Avec le GX, il faisait partie de ceux qui ont exigé farouchement une gestion saine des affaires de la FIF. Audit, CONOR, Comex, présidence de la FIF, Éléphants…, c’est sans détour que Salif Bictogo se livre dans cette interview aux lecteurs de L’Avenir.
Croyez-vous sincèrement que le Comité de normalisation (CONOR) puisse amorcer le changement tant attendu du football ivoirien ?
Le CONOR a apporté une transparence qui n’a jamais existé au sein de notre faîtière. Il y a eu des audits antérieurs menés par l’Inspection Générale d’État qui n’ont jamais été publiés. Tous les contrats passés par l’ex-Comex, nous n’en n’avons jamais eu la teneur. C’est aujourd’hui qu’on sait comment les choses se passaient. On saura ce qui s’est passé avec Puma. On ne nous a jamais parlé, on ne nous a jamais rien montré. Pour le moment, le CONOR est dans son chronogramme, les choses avancent. Très bientôt, nous aurons les nouveaux textes de retour de la FIFA et de la CAF, en vue de l’AG élective à la FIF. Je pense que le CONOR sera dans le temps pour la tenue de cette élection. C’est à la dernière AG que nous avons su qu’il y a un problème entre l’ex-Comex et l’État de Côte d’Ivoire.
De quel problème s’agit-il ?
Dans les bilans financiers de l’ex-Comex, ils font apparaitre que l’État nous doit 3.1 milliards Fcfa. L’État dit qu’il ne nous doit même pas 5 F. Cela signifie que dans le compte d’exploitation, il y a un problème de 3 milliards qu’il faut expliquer aux présidents. Il faudrait que l’État assainisse nos finances pour qu’on puisse s’en sortir. Le CONOR est venu nous faire comprendre certaines choses. Il faut les laisser travailler. D’ailleurs, la Côte d’Ivoire même est passée par la normalisation. J’entends des gens dire qu’on ne pourra pas tenir l’élection dans les temps. Mais, voilà des gens qui ont été élus en 2011, 4 ans après ils n’ont pas pu organiser les élections. Il a fallu attendre 2016. Élus en 2016, ils n’ont pas pu organiser les élections en 2020. La FIFA leur a rappelé cela. Aujourd’hui, ils sont pressés.
« Avec le CONOR, on a pu jouer un championnat »
Comment l’absence de compétitions de jeunes impacte-t-il le niveau du football ivoirien ?
Quand on n’a pas de compétitions de jeunes, il est difficile d’avoir des générations montantes. S’agissant du football féminin, nous n’avons joué que des brides de compétitions. Souvent, on a joué que 3 journées et puis, plus rien. Avec le CONOR, on a pu jouer un championnat, jusqu’à décerner un trophée. On pouvait se priver de quelques billets en business-classe, trouver les moyens pour organiser ces compétitions. C’est la base même de notre football. Si nous avons eu une génération dorée, c’est bien à cause des jeunes sortis de l’Asec. Moi, j’ai fait mes armes avec l’équipe junior du Stella. Aujourd’hui, nous sommes obligés de nous appuyer sur les binationaux qui, tantôt acceptent de venir, tantôt disent non. On ne peut pas construire notre football sur les binationaux. Nous devons revenir aux fondamentaux, la Côte d’Ivoire a toujours été un pays de formation.
« Dans un monde de passion, il y a toujours ces tensions »
Aujourd’hui, on ne peut parler du football ivoirien sans parler des camps. Pensez-vous qu’on pourra sortir de ces passions et privilégier l’intérêt général ?
Le football est un jeu fait de passion. Nous restons des frères, il n’y a pas de guerre. Dans un monde de passion, il y a toujours ces tensions, mais ce qui doit nous guider, c’est l’intérêt commun. Ne pas avoir la même vision, ne veut pas dire que nous sommes des ennemis. Je peux me tromper de bonne foi. Il ne faut pas perdre de vue que nous devons sauvegarder notre maison commune. En tant que présidents de clubs, nous sommes créateurs de richesses. Nous créons des emplois pour nos jeunes qui veulent monnayer leurs talents.
Le championnat de Ligue 1 reprend ce samedi, croyez-vous qu’il est opportun de reprendre alors que les problèmes attendent toujours de trouver des solutions ?
C’est pour cela qu’il faut dire bravo au CONOR. Le football était arrêté, quand ils sont arrivés, le ballon a roulé. Quand on ne joue pas, ce sont les athlètes qui en pâtissent. C’est leur gagne-pain, quand on ne joue pas, ils ne peuvent pas manger. C’est une bonne chose de reprendre. Le football féminin reprend parce que l’argent de la FIFA est là. Auparavant, il y avait l’argent, mais on n’organisait pas cette compétition. Des néophytes sont arrivés, ils ont réussi à faire redémarrer la machine. Il faut leur dire bravo. Mme Dao Gabala est là pour remettre sur pied, un train qui a déraillé.
« Au COCAN, il n’y a qu’un seul président de club »
Salif Bictogo est-il intéressé par le fauteuil de président de la FIF ?
Je ne pouvais pas être candidat à la dernière élection à la FIF, parce que j’étais sous le coup d’une suspension. Aujourd’hui, je dis que les 76 présidents de clubs sont tous susceptibles d’être candidats. Nous avons les compétences pour être candidats au poste du président de la FIF. Avant, dans nos textes, pour être président de la FIF, il fallait absolument être président de club. Nous avons sauté ce verrou, mais j’étais contre. Cela permettait que le président soit imprégné des difficultés et des réalités du milieu. C’est une clause qu’il faut remettre pour que les gens sachent de quoi il est question. Ce n’est pas de l’exclusion. Nous voulons avoir les fruits de ce que nous semons. Aujourd’hui, au sein du COCAN, il n’y a qu’un seul président de club. Pourtant, on dit que c’est notre fête.
C’est un paradoxe ?
C’est notre fête et il n’y presqu’aucun dirigeant de club. Il y a des moments où on doit se dire que les présidents de clubs ne sont pas des saltimbanques. Ce sont des personnes qui ont des activités, des hommes de grande qualité qui occupent de hautes fonctions. Quand c’est notre chose, qu’on nous laisse savourer notre chose.
Votre club, le Stella est revenu dans l’élite et a pu se maintenir. Qu’est-ce qui a fait la différence ?
Nous avons démarré la compétition la saison dernière sans avoir fait la préparation que nous espérions. Nous n’avons pas pu avoir les joueurs qu’on voulait. La plupart d’entre eux croyaient qu’on serait encore en Ligue 2. Ils ne voulaient donc pas venir. Tout cela a été un handicap, mais nous nous sommes maintenus, Dieu merci. Ça s’est joué à peu de chose. Il y a deux grands clubs qui sont descendus, l’Africa et l’AS Tanda. C’est la loi du football. Nous démarrons une nouvelle compétition et nous aurons notre mot à dire. Je dis souvent que les clubs de légende, les grands clubs, comme le Stella, ont de grandes responsabilités. Il faut chercher le soleil, à défaut on prend la lune. Je crois que nous avons les moyens de nos ambitions.
L’ambition, c’est donc détrôner le champion en titre, l’Asec Mimosas ?
C’est ce que je dis, un club de légende vise toujours haut, joue le titre. Nous visons le plus haut, on verra ensuite.
Qu’est-ce qui va changer cette année ?
La saison dernière, nous avons misé sur la jeunesse. Des jeunes qui n’avaient souvent même un seul match de Ligue 1 dans les jambes. Cette année, nous avons misé sur des athlètes qui ont une grande expérience de la Ligue 1, pour encadrer certains jeunes. J’ai pu les voir à l’entraînement, je crois que ça peut aller.
Quelles sont les ambitions que vous nourrissez pour le Stella Club d’Abidjan ?
C’est toujours la construction d’un grand club. Nous sommes un club omnisports, nous avons toujours gardé notre statut de formateur. Nous avons toutes les catégories de football (pupilles, cadets, juniors, seniors) et avons une équipe féminine de football. Le Stella a des équipes pour le volleyball et autres, et nous voulons continuer à faire grandir ce club.
Réalisée par Manuel Zako