Ils sont nombreux ces artistes internationaux pour la plupart dignes fils du continent dont les carrières sont parties d’Abidjan. De l’Afrique de l’Ouest en passant par l’Afrique centrale, plusieurs grands noms aujourd’hui de la musique du continent sont passés par la Côte d’Ivoire considérée comme un carrefour important.
Mais du fait des crises successives, cette plaque tournante avait perdu en régime au bénéfice de certains pays de l’hexagone. Mais depuis un certain temps, pour paraphraser le président de la République, l’on peut dire que « Côte d’Ivoire is back ». Mieux, le pays des éléphants est devenu une sorte d’eldorado pour des artistes de renom qui ont même choisi de s’installer dans ce pays avec toutes leurs familles. Qu’est ce qui pourrait expliquer ce retour en force de la Côte d’Ivoire ?
Abidjan, passage obligé depuis 50 ans…
Même si au plan musical la Côte d’Ivoire n’était pas portée par un très grand nombre d’artistes, le pays a toutefois su s’imposer sur l’échiquier musical africain. Du coup, nul ne pouvait prétendre à une grande carrière musicale sans passer par Abidjan ou y avoir eu un encrage ou une bénédiction. Carrefour donc incontournable, plusieurs artistes du continent sont tout naturellement passés par Abidjan pour avoir du succès. C’est le cas par exemple selon Aristide Dico de l’artiste d’origine angolaise, Sam Mangwana. L’ex-membre du groupe All Stars qui s’est effrité en 1979, sortira en 2003, en solo, ‘’ Cantos de Esperança’’, une belle production acoustique revisitant la musique d’Afrique centrale des années 1950. C’est en 2004 qu’il retourne dans son pays d’origine, l’Angola.
Durant son séjour Abidjanais, il enregistre ‘’Georgette Ekins’’, ‘’Fatimata’’ (1986) ‘’Bana Ba Cameroun’’, ‘’Maria Tebbo’’ (1995), ‘’Suzanna’’ (2001). Lesquelles œuvres connaitront le succès. Avec pour pseudonyme ‘’Pigeon voyageur’’ en raison de ses allées et venues fréquentes, Sam Mangwana avait trouvé la Côte d’Ivoire comme un eldorado. « Sa venue en Côte d’Ivoire s’explique par le fait que le pays était considéré à cette époque comme la plaque tournante de la musique africaine et le fait qu’après son aventure avec l’Afrisa International de Tabu Ley Rochereau, il ne pouvait pas retourner en Angola en guerre depuis 1975. L’eldorado tout trouvé était donc la Côte d’Ivoire qui l’a adopté pour son talent de compositeur », a confié Aristide Dico, membre-fondateur du Syndicat national des artistes de Côte d’Ivoire (SYNARTCI).
C’est le cas également de l’artiste congolais Théo Blaise Kounkou, alias TBK qui élira domicile en Côte d’Ivoire de la fin des années 70 jusqu’au milieu des années 2000. À la fin des années 70, Il crée en Côte d’Ivoire avec Sam Mangwana l’Africa All Star. On lui doit des tubes comme ‘’Zenaba’’ (1992), ‘’Eden’’ (2003), ‘’Belle Amicha’’ (1993)... Comme ses compatriotes à l’époque, Théo Blaise Kounkou a connu en Côte d’Ivoire un très grand succès qui a rejailli sur toute l’Afrique. Et les congolais dont les musiques étaient très prisées après les années d’indépendance, ils étaient nombreux à opter pour la Côte d’Ivoire. De Koffi Olomidé qui célèbre cette année ses 45 ans de carrière en passant par la défunte Tshala Muana, Pierrette Adams, Franco, tous sont passés par la Côte d’Ivoire.
Des camerounais, sud-africains, enfin bien des artistes issus de toutes les grandes aires du continent sont passés par Abidjan. Bébé Manga, Sam Fan Thomas, Myriam Makeba, Elvis Kemayo, Manu Dibango, Moni Bilé, Mory Kanté, Salif Kéïta, Boncana Maïga, Lokassa Ya MBongo, ont tous une histoire avec la Côte d’Ivoire. « Ils ont bâti leurs carrières musicales à partir de la Côte d’Ivoire qui était le carrefour de la musique africaine et internationale », témoigne l’artiste-musicien Diabo Steck, auteur du livre ‘’La Côte d’Ivoire musicale’’. Pour lui, il est clair, ces artistes « ont tiré beaucoup de profits, de notoriété et surtout beaucoup de moyens financiers ». Et pour le 9ème sociétaire du BURIDA, « grâce à plusieurs efforts conjugués, la Côte d’Ivoire reste toujours cet eldorado pour les artistes ». Si beaucoup parmi ces artistes après avoir connu le succès sont partis du pays, certains par contre à l’image de Vata Mombassa, Séliko Séli Mvouata y demeurent toujours.
Quand la jeune génération ne jure que par Abidjan
La naissance du Zouglou en 1990 et du couper-décaler en 2002, deux rythmes urbains propres à la Côte d’Ivoire freineront de peu cet exode des artistes du continent à Abidjan. Malgré une appropriation du made in Côte d’Ivoire, cela ne freinera pas pour autant cet amour des artistes internationaux pour le pays. Mieux, avec le retour sur le continent des majors, la Côte d’Ivoire redeviendra ce carrefour incontournable de la musique africaine.
Si dans un premier temps, ce sont plutôt les spectacles d’artistes internationaux qui se feront tout de suite remarquer, ce cycle qui veut que de grands noms de la musique continentale s’installent à Abidjan reviendra. En 2016, le rappeur d’origine congolaise installé en France et fils de Tabuley Rochereau prendra la décision de s’installer avec sa famille à Abidjan. « Ma femme et moi, on s’est installés en Côte d’Ivoire, parce que c’est un pays qui nous a attirés.
Je suis étonné par la manière dont les gens ont réagi quand j’ai dit que je retournais vivre en Afrique. Ils m’ont dit : mais pourquoi tu fais ce sacrifice ? Alors que c’est tout le contraire : j’ai une plus grande maison, une meilleure qualité de vie, et mes enfants sont plus épanouis », avait défendu Youssoupha. Le rappeur qui réside toujours à Abidjan dit bien se sentir. « Pour le moment, je suis bien à Abidjan. Y vivre a changé mon quotidien et ma musique (…) Dans ma réalité ivoirienne, je sens moins de crispations, même s’il existe aussi des tensions sociales », avait confié à un confrère le chanteur qui se concentre sur ses projets personnels. « (…) C’est une structure qui n’est pas qu’un label de musique. J’ai envie d’éditer des livres, de faire des expos, de contribuer à des films, etc. C’est une maison des arts basée à Abidjan… », confie-t-il. Le rappeur Youssoupha n’est pas le seul à opérer le choix d’Abidjan. L’ex-compagnon de DJ Arafat, le malien Sidiki Diabaté dont la carrière a connu un grand succès a finalement retrouvé à Abidjan son père. Et c’est à partir de sa résidence d’Angré que Sidiki Diabaté honore ses engagements contractuels.
Le guinéen d’origine, Black M, qui résidait en France n’a pas aussi caché son envie de se baser à Abidjan. Lui qui a été aperçu à plusieurs reprises se baladant dans les rues d’Abidjan. Le rappeur qui apprécie bien les belles plages d’Assinie va coordonner ses projets à partir de la capitale économique où il se trouve toujours. En plus de ces noms connus de la musique internationale, plusieurs autres influenceurs, sportifs de haut niveau et célébrités ont choisi pour résidence la Côte d’Ivoire où ils semblent s’y plaire et mener à bien leurs différentes activités.
Des infrastructures et dispositifs qui inspirent la sécurité
La Côte d’Ivoire attire. Les stars et grandes célébrités se sentent bien une fois de passage sur les bords de la lagune Ebrié. Si traditionnellement la Côte d’Ivoire est la plaque tournante de la musique africaine, plusieurs infrastructures et investissements colossaux déployés par le pouvoir en place depuis 2011 ont suscité ce tourisme. De la prestigieuse salle des Palais des Congrès du Sofitel hôtel Ivoire en passant par le Palais de la Culture de Treichville sans compter les autres salles de spectacles et les réceptifs événementiels, tous ces établissements suscitent une grande curiosité des célébrités. Les belles plages d’Assinie, les belles routes, les belles bâtisses, l’accueil et l’hospitalité des populations sans compter la sécurité qui règne sont entre autres preuves que la Côte d’Ivoire reste un eldorado où il fait bon vivre. Au plan touristique par exemple, avec la stratégie ‘’Sublime Côte d’Ivoire’’, les grands rendez-vous culturels et touristiques ont rassuré toutes ces stars qui se plaisent à être à Abidjan.
Philip Kla