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Dossier/ Opérations immobilières : Ces pièges qu’on vous cache

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Selon une étude réalisée par le Centre for Affordable Housing Finance in Africa, rendue publique en juin 2020, seulement 30% des Ivoiriens sont propriétaires de maison. Au regard des coûts relativement élevés des maisons proposées dans le cadre des opérations immobilières, de nombreux citoyens pourraient longtemps encore, être exclus de l’accès à un logement.

 

Bien des Ivoiriens salariés ou non, rêvent de s’offrir un logement. Pour beaucoup cependant, ce projet risque de rester au stade de rêve, en raison des coûts élevés et partant, rédhibitoires des logements proposés par les sociétés immobilières. Plusieurs d’entre elles pratiquent des prix peu accessibles au citoyen moyen, à plus forte raison, aux personnes à faibles revenus. Surfant, en effet, sur l’engagement du gouvernement de faciliter l’accès au logement au citoyen moyen, nombre d’opérateurs immobiliers ne cessent de matraquer les populations d’offres de logements. À cet effet, tous les moyens sont bons : publicité via les réseaux sociaux, affiches publicitaires placardées dans les rues, exposition à l’occasion de salons.

Le moins qu’on puisse dire, c’est que les prix que proposent ces opérateurs immobiliers ne sont pas à la portée de toutes les bourses, notamment des salariés à revenus modestes, voire de la classe moyenne. L’ex-Société ivoirienne de construction et de gestion immobilière (SICOGI) fait un appartement de deux pièces (chambre-salon) à 16 millions Fcfa dans un projet immobilier situé sur la route de Grand-Bassam. Sur le même site, elle fait un appartement de trois pièces à 25 millions F CFA et les quatre pièces à 30 000 millions F CFA. Puis, les prix s’envolent : 149 millions F CFA, 179 millions F CFA, 249 millions F CFA, pour des appartements et duplex dits de haut standing.

 

Des coûts rédhibitoires

 

Même quand l’opération est lancée dans des communes moins bien cotées comme Yopougon et Anyama, les prix demeurent élevés : 21 millions F CFA pour les trois pièces dans des immeubles construits à Yopougon Azito et 25,9 millions F CFA pour les quatre pièces. À Anyama, l’acquéreur potentiel doit débourser jusqu’à 20 millions F CFA pour un appartement de trois pièces et 23,5 millions F CFA pour quatre pièces.

Quant à SN Construction, elle vend un studio à 13,8 millions F CFA dans un projet situé à Bingerville. Pour un appartement de deux pièces, il faudra débourser 18,8 millions Fcfa contre 20,8 millions F CFA pour trois pièces et 22,8 millions F CFA pour quatre pièces. Le Fonds de Prévoyance Militaire (FPM), qui s’est lancé dans la promotion immobilière, n’a pas non plus des coûts plus accessibles. Dans un projet qu’il réalise à Cocody Angré Château, il propose des deux pièces entre 21,945 millions F CFA et 34,605 millions F CFA en fonction de la surface du logement. Les trois pièces quant à elles, vont de 35,100 millions F CFA à 49,650 millions F CFA. Quant aux quatre pièces, ils vont de 46, 930 millions F CFA à 46,930 millions F CFA, toujours en fonction de la surface occupée.

Ces prix rédhibitoires sont également pratiqués par le Bureau africain de construction (BACID). Les coûts de ses logements vont de 53 millions F CFA à 75 millions F CFA pour des villas basses de trois pièces et des duplex de quatre et cinq pièces, tous construits à Bingerville. Les maisons les moins chères, coûtent 25 millions F CFA pour trois pièces et 30 millions F CFA pour quatre pièces, construites à Yamoussoukro. On le voit donc, les prix sont peu sociaux. Aussi suscitent-ils parfois, des réactions sur la toile. « Des appartements de 26 millions F CFA pour des Ivoiriens qui n'arrivent même pas à se nourrir ? », vitupère Bérénice Souamé, en réaction à une publicité de la société immobilière Addoha, proposant des appartements de trois pièces, à bâtir à Bingerville, à 26 millions F CFA. « Voici un pays où on connaît le salaire des fonctionnaires et on vend un appartement à 26 millions F CFA. C’est une aubaine pour les narcotrafiquants et autres grands prédateurs de deniers publics de blanchir leurs butins », fulmine pour sa part, Gueu Diomandé à propos du même projet immobilier.

 

Des superficies jugées rikiki

 

Ces maisons proposées à des prix peu accessibles au citoyen moyen, sont bâties sur des superficies jugées trop petites, dont l’exiguïté suscite des réactions diverses. L’entreprise immobilière Dak Group propose un studio de 30m2 à 15 millions F CFA à Grand-Bassam, quand SN Construction vend un studio de 50 M2 à 13,8 millions F CFA. « Ah, maison de 30m2 ! Payer son terrain est mieux », grommelle Mamadou Touré, en réaction à une publicité faite par le promoteur sur les réseaux sociaux. On observe la même réalité s’agissant des deux pièces. La société Promogym vend un appartement de deux pièces de 39,99 m2, construit à Songon Kassemblé. Quant à l’ex-SICOGI, elle propose un appartement de deux pièces de 58,28 m2 à Grand-Bassam, alors que les deux pièces mises en vente par SN Construction et construites à Bingerville, font 70 m2, quand celles proposées par le Fonds de Prévoyance Militaire vont de 46,54 m2 à 73,39 m2 en fonction du coût du logement. S’agissant des trois pièces, elles ne sont pas moins exiguës ; il arrive même que leurs superficies varient bien qu’elles soient proposées par la même entreprise. Par exemple, la SICOGI vend un appartement de trois pièces de 78,70 m2 à Grand-Bassam (pour 25 millions F CFA). Quand la même entreprise construit un autre appartement de trois pièces à Yopougon Azito, la superficie passe à 73,37 m2 (pour 21 millions F CFA). Sur la route d’Anyama, l’appartement de trois pièces est bâti sur une superficie de 75,10 m2 (pour 21 millions F CFA, logement économique) ou 77,50 m2 (pour 20 millions FCFA). Avec le Fonds de Prévoyance Militaire, l’appartement de trois pièces, bâti à Cocody Angré, occupe une superficie oscillant entre 74,38 m2 et 87,45 m2 en fonction du coût ; là où la SN Construction consacre une superficie de 95m2 à un appartement de trois pièces bâti à Bingerville. Quant à Promgym, elle met en vente des trois pièces de 62,02 m2 en duplex et des appartements de trois pièces de 54,36m2 à Songon Kassemblé. Lorsque la même société réalise des trois pièces à Songon-Agban, la superficie se rétrécit, passant à 52,56 m2. Des superficies qui sont souvent décriées. « Moi-même, j’ai travaillé sur ce site, ce sont de très petites maisons qui ne valent pas vraiment 26 millions F CFA », dénonce un internaute.

 

Ces choses pas claires qui inquiètent

 

Ce qui suscite surtout des inquiétudes, ce sont ces choses floues ou claires-obscures parce que non énoncées clairement sur les affiches publicitaires ou les flyers produits par ces sociétés immobilières. D’abord, cette subtilité dans les formules vise à capter l’attention des clients et à les pousser à l’achat. C’est notamment la formule « à partir de », qui précède le prix de vente de la maison, lequel est grossi de façon à taper dans l’œil.

À la vérité, le prix précédé de la formule « à partir de » représente le coût du gros œuvre ou la maison non finie, c’est-à-dire avec bien des commodités manquantes comme le carreau, les portes et même le sanitaire. Ce n’est que lorsque l’on se rapproche de la société immobilière que l’on est mieux informé sur cette publicité trompeuse, volontairement aguichante. Cela est mieux perçu avec la promotion faite par l’entreprise Eburnea, qui met en vente, des logements sociaux à 9,9 millions F CFA. Sur ces flyers, ce qui est mis en avant comme un gros titre de journal, ce sont ces 9,9 millions F CFA. Mais, c’est sur les prospectus que l’on s’aperçoit que les 9,9 millions F CFA ne représentent, en réalité, que le prix du gros œuvre. Les prix grimpent jusqu’à 15 millions quand on passe du gros œuvre à une maison finie. Ce procédé marketing peut dérouter d’éventuels acquéreurs en les poussant à s’engager sur un projet d’apparence séduisant.

L’autre piège distillé subtilement à travers ce marketing trompeur, c’est le fait que le coût du logement affiché, finit par devenir plus élevé que celui sur lequel ont bruyamment communiqué les promoteurs. Par exemple, pour un appartement de deux pièces de 16,8 millions F CFA proposé par SN Construction, un potentiel acquéreur va se retrouver, en réalité, à payer plus de 16,8 millions F CFA. Car il doit ajouter à ce montant, les frais de dossier de 500 mille F CFA et les frais de notaire. Il pourrait se retrouver à payer autour de 19,5 millions F CFA. Même chose pour un appartement de trois pièces proposé par Promogym à 18 millions F CFA. En y incluant les frais de dossier et les frais de notaire, un potentiel acquéreur peut être amené à payer 20 millions F CFA. Une telle situation peut être dommageable pour un citoyen qui n’a prévu pour toute ressource que les 18 millions qu’est censé coûter le logement. C’est la même situation avec les quatre pièces construites à Bonoua par la société Ria immobilier et qui sont proposées à 24 millions F CFA lors de la campagne publicitaire. Mais, à la vérité, le potentiel acquéreur doit ajouter à ces 24 millions FCFA, les frais de notaire et de dossier, qui porteraient le coût final à 30 millions F CFA, voire plus. Faute d’avoir pris en compte ces « frais annexes », ses calculs peuvent être faussés et son projet immobilier compromis.

À ces pièges, on peut ajouter l’opacité entretenue autour des frais de dossier. Non seulement, le potentiel acquéreur n’en sait pas plus sur ce que prend en compte ce frais de dossier. En plus, ce fameux frais de dossier fluctue en fonction des sociétés immobilières et même chez un même opérateur immobilier. Le Fonds de Prévoyance Militaire par exemple, prend 100 mille F CFA pour frais de dossier quand BACID, lui, le fixe à 250 mille F CFA pour ses projets en cours. À la SICOGI, le frais de dossier est de 200 mille F CFA pour des maisons construites à Grand-Bassam et à 100 mille F CFA pour celles bâties à Yopougon Azito et à Anyama. À quoi répond cette fluctuation ? À la société SN Construction, le même frais de dossier est de 500 mille F CFA. À Promogym, on assiste au même yoyo sur les frais de dossier : d’un prospectus à un autre, le montant varie. Tantôt, c’est 165 mille F CFA pour les logements sociaux, 180 mille F CFA pour les logements économiques et 350 mille F CFA pour les logements moyen standing. Tantôt, c’est 525 mille F CFA ou encore 600 mille F CFA. Le même frais de dossier devient 320 mille F CFA dans la bouche d’un agent de l’entreprise. Avec cette fluctuation, à quoi s’en tenir ? Avouons qu’il y a de quoi dérouter un éventuel acquéreur et le rendre suspicieux. Cette disparité entre les frais de dossier amène à se demander si cet argent n’est pas un « faux frais » visant à plumer les potentiels acquéreurs.

 

Assane Niada

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