Sport

Reportage /Yamoussoukro: Dans la désillusion des soutiens de Drogba

reportage-yamoussoukro-dans-la-desillusion-des-soutiens-de-drogba
PARTAGEZ

Confiants avant l’élection, les partisans de Didier Drogba ont été désillusionnés le 23 avril à Yamoussoukro.

 

« Nous avons un nouveau président de la FIF et je tiens à le féliciter. Nous devons l'accompagner dans sa tâche. Je lui souhaite un bon mandat ». C’est par ces mots que Didier Drogba (3ème) a lui-même entériné  sa défaite dès le premier tour de l’élection, le 23 avril dernier, face à Sory Diabaté (2ème) et   Yacine Idriss Diallo, élu nouveau patron de la maison de verre de Treichville pour 4 ans.  Depuis la Fondation Félix Houphouët-Boigny pour la recherche de la paix de Yamoussoukro, au quartier Dioulabougou, l’icône du foot ivoirien a vécu son premier revers électoral, après un feuilleton harassant qui a duré 2 ans. Il n'a pas réussi, malgré son programme alléchant, ses efforts, le soutien populaire, à franchir tous les obstacles du "vécu" de toutes les compromissions dressées devant lui. Pourtant, ses millions de soutiens y croyaient dur comme fer. Ils sont venus de toute la Côte d’Ivoire pour lui témoigner leur affection. Les supporters de Didier Drogba avaient promis une présence massive à Yamoussoukro, ils ont répondu massivement à l’appel.

 

Un soutien populaire

 

Autour de la Fondation, le cordon de sécurité est long d’environ 300 mètres. Mais de l’autre côté de la barrière, ils dansent, chantent, crient, sifflent…, ils font le show. « J’aime Drogba, je le soutiens dans tout ce qu’il fait. J’ai payé moi-même, mon séjour pour assister à sa victoire », confie Bahiro qui a fait le déplacement depuis Toulepleu. Doumbia Oumar, lui, est de Sinfra. « Je suis là pour Didier Drogba. Nous sommes connectés, nous suivons toute cette élection. Personne ne nous volera notre victoire. Didier est le candidat idéal, il a les vrais arguments, il n’y a pas de raison qu’il ne gagne pas », se dit-il confiant avant d’ajouter : « s’il perd, nous allons boycotter le football local. Nous n’irons plus dans les stades pour les championnats. Nous allons même bouder la CAN 2023, si Didier n’est pas élu président de la FIF. On dit que le public ne vote pas, mais qui va aller remplir les stades lors de cette CAN ? Ne comptez pas sur nous en tout cas ». Il est 11h, et depuis 7h, ils affluent vers la Fondation. Par petits groupes, ils font le show. Ils chantent et dansent au nom et à la gloire de leur candidat. Scotchés sur leurs téléphones, ils ne veulent rien rater de cette rencontre de taille. Ils suivent de bout en bout le scrutin sur les réseaux sociaux. Dally Hervé est arrivé dans la capitale politique avec environ 5000 T-Shirts à l’effigie de Didier Drogba. Distribué gratuitement, le stock s’épuise rapidement. « L’objectif de cette action est de soutenir Didier Drogba jusqu’à la présidence de la FIF. Nous avons concentré nos efforts sur la sensibilisation des responsables de centres de formation. Avec son projet, Didier peut aider le football de jeunes à se développer », justifie-t-il. Comme ces centaines de supporters, Rachel a fait le déplacement depuis Korhogo, mais le cordon de sécurité dressé par la police et la gendarmerie, l’oblige à rester à distance du théâtre des évènements. « Je n’ai pas accès à la salle, mais ce n’est pas qui est important. J’attends la victoire pour faire la fête jusqu’à demain ».

 

La confiance d’une victoire pas encore acquise

 

Didier Drogba est soutenu par une large partie de la population, et aussi par plusieurs artistes. L’actrice et comédienne, Guéi Thérèse alias Gbazé, fait partie de ces inconditionnelles de l’ancien capitaine des Éléphants. Membres d’une association de femmes artistes décidées à accompagner l’ancien footballeur jusqu’au fauteuil de président de la FIF, elles ont fait le déplacement en grand nombre. À côté d’elles, les Amazones de l’Africa Sports, ont pris fait et cause pour Didier Drogba. Aux couleurs de leur club (Vert et Rouge), elles n’ont pas voulu se faire conter l’évènement. Il est 13h30, après plusieurs heures de chants et de danses, les corps commencent à accuser le coup. Mais, pas question de marquer une pause. Ici, les groupes de soutien sont nombreux. Les femmes et les hommes dynamiques de Didier Drogba (La marée verte) sont également présents pour « accompagner Didier Drogba dans toutes ses actions avant, pendant et après l’élection. Nous sommes confiants. Nous le soutenons à cause de son programme. Nous nous sommes investis à fond, ce soir, c’est la victoire ou rien ».  Zio Bonaventure est responsable de la Marque déposée (M3D). « Nous soutenons Didier jusqu’au bout. Nous avons déployé une caravane depuis Abidjan pour Yamoussoukro. Nous offrons de la nourriture aux gens gratuitement. Nous sommes venus faire la fête et nous allons repartir avec la victoire », assure-t-il. Tout de bleu vêtus, ces femmes et ces hommes combinent chants et prières pour la victoire de leur idole. C’est aussi le moment et le lieu idéal, pour le journaliste et écrivain, Sylvain Takoué, de présenter son œuvre intitulée « La FIF en jeu, un joker appelé Didier Drogba ». Il faut débourser 5000 Fcfa pour s’en procurer un. Il est maintenant 15h, les jambes deviennent de plus en plus lourdes. Le ventre réclame lui aussi ses droits. C’est le temps pour grignoter quelque chose et reprendre des forces. Après environ 2h de pause, l’ambiance reprend de plus belle. Il est 17h40. Sur la voie qui mène vers la Fondation, ils multiplient les allers-retours en groupes, en chantant à l’unisson. Supporters et automobilistes se disputent à nouveau, le passage. Pendant ce temps, dans la salle, la première élection a donné son verdict. Le président de la Commission gouvernance audit et conformité, sa vice-présidente et les membres sont connus. Le moment tant attendu approche. On s’apprête à ouvrir le vote du président de la FIF. L’ambiance devient plus forte. Tous les groupes de soutien sont en mouvement.

 

De la confiance à la désillusion

 

Il est maintenant 18h30, le scrutin démarre. Pendant que certains mettent l’ambiance, les autres, assis de part et d’autre, centrés sur leurs écrans, tentent de suivre le processus. Ils n’ont pas tous les mêmes canaux d’information. C’est la voie ouverte à toutes sortes de supputations : « Drogba a gagné », « non, ils n’ont pas encore fini ». Entre confiance absolue et crainte, tout y passe. Ils attendent impatiemment le verdict libérateur. Enfin, l’heure de vérité. Quand les résultats officiels tombent, c’est la désolation partout. Didier Drogba est arrivé 3ème au premier tour avec 21 voix, soit 16.15%, donc éliminé de la course. Le candidat de la Renaissance du football ivoirien n’a pas eu l’assentiment des dirigeants de clubs. « Je ne crois pas, j’attends les résultats officiels », « c’est foutaise, Didier ne peut jamais perdre », « je suis déçu du football ivoirien, c’est injuste », « Ils ont truqué ces élections », lâche les uns après les autres. La colère monte petit à petit, les esprits s’échauffent, la foule grossit. Ils veulent investir la Fondation pour crier leur colère. D’autres veulent s’en prendre aux véhicules des dirigeants de clubs : « allons à la Fondation, les présidents de clubs vont nous entendre aujourd’hui, c’est trop foutaise ». Les manifestants veulent passer la barrière de sécurité, mais la police veille. Les hommes en tenue se préparent eux aussi à intervenir. Nous sommes au bord de l’émeute. Les meneurs continuent d’appeler à la mobilisation. Les visages sont fermés, c’est la désolation dans le camp des supporters de Drogba. Devant la foule de plus en plus menaçante, le Lieutenant Meité, chef du détachement de police, joue la carte de la sensibilisation.

 

À deux doigts de dégoupiller

 

« Nous ne sommes pas venus ici pour vous faire mal. Nous avons des familles à la maison, comme vous. Ça fait mal, mais restons calmes, sachons raison garder », exhorte l’officier. Au même moment, une voix se fait entendre derrière : « Ce n’est pas fini, Drogba sera président, l’enquête d’intégrité va éliminer les autres candidats. Il sera président directement ». Devant ces paroles, la foule exulte à nouveau. L’espoir renaît. Les visages dépités font place à des sourires et des cris de joie. La tension retombe crescendo. « Les autres jouent au football pour avoir l’argent, nous, nous jouons pour être misérables », peste un des manifestants, se définissant comme footballeur. La foule commence à se disperser au fur et à mesure. Mais l’arrivée en force d’un autre groupe de manifestants, va une fois de plus, envenimer la situation en ces lieux. La police se tient prête à agir. Les lance-gaz lacrymogènes sont armées et prêtes à l’emploi. Cette fois-ci, c’est un élément de la gendarmerie qui va jouer de psychologie pour calmer les manifestants en colère. Il est 21h, après plus d’une heure d’échange, la colère retombe enfin. Cette fois-ci, pour de bon. Un à un, les supporters de Didier Drogba rejoignent leur véhicule.

Manuel Zako             

Newsletter
Inscrivez-vous à notre lettre d'information

Inscrivez-vous et recevez chaque jour via email, nos actuaités à ne pas manquer !

Veuillez activer le javascript sur cette page pour pouvoir valider le formulaire