œuvre depuis belle lurette, ne participe pas à des spectacles. Nous avons décidé d'opter pour la sensibilisation de nos pairs et de nous battre pour des aides à la création pour de meilleures conditions de création. Nous allons y arriver. 

 

A quand la normalisation au Burida où on assistera à des élections ?

Le plus tôt, je le souhaite. Je ne puis vous dire quand. Nous attendons les décisions de nos autorités et de notre tutelle.

Revenons à votre carrière d'artiste, avez-vous des regrets ?

 Oui, j’ai des regrets. On en a très souvent mais je ne changerai rien. Tout ce que j'ai vécu m'a permis d'être l'être humain que je suis aujourd’hui. Demeurons zen car le meilleur reste à venir. 

Quelles seront vos prochaines actualités ?

La promotion prochaine de ‘’L'œil du cyclone’’, un album de quatre titres avec des influences caribéennes et de la musique de recherche baoulé, arrangée par Patché, assorti d'un gros projet de caravane et un autre gros projet au niveau international. Ma maison de production et mon équipe y travaillent et les choses seront dévoilées en temps opportun.

Pourquoi des influences caribéennes ?

D'abord, ma maison de production est basée dans les Caraïbes et elle veut me donner une assise à l'international en me permettant de flirter avec d'autres sensibilités.

Réaliisé par Philip Kla

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