Depuis le vendredi 29 décembre, vous aviez été élu comme nouveau secrétaire général de la FESCI. Quels sont les sentiments qui vous animent ?
Mes premiers sentiments sont des sentiments de satisfaction, mais surtout de reconnaissance à l’endroit des élèves et étudiants de Côte d’Ivoire, et particulièrement, des congressistes.
Quels sont vos projets ?
Il y a un terme qui figurait sur le thème général du congrès. C’est la mue. Notre organisation est vue de l’extérieur de façon un peu négative. Il est donc primordial de faire notre mue en interne, afin de garantir une certaine connectivité avec l’extérieur. La FESCI travaille beaucoup pour l’émancipation des élèves et étudiants de Côte d’Ivoire, mais en raison du fait qu’il n’y a pas une très bonne communication sur ce que nous faisons de positif, les gens sont très attachés sur peu de choses que nous commettons négativement.
Nous sommes avant tout un mouvement citoyen
De façon concrète ?
J’ai d’abord parlé de la mue. Elle va consister à combattre certains petits pas de violence en notre sein et surtout faire la promotion de l’excellence. Faire aussi la promotion du respect des règles de citoyenneté. Nous sommes avant tout un mouvement citoyen. En dehors du PDCI-RDA, la FESCI est née avant toutes les autres formations politiques. Aucune d’entre elles ne peut prétendre être mieux imbibée des valeurs citoyennes que nous.
La corruption est un mal que notre génération doit combattre
Vous parlez de faire votre mue. En plus de ce que votre organisation est taxée dans l’opinion générale comme une organisation violente, il y a aussi la corruption et le racket qui sont des pratiques très développées à la FESCI. Quelles sont vos actions pour y remédier ?
La corruption est un mal que notre génération doit combattre. Mieux, la corruption ne se limite pas à la FESCI. Elle a une dimension nationale. Par conséquent, on ne peut lutter contre la corruption seulement au niveau de la FESCI. Il faut que cela soit un engagement national que tous les citoyens doivent prendre pour y mettre fin. Si l’État de Côte d’Ivoire a décidé de créer des institutions pour lutter contre la corruption, cela veut dire que c’est un mal qui est connu de tous. Mais étant entendu que nous respectons les règles républicaines, nous chercherons les moyens pour combattre ce mal en notre sein. Pour parler de corruption, c’est qu’il y a un corrupteur et un corrompu. Il y a des personnes qui ne sont pas de la FESCI et qui font des propositions de corruption. N’oubliez pas que la majeure partie des étudiants de Côte d’Ivoire est issue de familles démunies. Lorsqu’une personne aisée fait des propositions à quelqu’un qui est d’une famille démunie pour avoir certaines faveurs, si ce dernier n’est pas fort psychologiquement, il va céder. Il y a des parents qui sont aussi des corrupteurs. C’est pour vous dire que la lutte contre la corruption est d’abord psychologique.
Vous vous engagez à lutter contre la corruption et le racket. Vu que le mal est profond, ne craignez-vous pas d’avoir des problèmes, puisque ce sont des intérêts de beaucoup de personnes que vous mettez en jeu ?
De toutes les façons, tous les pas que je vais poser sont susceptibles de me créer des problèmes. Tous les pas que pose le Président de la République sont susceptibles de lui créer des problèmes. Quand on gère un groupe, tous les pas posés, qui s’inscrivent dans le sens du changement, sont susceptibles de vous créer des problèmes. Dans tout changement de paradigme, il y a des oppositions. Raison pour laquelle il faut être prêt, mentalement, psychologiquement. Que j’accepte la corruption, cela est susceptible de me créer des problèmes, que je refuse la corruption, cela est aussi susceptible de me créer des problèmes. Donc, je préfère refuser la corruption.
Votre prédécesseur Alla Saint Clair a brillé par son absence au XII congrès qui a vu votre élection. Ce dernier était même opposé à sa tenue, puisqu’il lorgnait un troisième mandat. Dans ces conditions, ne craignez-vous pas que votre mandat soit perturbé ?
Laissons le temps au temps. Je suis sûr et certain d’un fait, quelqu’un qui a dirigé une organisation comme la FESCI, son amour pour cette organisation ne peut jamais s’estomper. Le général Makélélé est un fesciste dans l’âme.
Vous êtes certain que vous n’avez pas d’inquiétude ?
Je suis sûr que depuis la position où il se trouve, il souhaite que je fasse mieux que lui. Notre amour pour la FESCI est profond.
J’ai été l’un des lieutenants du général Makélélé
Quels sont vos rapports à l’état actuel ?
Le temps est un autre nom de Dieu. Je n’entre pas dans la précipitation. J’ai été l’un des lieutenants du général Makélélé, parce que j’ai été secrétaire général de la Section Sciences économiques et de gestion sous son mandat et je suis sûr et certain que là où il est, il est fier de ce que nous sommes en train de faire. Dieu ne donne pas le pouvoir à n’importe qui. Aucun père ne peut être mécontent lorsqu’il voit son fils en train de lui succéder.
Alla Saint Clair vous a au moins joint au téléphone pour vous féliciter ?
Les problèmes de famille restent en famille. Je ne parlerai pas de quelqu’un que j’appelle papa, aîné, dans la presse. Si je dis qu’il m’a appelé ou non, ce qui suppose que je vous dirai le contenu de notre conversation. Or, ce qui est familial reste en famille.
Il paraît que vous êtes salarié au Port autonome d’Abidjan et vous vous retrouvez paradoxalement à la tête de la FESCI. Comment cela a été possible ?
Je crois que vous êtes le premier journaliste qui a osé poser clairement la question de cette manière. Je suis Kambou Sié, étudiant régulièrement inscrit à l’UFR des Sciences économiques et de gestion. J’étais secrétaire général de cette section et j’étais à mon second mandat. J’ai présenté ma candidature au secrétariat national et j’ai été élu par les congressistes. Le reste est du dilatoire. Même si cela était vrai, quel est le souci ? Je ne vois pas.
Pour renforcer nos capacités intellectuelles, il y a des stages qu’il faut faire
Soit, mais expliquez-nous clairement ce qui s’est passé
Je suis un enfant de pauvre, donc si par moments, j’ai des possibilités de faire des stages ou des « gombos » (Ndlr expression pour désigner des activités rémunératrices) dans certaines structures, cela doit poser un problème ? Qu’auraient voulu les gens, que j’aille voler ? Je suis étudiant et ce que mes études me permettent de faire, je dois le faire. Pourquoi c’est aujourd’hui que les gens veulent entrer dans ce contexte ? Sinon, pas plus tard que la semaine passée, j’étais le secrétaire général de Sciences économiques et je faisais toujours les mêmes « gombos ». Je conduisais des grèves en Sciences économiques et rien n’a été dit. Pour renforcer nos capacités intellectuelles, il y a des stages qu’il faut faire. Je suis économiste et mon thème de mémoire touche le domaine portuaire : l’ouverture commerciale et l’industrialisation en Côte d’Ivoire. Mon mémoire est déposé à l’administration de Sciences économiques. Que les gens partent vérifier. D’ailleurs, je soutiendrai mon travail très bientôt. J’invite tous ceux qui parlent à ma soutenance.
Que disent vos textes ?
J’ai été retenu candidat conformément à nos textes. Que les gens se réfèrent à nos textes. La FESCI a une Bible, ce sont nos textes. À un moment donné, nous avons compris que nos textes n’étaient pas respectés, et nous avons pris nos responsabilités.
Kamou Sié, dit-on, serait un élément du RHDP. Que répondez-vous ?
La FESCI est un mouvement apolitique. Où m’ont-ils vu ? Dans quelle réunion du RHDP m’ont-ils vu ? Par contre, j’ai des amis partout. Si j’ai des soutiens d’un parent, au nom de son obédience politique, dois-je refuser ? Je suis candidat et si un parent vient me soutenir, au nom du fait qu’il est d’un parti politique donné, dois-je refuser ? Autant dire que je suis de tous les partis politiques, parce qu’aujourd’hui, tous les partis politiques m’appellent.
Ah bon ?
Je décroche et je cause avec ces derniers. Je reçois des félicitations.
En clair, Kambou Sié n’est pas un élément du RHDP ?
Lorsque je gérais l’UFR des Sciences économiques, il se racontait que j’étais PPA-CI. Aujourd’hui, on estime que je suis le pion du RHDP. Demain, ils diront autre chose. Que les gens nous jugent sur la base des pas que nous posons. Nous avons une mission, celle de défendre les intérêts moraux et physiques de l’ensemble des élèves et étudiants de Côte d’Ivoire. Jugez-nous en fonction de cette mission. Ne nous jugez pas en fonction de ce que vous entendez, mais en fonction des faits.
Il y a eu ces dernières années, des morts suspectes d’étudiants dans certaines universités. Des enquêtes ont été ouvertes, mais les résultats ne sont pas encore connus. En tant que syndicat, comment comptez-vous gérer cette situation ?
Cette question devrait être posée aux autorités policières. Vous dites que les enquêtes sont ouvertes. Peut-être que les autorités policières ont des pistes.
Vous pouvez exercer la pression pour l’aboutissement de ces enquêtes
En tant que citoyen, je souhaite que ces enquêtes puissent aboutir, d’abord, pour ma propre sécurité, pour ma quiétude. Je suis étudiant et je vis en cité.
Réalisée par Ernest Famin
