Yamoussoukro veut pouvoir aussi écrire son histoire dans l’élite du football ivoirien. À la faveur de la CAN, la capitale politique se dote d’infrastructures sportives de pointe. Les populations exultent.
Au pied de la Basilique Notre Dame de la Paix, quand le soleil amorce son couché, c’est le moment idéal pour les jeunes du quartier Dioulabougou de chasser les ‘’lèkè’’ (chaussure en caoutchouc) pour jouer au foot dans les rues poussiéreuses. Le rêve de la plupart d’entre eux, c’est de jouer au haut niveau sur des pelouses taillées au millimètre, dans les plus grands stades. Justement, la capitale politique est l’une des 5 villes, à l’instar de Korhogo, Bouaké, San Pedro et Abidjan, qui aura le privilège d’accueillir la 34e édition de la CAN 2023. Construit sur une superficie de 20 Ha, le stade de Yamoussoukro est un joyau architectural. Composé d’un terrain de football avec une pelouse et une piste d’athlétisme de 400 mètres avec 8 couloirs, ce stade de dernière génération est en phase de finition. Jusqu’au 30 mars 2022, le taux d’exécution des travaux était évalué à 98%, pourtant la nouvelle fin contractuelle était fixée au 31 janvier 2022. Avec ses 20.000 places assises, l’infrastructure sportive fait désormais, la fierté des populations. L’imposant édifice, avec ses apparats gris métalliques, attire de plus en plus de foule. Mais ce dimanche 24 avril 2022, au lendemain de l’élection du président de la Fédération ivoirienne de football (FIF), ce n’est pas l’affluence ordinaire. Arlette N’Guessan est passionnée de sport, surtout de football. Son idole, c’est Didier Drogba. Et justement, sa présence dans la capitale politique s’explique par le soutien qu’elle est venue apporter lors de l’élection du président de la FIF, à celui qu’elle considère comme le plus grand joueur que la Côte d’Ivoire ait connu. Malheureusement, les choses ne se sont pas passées comme elle et ses camarades le souhaitaient à leur arrivée.
Une grosse fierté locale
Didier Drogba a perdu l’élection au profit de Yacine Idriss Diallo. Déçue certes, mais Arlette n’a pas voulu rentrer à la maison (Abidjan), sans pouvoir voir le stade de Yamoussoukro flambant neuf. « Je n’ai pas voulu partir sans avoir vu ce nouveau stade. C’est un joyau, il n’y a rien à dire. Le stade est beau, même si nous regardons de l’extérieur », se dit-elle émerveillée. Avec des infrastructures de qualité, poursuit-elle, « on a forcément des résultats de qualité, donc un football agréable à voir. C’est ce que mon candidat promettait de faire une fois élu. Mais malheureusement, Dieu en a décidé autrement. Les présidents de clubs ont préféré rester dans l’amateurisme, plutôt que d’essayer du sang neuf dans la gestion de la FIF. Moi, je ne suis pas découragée. Ce qu’on souhaite, c’est d’avoir ce genre d’infrastructures chez nous et un environnement qui offre à nos jeunes frères footballeurs, de réelles opportunités. Être payé à moins de 50.000 Fcfa, souvent avec plusieurs mois d’arriérés, c’est indigne de la Côte d’Ivoire ». Ici, d’ordinaire, à ces heures, les regards en direction du stade de Yamoussoukro sont nombreux. Mais, ce dimanche matin-là (10h), l’affluence est plus dans les lieux de cultes qu’ailleurs. Ahmed Camara est taximan à Yamoussoukro depuis plus de 5 années. Selon lui, le milieu du transport fait face à un certain frémissement. Et ce stade n’y est pas étranger. « Depuis quelques temps, les demandes en direction du stade de Yamoussoukro sont de plus en plus fortes. Les gens sont curieux de voir notre stade. Aujourd’hui, c’est dimanche et les gens sont à l’église à cette heure, mais les jours ouvrables, il y a un peu plus de monde ici », justifie-t-il. Sa fierté pour cet édifice, continue de grandir. « Nous sommes fiers d’accueillir la CAN ici. Au-delà, je pense que la présence de ce stade va contribuer au développement du football local. Nos clubs vont évoluer dans des enceintes de qualité, après la CAN. Nous serons très bien installés dans ce stade pour suivre nos amis et frères produire du spectacle. C’est Yamoussoukro qui gagne à tous les coups », se réjouit déjà le taximan. Adolphe Seri, a lui aussi tenu à voir absolument l’édifice avant d’emprunter son car pour Gagnoa.
Un joyau qui attire les regards
« Je suis vraiment émerveillé par l’architecture. Ça brille et c’est imposant. Je suis vraiment fier. Il y a depuis longtemps que la Côte d’Ivoire attendait ce genre d’infrastructures. Je suis heureux, mais c’est un retard qui est comblé en réalité », exprime-t-il sa joie. Kra Éphrem est un habitué des lieux. Il emprunte presque chaque jour, cette route. Lui, il vit ici depuis toujours. Quand il dit que « Yamoussoukro n’est pas ce qu’il y a de plus attrayant comme ville, contrairement à ce que les gens pensent », il sait de quoi il parle. Selon lui, « ceux qui vivent ici, vous diront que l’ambiance est généralement morose. Mais, s’il y a quelque chose qui rassemble les jeunes, c’est le football. Et avoir aujourd’hui, un véritable stade de football chez nous, savoir que nous allons accueillir du monde très bientôt, c’est déjà une fierté ». Pour ce fils de Yakro, « ce nouveau stade crée déjà l’engouement au sein de la jeunesse qui attend de pouvoir suivre des matches de grande qualité. Nous attendons impatiemment l’ouverture de l’édifice sous peu. Nos clubs locaux auront la possibilité de jouer leurs matches à la maison et de permettre à leurs parents, frères et amis de voir du beau spectacle. Cela va permettre à la ville de bouger un peu. Ce qui est intéressant aussi, c’est que la construction de ce stade a permis à certains jeunes d’avoir du boulot. Nous sommes vraiment heureux que Yamoussoukro ait été choisie pour abriter un stade pour la CAN ». Comme les autres, Thomas Koffi, gérant d’hôtel, ne cache pas sa fierté de voir Yamoussoukro se doter d’infrastructures de qualité. « C’est une grande fierté pour les populations de Yamoussoukro d’avoir une telle infrastructure sportive chez nous. Je pense que c’est un impair qui a été ainsi réparé », fait-il remarquer. Car il trouvait inadmissible que « Yamoussoukro, une grande ville, et de surcroît, la capitale politique du pays, ne disposait pas de stade de football digne de sa renommée ».
L’athlétisme n’est pas en reste
Ici, les visites au sein de l’édifice sont rares. L’Office national des sports (ONS) qui en a la charge administrative, est le seul à autoriser l’accès aux visiteurs avec accréditation. En dehors de ça, tout est hermétiquement fermé au public. Fermé ou pas, Thomas estime que ce stade, avec sa qualité, devrait pouvoir profiter à la jeunesse de la ville. « Sans faire offense aux autres villes du pays, ce n’était pas normal. Nous sommes déjà contents et excités à l’idée d’accueillir le monde entier et l’Afrique pour cette CAN 2023. Ce stade de dernière génération, j’en suis sûr, va contribuer au développement du football local. Le champ de patate qui nous servait de stade local ici, ne permettait pas vraiment à nos talents locaux d’exprimer toute l’étendue de leur talent. Les infrastructures ont un gros impact sur la qualité du spectacle, je ne vous apprends rien. Nous sommes persuadés que le football local va en tirer profil ». Selon lui, « ce sera également le cas pour l’athlétisme local de se bonifier. Si les athlètes ont des infrastructures pour s’entraîner, il n’y pas de raison que nous ne performions pas aux grands rendez-vous sportifs ».
Manuel Zako