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Reportage/ Yamoussoukro-Innovation technologique : Une journée dans le laboratoire des génies de l'intelligence artificielle de l'INP-HB

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Le robot en création dans le Fab Lab. (Ph : AN)
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À l’Institut national Félix Houphouët-Boigny (INPHB) de Yamoussoukro, est formée une pépinière de concepteurs de projets innovants, destinés à devenir de futures start-ups ivoiriennes. Immersion dans cette fabrique de prodiges de l’innovation technologique.

Niché au département génie mécanique de l’INPHB, le Fab Lab a été inauguré le 10 mars 2023. C’est un espace de 285 m2. Au dire de Jean Nicaise Akaffou, enseignant-chercheur à l’INPHB et responsable du Bureau de la promotion et de la valorisation des Fab Labs, tout a commencé par la formation de trois étudiants en ligne durant 6 mois à la Fab Academy de Neil Gershenfeld du Massachusetts Institue Technology (MIT). C’est à l’issue de cette formation, qui s’est soldée par un diplôme, que le Fab Lab a été ouvert avec l’appui de l’opérateur de téléphonie mobile MTN. Depuis son ouverture, il y a un peu plus de 6 mois, Jean Nicaise s’attèle à y former de jeunes pousses, férues d’innovations technologiques et d’intelligence artificielle.

Du laboratoire d’idées…

À peine la porte d’entrée franchie, l’on est frappé par des machines à l’aspect insolite et des embryons de projets technologiques en cours de réalisation. Le local se subdivise en deux pièces : la première sur laquelle débouche la porte d’entrée, est la salle dite d’idéation. C’est ici que les étudiants admis dans le Fab Lab peaufinent la réflexion sur leurs projets et leur conception. On y trouve deux tables autour desquelles sont disposés des sièges et un tableau. « Ici, c’est l’espace d’idéation pour la phase de réflexion et de conception. Les étudiants viennent avec leurs ordinateurs, réfléchissent sur des projets, sur la conception électronique et une fois qu’on a des choses assez intéressantes, on se retrouve dans l’autre salle », explique l’encadreur, lui-même ingénieur en électrotechnique.

Située à gauche de la première salle, on y accède par une entrée sans porte. Tout ici évoque un laboratoire de fabrique d’objets électroniques. Dès l’entrée, le regard se pose sur des prototypes en voie de conception, disposés sur des tables et sur des appareils à l’aspect pittoresque. Des créations dont nous parle le coordonnateur du Fab Lab avec un certain entrain. « On a là, une poubelle intelligente. L’idée, c’est qu’une fois qu’on a une détection, on ouvre là et on jette l’ordure. Si on pousse plus loin, avec le téléphone portable, on devrait pouvoir savoir si la poubelle est pleine ou pas. On devrait également pouvoir repérer toutes les poubelles qui sont plus proches et même le contenu de la poubelle si on met certains capteurs à l’intérieur », décrit-il un projet en phase de réalisation. Et d’ajouter : « À long terme, il s’agit d’avoir trois poubelles et un système à côté. Vous déposez juste l’objet et avec des capteurs, vous choisissez où vous voulez déposer l’objet. On peut également installer une petite caméra à l’intérieur de la poubelle, ce qui va nécessiter des notions basiques de machine learning en intelligence artificielle… ».

À des objets concrets

Juste à côté, trône un mécanisme avec une plaque solaire et un capteur. « Ici, on est dans l’Agri Tech. L’idée, c’est d’avoir un capteur d’humidité. Une fois qu’on a ce capteur d’humidité, on récupère l’information sur ces boîtiers. À l’intérieur, on a des microcontrôleurs avec une communication wifi. Ces deux boîtiers peuvent communiquer. L’objectif, c’est d’évaluer le niveau d’humidité et déclencher une pompe pour faire l’arrosage si on n’a pas l’humidité qu’on veut. On a là un écran à partir duquel on peut déclencher directement la pompe ou on peut le faire à partir du smartphone. On peut par exemple être en Chine et déclencher l’arrosage en actionnant la pompe à partir d’Internet », explique Jean Nicaise Akaffou. Plus loin, sur une autre table, on peut voir une sorte de voiture en carton, en fabrication, avec ces quatre roues semblables aux jouets de Noël.

« Ici, on est toujours dans l’Agri Tech, un étudiant a commencé à travailler sur ce robot. L’objectif, c’est de diriger le robot dans la plantation où il va sonder le sol pour voir si on a une bonne humidité. Il va récupérer l’information et la transférer sur une interface pour qu’on la voie », explique l’enseignant-chercheur, toujours avec l’enthousiasme des personnes passionnées de leur métier. « On a aussi intégré une caméra. On va devoir, pour ce faire, donner à l’étudiant, des notions en intelligence artificielle, non pas en deep learning, mais en machine learning. Avec cette caméra, le robot va pouvoir faire des photos. Si dans la programmation, on intègre l’image d’une plante saine par exemple et qu’on a l’image d’une plante malade, on pourra faire la comparaison. On peut ainsi détecter une plante malade grâce à l’IA », renchérit-il.

Le profil des étudiants du Fab Lab

Sur une autre table, est posé un drone déshabillé de sorte qu’on y distingue ses composantes internes. « On a acheté ce kit de drone. On leur apprend à assembler le kit et faire de la programmation. L’idée, à long terme, c’est de leur faire acquérir la capacité de concevoir un drone entièrement. Aujourd’hui, on a la capacité de concevoir ce moteur qui est le cœur du drone. Les étudiants ont une connaissance parfaite du drone : ils arrivent à le piloter, à l’assembler et faire de la programmation », nous fait savoir l’administrateur du Fab Lab. Non sans partager son ambition de voir ses étudiants fabriquer eux-mêmes, des drones un jour. « Ici, on est capable de faire des circuits électroniques et donc, cela nous permettra, à terme, de concevoir un drone entièrement », se projette-t-il.  

Selon Jean Nicaise Akaffou, le Fab Lab a une capacité d’accueil de 40 étudiants. Mais, ce sont en moyenne, 15 à 30 étudiants qui y suivent la formation, dont 15 à 20% de filles. « Les étudiants que nous avons ici, ont un BAC +3 ou +5, mais nous recevons tout type d’étudiant. Le niveau pour nous, n’est pas un élément déterminant, mais plutôt la passion, la volonté d’apprendre, de vouloir innover. Nous voulons recevoir des gens qui ont de l’imagination et notre travail, c’est de les aider à donner forme à ces idées à travers des projets », souligne cet ingénieur-formateur. « Nous ne faisons pas de formation spécifique, parce que je ne voudrais pas transposer la formation académique habituelle ici (…) La seule chose que je donne aux étudiants ici, c’est mon expérience et non ma connaissance parce que la connaissance est disponible mais la compétence et l’expérience, non », précise-t-il. Pour lui, les jeunes Ivoiriens sont ingénieux : « On a une jeunesse qui a des compétences, qui est surdouée, mais qui n’a pas l’environnement qu’il faut. Donc, ce qu’il faut créer, c’est l’environnement qui leur donne la possibilité de s’imprégner de ces choses. Et très rapidement, on verra que notre jeunesse fait des choses extraordinaires ».

Le rêve de deux apprenants

Au nombre de ces pépites qui travaillent à créer de futures start-ups au sein du Fab Lab, se trouve Koné Zié Souleymane, ingénieur en première année de Sciences et technologies du génie industriel. Il dit avoir intégré l’univers des Fab Labs de l’INPHB depuis sa deuxième année de Technicien supérieur, en 2020. « J’ai intégré les Fab Labs pour accroître mes compétences en tout ce qui est technologie, intelligence artificielle, robotique. J’ambitionne de créer des entreprises qui vont fabriquer des appareils technologiques tels que les téléphones, les tablettes, les ordinateurs », rêve ce jeune homme au visage candide. Comme Koné Zié, Kouassi Amany Williams est lui aussi, en formation dans le Fab Lab. Technicien supérieur en Production et maintenance des systèmes industriels, il dit avoir intégré le monde des Fab Labs parce qu’étant un mordu des innovations en robotique. « Je veux créer des robots pour répondre à des besoins agricoles par exemple. Au sortir d’ici, j’envisage de créer mon propre Fab Lab et pouvoir former les autres sur tout ce qui est création dans le secteur du numérique, aussi bien en Côte d’Ivoire qu’en Afrique », souhaite-t-il. À l’évidence, ces jeunes gens savent où ils vont. Pourvu qu’ils bénéficient d’un  vent favorable, tant il est vrai qu’il n’y a pas de vent favorable pour celui qui ne sait pas où il va.

 

Assane Niada

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