Société

Interview/Palabre sur le projet de précompte de la prime ADO: Attaby Pacôme, président de la coalition des syndicats de la Fonction publique : « Le syndicalisme qui repose sur l’amour de l’argent doit être abandonné »

interview-palabre-sur-le-projet-de-precompte-de-la-prime-ado-attaby-pacome-president-de-la-coalition-des-syndicats-de-la-fonction-publique-le-syndicalisme-qui-repose-sur-lamour-de-largent-doit-etre-abandonne
Attaby Pacôme, président de la CSSPCI accuse des centrales syndicales qui ne bénéficient pas de financement de l’état d’être à l’origine du projet de précompte. (Photo : DR)
PARTAGEZ
Crise dans le milieu syndical des fonctionnaires ivoiriens. L’octroi d’une prime annuelle à leur profit par le chef de l’État, est la pomme de discorde. Les 8 organisations syndicales signataires de la nouvelle trêve sociale sont combattues, suite à leur projet de précompte sur cette prime annuelle. Attaby Pacôme, président de la COALITION des syndicats de la Fonction publique qui regroupe 19 syndicats, est la figure de proue de ce mouvement de protestation contre le projet de précompte. Il donne dans cette interview, les raisons qui fondent leur opposition.

Les signataires de la nouvelle  trêve sociale ont décidé lors d’une AG le 08 octobre  2022 octobre de précompter 3, 33 sur la prime annuelle annoncée par le chef de l’Etat. Mais vous n’êtes pas d’accord avec ce projet de précompte. Que reprochez-vous aux initiateurs de ce projet ?

Je voudrais d’abord faire une clarification qui est importante, même si mon frère et ami Gnagna Zadi tente de faire croire au gouvernement et à l’opinion en générale que nous pourfendons la trêve. Ce qui n’est pas vrai. Nous ne parlons pas de la trêve sociale. Les actions que nous sommes en train de mener ne sont pas orientées contre la trêve sociale. Seulement nous disons que nous ne sommes pas d’accord qu’un groupe de syndicat se concertent à une assemblée et décide de ponctionner la prime annuelle que le Président de la République a donnée à tous les fonctionnaires. Ces huit  syndicats au nom d’un alibi qui est le financement de la lutte syndicale, précompter ne serait-ce que 5fcfa  sur les primes de tous les fonctionnaires et agents de l’état sans leur accord préalable telle que le stipule la législation en vigueur n’est pas normal. Voilà où se situe le débat. On ne parle pas de trêve sociale. Ceux qui font ces affirmations veulent nous soumettre à la vindicte du gouvernement. Ils veulent avoir la sympathie du gouvernement pour que le gouvernement puisse les accompagner dans ce braquage des primes des fonctionnaires et agents de l’Etat.

En clair, vous insinuez que vous n’êtes pas opposés au principe du précompte, mais c’est la méthode que vous dénoncer ?

Les précomptes syndicaux se font déjà dans tous les syndicats. Si ces huit faitières ont besoin de financement pour leurs activités syndicales, qu’ils élaborent des fiches de précompte, et sensibilisent leurs militants qui vont librement contribuer au financement de leurs activités. Le faire au détriment des normes en vigueur est totalement illégal. C’est  à cette illégalité que la coalition des syndicats du secteur public s’oppose fermement.

 

Certains justifient votre grogne contre le projet de précompte parce que vous n’aviez pas été associé à la table des discussions ayant conduit à la signature de la trêve sociale. Que répondez-vous ?

Ce sont des commentaires qu’ils font. Chacun est libre de faire des commentaires. Nous pouvons leur répondre en disant que c’est parce qu’ils ont signé un accord avec le gouvernement qu’ils veulent se récompenser par exemple. Mais ce sont des commentaires. C’est subjectif. La question que nous posons est de savoir s’il est autorisé à une organisation syndicale de prélever sur les salaires des travailleurs sans leur accord préalable ?

Mais les initiateurs du projet de précompte ont dans leur agenda des rencontres avec tous les fonctionnaires et des rencontres avec les organisations syndicales opposées au projet. Si vous étiez approché, allez-vous révisez-votre position ?

Je voudrais préciser qu’ils nous ont déjà rencontrés. À cette rencontre, ils ont dit qu’ils venaient pour nous tendre la main, afin d’aller à une unité d’actions. Nous avions accepté la main tendue.

Quel est donc le problème, puisque lors de votre dernière assemblée générale extraordinaire, vous aviez préconisez cette unité d’actions ?

Ils ont précisé que cette unité d’actions doit débuter par le prélèvement des 3,33%  à l’ensemble des fonctionnaires. Ce que nous avons refusé. Nous leur avons conseillé d’ajourner le projet de prélèvement. Le temps qu’on se retrouve pour réfléchir au mécanisme d’un financement sein de l’activité syndicale en Côte d’Ivoire, qui ne tord pas le coup à la législation en vigueur. Ils peuvent donc tourner à travers toute la Côte d’Ivoire pour parler aux fonctionnaires, cela ne changera rien à notre position tant que la légalité ne sera pas respectée.

Mais il est de notoriété que les organisations syndicales en Côte d’Ivoire sont confrontées l’épineux problème de financement. Le projet de précompte est une aubaine selon les signataires de la trêve sociale de faire face à cette problématique. Leur position n’est-telle pas justifiée ?

Pour que le mouvement syndical soit fort, cela requiert l’adhésion massive des travailleurs eux-mêmes, étant entendu que le syndicalisme se fait pour les travailleurs. Personne ne peut prétendre faire le bonheur d’un groupe de travailleurs contre son gré. En matière de syndicalisme, il y a la liberté  d’adhésion. Cela veut dire que le financement d’une activité syndicale par un travailleur se fait de façon libre. Par conséquent, si nos camarades estiment qu’ils sont majoritaires, il leur suffit d’établir des fiches d’adhésion massive à remettre aux fonctionnaires  pour leur contribution libre, et le tout est joué. C’est ce qui se fait au monde. Je ne connais pas un seul Etat au monde où des syndicalistes, après avoir remporté une lutte précomptent de l’argent sur le prix de la lutte de façon unilatérale, ce n’est pas possible. Sinon nous sommes d’avis que les fonctionnaires n’accompagnent pas comme il se devait les activités syndicales.

Mais vous êtes pourtant l’un des responsables de la FESACI, l’une des centrales syndicales signataires de la trêve sociale et initiatrice du projet de précompte auquel vous êtes opposé en tant que président d’une  autre faitière des syndicats de la fonction publique.  Cela parait paradoxal. Comment justifiez-vous cela ?

Avant de répondre à votre question, revenons sur la nécessité de financer les activités syndicales en Côte d’Ivoire. Dans le groupe des 8 signataires, il y a 5 centrales syndicales qui ont voix au chapitre à la tribune du 1er mai chaque année lors de la célébration de la fête du travail. Et ces centrales reçoivent une subvention de l’état de l’ordre de 800 millions FCFA qu’ils se répartissent. Les trois autres centrales signataires de la trêve sociale ne bénéficient pas de subvention. C’est pour cela que l’idée est née de l’une de ces trois organisations, notamment la plateforme de Gnagna Zadi qui a donné l’idée d’aller précompter sur la prime de tous les fonctionnaires pour avoir sa part du gâteau. Comme ils aiment tous l’argent, les autres centrales ont validé le projet. Mais cette façon de faire n’est pas une bonne chose. Il faut que cela s’arrête. 

Revenons à la FESACI !

Oui effectivement, je suis secrétaire général  confédéral adjoint de la FESACI. Mais chez nous à la FESACI, tant qu’on ne t’a délégué pour parler en son nom, tu ne le fais pas. Donc, souffrez que je ne dise rien au sujet de cette organisation. Pour l’heure, je parle en tant que président de la COALITION des syndicats  de la fonction publique de Côte d’Ivoire, et je m’en tiens à cela. Toutefois, tout ce qui est immoral ne doit pas être accepté par un homme qui veut contribuer à construire une société basée sur des valeurs morales. Tout ce qui est tordu ne doit pas être accepté.

Soit, mais ne craignez-vous pas d’être interpellé par votre centrale (FESACI) ?

La FESACI a son mode de fonctionnement interne. C’est au nom de ce mode de fonctionnement que je ne parlerai pas puisque je n’ai encore reçu l’autorisation de le faire. Cela dit, je ne me souviens pas non plus que le SG de la FESACI ai appelé ses organisations de base à accompagner le projet de prélèvement de 3,33%. Les gens racontent des choses, mais nous attendons. Notre SG était absent du pays, il est de retour.

Si les initiateurs du projet de précompte décident de prendre en compte vos préoccupations  en allant vers la base pour solliciter leur adhésion au projet, allez-vous adhérez ?  

Bien évidemment. Si toutes les organisations décident d’un plan comment de financement de la lutte syndicale en Côte d’Ivoire, qui repose sur la légalité, la COALITION va accompagner ce plan. Si ce plan consiste à descendre sur le terrain pour sensibiliser les travailleurs, la COALITION va même prendre le lead de cette opération sur le terrain. Toute autre option sera combattue fermement par la COALITION. Nous voulons appelés nos camarades syndicalistes qui sont à un certain niveau de faire attention pour ne pas laisser un mauvais précédent à la génération qui arrive. Le syndicalisme  qui repose sur l’amour de l’argent doit être abandonné.

Réalisée par Ernest Famin

Newsletter
Inscrivez-vous à notre lettre d'information

Inscrivez-vous et recevez chaque jour via email, nos actuaités à ne pas manquer !

Veuillez activer le javascript sur cette page pour pouvoir valider le formulaire