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Interview/Mauvais résultats scolaires, mauvaises fréquentations, impact négatif des écrans: Fréjus Zamblé (coach éducatif et parental) : « Être parent, c’est un métier »

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Fréjus Zamblé coache depuis 7 ans parents et élèves à devenir meilleurs. (Photo : DR)
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Comment réussir l’éducation de son enfant ? Que faire pour un enfant dont les résultats scolaires ne sont pas fameux ? Ce sont-là quelques-unes des préoccupations auxquelles Fréjus Zamblé apporte des réponses dans cette interview. Spécialiste en neuroscience et coach éducatif et parental, il aide, depuis sept ans, les parents à mieux encadrer leurs progénitures.

Quel regard portez-vous sur notre système éducatif ? Est-ce que les choses vont dans le sens de ce que vous auriez souhaité ?

Je note que beaucoup de bonnes choses sont faites et sont à encourager. J’observe également que de nombreux enfants sont renvoyés de notre système scolaire pour plusieurs raisons. D’abord, parce qu’ils s’ennuient. Quand nous leur demandons pourquoi, ils répondent qu’ils ne savent même pas pourquoi ils viennent à l’école. À la vérité, beaucoup d’entre eux n’ont pas d’objectif. La deuxième raison, c’est qu’ils ne savent pas comment étudier. Ils fournissent beaucoup d’efforts pour peu de résultats et finissent par se décourager. Comment alors leur apprendre à étudier ? Cette thématique a fait l’objet d’un séminaire que nous avons organisé en octobre 2022, auquel ont pris part 256 enfants. On leur a appris des techniques qui leur permettent de comprendre le type d’intelligence qu’ils ont. Est-ce qu’ils sont visuels, c’est-à-dire que c’est en regardant qu’ils assimilent bien ? Kinesthésiques, c’est-à-dire ne comprennent qu’en se remémorant les mouvements de corps de l’enseignant ? Auditifs, c’est-à-dire qu’ils comprennent mieux quand l’enseignant parle ? À chaque profil, nous avons préconisé une technique de travail spécifique. 

Que faire pour améliorer les résultats scolaires d’un enfant en difficulté ?

Aujourd’hui, on observe que les enfants sont très à l’aise avec le digital. Mais qu’est-ce qui les y attire ? C’est parce que c’est motivant, c’est coloré. Il faut adapter cela à notre système d’apprentissage. C’est dans ce sens que j’avais créé un concept appelé la « jolititude » qui n’est rien d’autre que l’art de rendre très beau, ce qu’on enseigne, comme dans les jeux vidéo. Ce sont toutes ces innovations qu’on doit pouvoir intégrer dans notre système scolaire pour développer la motivation des élèves.

Comment donc obtenir de meilleurs résultats d’un enfant peu motivé à aller à l’école ?

Je vais vous donner un cas concret. Récemment, nous avons été contactés par une école. Quand nous y sommes allés, nous avons trouvé un élève à genou, entouré du directeur et de ses parents. On nous a dit qu’il est un cas particulier, parce qu’il ne vient pas à l’école et que ses résultats ne sont pas bons. J’ai alors demandé à avoir un bureau pour moi seul dans lequel je me suis isolé avec l’enfant. Quand je lui ai demandé ce qui ne va pas, il m’a répondu qu’il ne vient plus à l’école parce qu’on ne le frappe plus. Et quand je lui ai dit que je ne comprenais pas ce qu’il voulait insinuer, il m’a expliqué que quand il rentrait de l’école chaque soir, son oncle corrigeait son cahier. Pour chaque faute rencontrée, il lui donnait un coup sur la tête. Il a donc décidé de ne plus aller au cours pour éviter de laisser dans son cahier, des fautes qui vont lui valoir de nouveaux coups de la part de son oncle. Je lui ai alors demandé : Qu’est-ce que tu veux devenir plus tard ? Il m’a répondu qu’il voulait devenir informaticien comme ceux qu’il voit à l’aéroport programmer des choses derrière leurs ordinateurs. J’ai compris qu’il voulait être un programmeur.

Quelle solution concrète avez-vous alors apportée à cet élève ?

J’ai pris mon téléphone et j’ai tapé : vidéo de programmeur. Dès qu’il a vu la vidéo, il m’a dit : c’est ça que je veux devenir ! Cette vidéo a suscité sa motivation. Je suis ensuite allé sur Google pour savoir le parcours scolaire pour devenir informaticien programmeur. Il a lu BEPC, BAC, cycle ingénieur. Et moi de lui dire : Tu vois qu’il n’y a pas un autre moyen de devenir programmeur si tu ne vas pas à l’école. Il m’a répondu : Tonton, ça c’est vrai. Mais comment je vais faire ? Je lui dis : On va commencer par se mettre à jour. Mais comment se mettre à jour ? On va d’abord faire un programme pour qu’il consacre le temps à se mettre à jour au lieu de sortir. Il m’assure qu’il va prendre deux semaines pour se mettre à jour. Après les deux semaines, l’enfant était à jour. Deuxième action menée : nous avons discuté avec son oncle. On lui a expliqué que l’enfant est en 5e parce qu’il ne sait pas ce qui lui est enseigné en 5e et donc, il lui est permis de faire des erreurs. L’on a ainsi changé son attitude à l’égard de l’enfant. Troisième action menée : on a montré à l’enfant comment étudier en élaborant un programme de travail et en précisant bien qu’à l’heure où l’enfant doit étudier, il ne faut pas qu’il y ait d’écran allumé, ni télévision, ni radio ni téléphone, pour permettre une concentration maximale. Résultat : l’élève en question, est passé de 5 de moyenne au premier trimestre à 13 au deuxième trimestre. Voici donc un exemple pratique de la façon dont nous accompagnons les élèves.

Pensez-vous que l’enseignant peut affecter négativement le rendement de l’élève ? Si oui, comment agir sur lui afin d’améliorer les résultats de l’élève ?

Nous avons un programme dénommé « Le management des sujets apprenants », qui consiste à former les enseignants, à partager avec eux, la nouvelle donne sur la neuroscience et de l’apprentissage. Pour mesurer l’impact de l’enseignant sur les résultats de l’apprenant, une étude a été réalisée en France : ils ont pris deux groupes d’élèves qui ont le même niveau et les mêmes résultats. Ils les ont divisés en deux et ils ont dit aux enseignants : Le groupe A compte des élèves d’un très bon niveau. Quant au groupe B, il est composé d’élèves nuls. Au bout de trois mois, il a été constaté que les élèves du groupe A ont continué d’être performants, tandis que ceux du groupe B ont vu leur niveau baisser. Cette expérience montre que la perception qu’un enseignant a de ses élèves, détermine le niveau de performance que ceux-ci peuvent produire. C’est pourquoi, nous avons conçu le programme dénommé « Le mangement des sujets apprenants », destiné aux enseignants. Il s’agit de leur apprendre comment être motivant, comment être significatif en transmettant sa matière et quelles sont les activités à intégrer à son cours pour amener les élèves à aimer la matière. Car, il est prouvé que quand la perception qu’a l’enseignant de l’apprenant change, la performance de celui-ci s’en ressent.

 

Venons-en aux relations parents-enfants. On dit souvent que les enfants sont en perdition de nos jours, parce que les parents ont démissionné. Qu’en pensez-vous ?

Je pense que démissionner, c’est un peu fort, car ça signifierait que les parents ont baissé les bras. Je dirai plutôt qu’ils ont replié, parce que démunis de méthodes pour assurer une meilleure éducation de leurs enfants. Aujourd’hui, grâce à Internet, les enfants ont accès à un flot d’informations que n’ont pas toujours les parents. Dans ces conditions, il faut non seulement que ceux-ci se mettent au même niveau d’information que leurs enfants, mais aussi qu’ils les aident à faire le tri de ces informations. Mais les parents ne savent pas généralement comment s’y prendre. C’est pourquoi, nous avons mis sur pied l’école des parents, qui vise à les aider à comprendre le métier de parent, mais aussi le comportement de leurs enfants afin de mieux les encadrer. Pour me résumer, je dirai donc que les parents n’ont pas démissionné, ils ont replié parce qu’ils sont démunis de méthodes.

 

Vous répétez qu’être parent, c’est un métier. Qu’entendez-vous par là ?

Être parent, c’est effectivement un métier. Car, quand vous avez deux enfants, vous avez deux entreprises. En effet, nos enfants ne se ressemblent pas et ne nous ressemblent pas non plus. Ce qui demande à nous, parents, d’avoir plusieurs compétences pour mener à bien leur éducation. Les parents doivent être pour leurs enfants, à la fois psychologue, instituteur, professeur de lycée et collège, footballeur, etc. Mais où vont-ils apprendre tout cela ? C’est pour répondre à cette question que nous avons mis sur pied, des programmes destinés à l’éducation des parents à travers l’école des parents. Nous envisageons d’aller plus loin en créant l’université des parents. Dans deux mois, nous allons lancer cette université pour leur apprendre à comprendre les enjeux du métier de parent et avoir des outils appropriés.

 

Qu’est-ce que vous apprenez concrètement aux parents à l’école des parents ?

À travers l’école des parents, nous permettons aux parents d’évaluer les problèmes qu’ils rencontrent avec leurs enfants, de comprendre quel est le message derrière la crise des enfants et enfin, nous leur permettons d’avoir des outils pour corriger ces comportements. Ce sont des formations thématiques, qui permettent de mettre le doigt sur des problèmes de communication, de scolarité, de conditionnement de l’environnement, de transmission de valeurs. De sorte qu’au terme de la formation, le parent qui achève le processus puisse comprendre le problème de son enfant. C’est vraiment une école structurée pour permettre aux parents de faire une sorte d’audit du management de leur progéniture et pouvoir corriger ce qui ne va pas.

 

 

Vous conseillez aux parents d’être présents auprès de leurs enfants. Comment être présent quand on est amené à aller au travail cinq jours sur sept et chaque jour de 6h à 20h ?

C’est vrai que ce n’est pas toujours facile avec ces contraintes professionnelles d’être toujours présent aux côtés de ses enfants. Mais, il faut se donner, ne serait-ce que cinq minutes d’échanges par semaine avec eux pour les écouter. Si vous n’avez pas ces moments de discussion avec l’enfant, comment saurez-vous ce qu’il entend, ce qu’il voit, ce qu’il vit pour que vous puissiez corriger ? Combien de parents discutent par exemple de sexualité avec leurs enfants, alors qu’il en est question partout aujourd’hui ?

 

Pensez-vous qu’un parent doit parler de sexualité avec son enfant ?

Oui, évidemment, d’autant que les sites les plus visités aujourd’hui sont les sites pornographiques. Je vous donne l’exemple d’un garçon que sa maman a fait venir à notre cabinet ici, parce qu’il passait son temps à frapper son petit frère. Quand les parents voulaient savoir pourquoi il se comportait ainsi, il a répondu qu’il a été arnaqué par ses parents. Nous lui avons dit que nous ne voyons pas où il voulait en venir. Et l’enfant de nous expliquer : « Tonton, pour moi, quand on veut avoir un enfant, il y a un processus : il y a d’abord les relations sexuelles et quand il y a relations sexuelles tout le monde doit le savoir, parce qu’il y a des cris. Mais moi qui suis tout le temps avec mes parents, je n’ai jamais rien entendu. Ensuite, on dit que quand la femme tombe enceinte, on doit pouvoir voir son ventre grossir. Or, je n’ai rien vu de tel. Et, à un moment, on doit voir la femme enceinte perdre de l’eau et alors, je dois appeler papa et l’ambulance doit venir chercher maman pour qu’elle aille accoucher à l’hôpital. Je n’ai rien vu de tout ça. J’ai juste vu un matin qu’ils avaient un bébé ». Voilà ce que l’enfant entend par arnaque. Nous avons compris que la conception qu’il a de la sexualité vient des films pornographiques qu’il a regardés. Dans le coaching que nous avons eu avec lui, nous avons dû lui expliquer ce que c’est que la sexualité. Nous avons aussi envoyé nos vidéos aux parents pour qu’ils les visionnent pour mieux comprendre la sexualité et ainsi corriger la perception que l’enfant en a. Résultat : l’enfant a arrêté de frapper son petit frère. C’est là un exemple parmi tant d’autres qui montre qu’il y a aujourd’hui urgence de parler de sexualité à nos enfants.

Que doivent faire les parents pour minimiser l’impact des réseaux sociaux sur leurs enfants ?

Il faut d’abord que les parents eux-mêmes apprennent à comprendre de quoi il s’agit. Ils doivent savoir à quel âge ils doivent autoriser l’enfant à regarder moins de télévision, plus de télévision, en un mot réguler l’accès à l’écran. Ensuite, ils doivent expliquer aux enfants à quoi sert un téléphone, l’impact que peuvent avoir les réseaux sociaux sur eux. Combien d’enfants voient leurs parents faire usage de leurs téléphones pour faire autre chose que d’aller sur Facebook, WhatsApp et autres réseaux sociaux ? Si l’enfant vous voit en train de faire des recherches, en train de regarder des vidéos instructives, de participer à des conférences via le net, il comprendra que le téléphone ne sert pas qu’à aller causer sur les réseaux sociaux. 

Comment un parent doit-il s’y prendre pour éviter l’impact des mauvaises fréquentations sur son enfant ?

À partir de 7, 8 ans, l’enfant cherche à s’identifier à un cercle d’appartenance, c’est-à-dire à être accepté dans un groupe. Certains enfants s’identifient à de mauvais groupes, parce qu’ils n’ont pas une forte appartenance à leur famille. Du coup, ils ont pour référence des groupes d’enfants à l’extérieur. Donc, les parents doivent s’employer à cultiver et transmettre de fortes valeurs à leurs enfants. Par le passé, on disait de telle ou telle famille qu’elle se caractérisait par des valeurs d’honnêteté, de respect de la parole donnée, etc. Ce sont ces valeurs qui vont constituer le filtre des personnes que vos enfants vont laisser entrer dans leur vie. Mais si les enfants n’ont pas de valeurs fortes, ils seront portés à papillonner et si en plus, ils n’ont pas confiance en eux, ils auront tendance à appartenir à des groupes en vogue.

Réalisée par Assane Niada

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