Société

Effondrement récurent d’immeubles : Un phénomène qui inquiète de plus en plus

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Les effondrements récurrents d’immeubles dans les grandes métropoles de la Côte d’Ivoire inquiètent de plus en plus, les populations. Surtout celles de la capitale économique, Abidjan, où on dénombre plusieurs écroulements enregistrés en l’espace de 5 ans. L’Avenir, pour comprendre cette situation, a donné la parole à des acteurs du secteur immobilier.

 

 

En octobre 2020, un immeuble de quatre étages en construction à la Cité verte de Yopougon, s’effondre et trois personnes dont un bébé, perdent la vie. Le 02 novembre suivant, un autre immeuble s’écroule à Abobo Baoulé extension dans la commune d’Abobo, faisant au moins, trois morts et plusieurs blessés. Le 1er mars 2021, toujours à Abobo, à quelques encablures du 14 e arrondissement de la police, un bâtiment en étage, cède dans la nuit de dimanche à lundi, faisant trois blessés graves. Le 13 mars de la même année, un immeuble de niveau R+4 en construction à la Riviera Anono s’effondre. On enregistre 19 victimes dont 07 morts et 12 blessés. La veille, c’est-à-dire le 12 mars, c’est la façade d’un immeuble habité à la Riviera Bonoumin (Cocody) qui se détache et fait de nombreux dégâts matériels. Le mercredi 13 juin 2021, aux environs de 12 heures, un bâtiment de trois étages en construction lâche, pendant que des ouvriers sont en pleine activité. 06 personnes parmi eux perdent la vie et une douzaine de manœuvres ont été sauvés, puis évacués d’urgence au CHR de Yamoussoukro.

Ces éboulements en cascade, avaient suscité un vent de colère sur la toile et dans des ménages, au point où le ministre de la Construction, du logement et de l’urbanisme, Bruno Nabagné Koné, avait arrêté le lundi 22 mars 2021, à l’issue d’une conférence de presse, des mesures draconiennes allant jusqu’à engager des poursuites judiciaires à l’encontre des personnes fautives. « Désormais, toutes les défaillances notées feront l’objet de sanctions y compris les défaillances chez nos agents. Tout sera mis en œuvre pour que des poursuites soient engagées contre les personnes fautives. Toute construction illégale sera l’objet de saisine du procureur et les contrevenants répondront de leurs actes devant les juridictions compétentes. C’est une sorte d’incivisme que nous connaissons dans ce secteur », avait-il martelé. Après ces menaces, une accalmie avait régné dans le secteur, laissant croire que l’écroulement d’immeubles était un lointain souvenir. Mais que non ! Dans la nuit du samedi 26 au dimanche 27 février 2022, un effondrement d’immeuble R+7 en construction est signalé à Treichville, non loin du Palais de la Culture. Le bilan est de 9 morts et 22 blessés dont certains sont dans un état grave.

 

Le ministère de la Construction brandit à nouveau, la chicote

 

11 mois après, le ministre Bruno Koné était à nouveau, le dimanche 27 février 2022 devant les tas de gravats de l’immeuble qui s’est écroulé en pleine nuit. Il a réitéré la détermination du gouvernement de faire son possible pour sécuriser le cadre bâti sur l’ensemble du pays et demandé que toute construction en milieu urbain soit supervisée par un architecte. Tout cela, en obtenant préalablement un permis de construire. « Toute construction au-delà de R+2 doit être suivie par un bureau de contrôle ou un ingénieur-conseil », a-t-il exigé.

Une source proche du ministère de la Construction, jointe par téléphone, nous a informé lundi 28 février 2022 qu’en ce qui concerne les poursuites judiciaires, il était du ressort des parents des victimes de faire les démarches pour obtenir réparation.

 

Les recommandations d’experts en immobilier

 

Les experts immobiliers ivoiriens qui partagent la souffrance de leurs compatriotes, à la suite des effondrements d’immeubles, sont d’autant plus écœurés à l’idée qu’ils soient laissés pour compte durant tout le processus de construction des bâtiments. En témoigne Maître Kadjané Théodore, expert immobilier que nous avons joint par téléphone lundi 28 février 2022. Selon ce doyen des experts immobiliers de Côte d’Ivoire, les causes qui favorisent les constructions à risque sont multiples. Cependant, il a déploré que « le souci d’économie est trop poussé dans l’achat des matériaux au minima, surtout en quantité insuffisante au point que leur malaxage n’est pas au point du dosage qu’exigent les normes. ». Aussi a-t-il plaint la compétence des ouvriers utilisés dans les constructions. « Il y a la qualité des ouvriers.  Toujours par souci d’économie, on va prendre des tâcherons qui font n’importe quoi. Ils ne connaissent pas les normes et font du bricolage. Si la qualité des matériaux et leurs mises en œuvre ne concordent pas, il y a des difficultés à ce niveau, parce que rien ne peut fonctionner par manque d’agencement », a-t-il révélé. Il a regretté que les experts immobiliers ne soient pas impliqués dans le processus de construction des bâtiments. « L’architecte conçoit l’ouvrage, mais il faut la supervision d’un expert pour la suite des travaux. On exige seulement un permis, alors que celui-ci ne donne pas tous les aspects. Il faut un suivi des travaux (les diamètres, les volumes…à respecter) parce que c’est une question de vie. Malheureusement, par souci économique, on se dit que l’expert coûte cher et on ne le consulte pas. Le bâtiment est une question de vie. Toute la journée, on est au bureau dans le bâtiment, à la maison, les visites se font dans les bâtiments. Donc, il faut construire avec les normes qui permettent à l’immeuble ou à la villa d’avoir plus de résistance », a-t-il insisté.     

 

La voix des victimes  

 

Le président de la fédération ivoirienne les Consommateurs « le Réveil » (FICR), Soumahoro Ben N’faly, également, ne décolère pas contre une situation qui semble ne pas prendre fin sitôt.

« Je suis allé jusqu’à Yamoussoukro au temps où il y avait eu un effondrement d’immeuble sur des travailleurs. En son temps, on m’a dit qu’une enquête était ouverte. Jusqu’à ce jour, on ne sait pas où se situe cette enquête. À Abidjan, il y a plusieurs immeubles qui se sont écroulés. Il est temps que les organisateurs de consommateurs et le ministère de la Construction se retrouvent autour d’une table pour diagnostiquer ensemble, les causes de ces désastres. C’est inqualifiable, c’est un crime contre l’humanité », a-t-il réagi.

De son côté, le président du collectif des victimes en côte d’ivoire (CVCI), Issiaka Diaby, a dénoncé « une situation alarmante » qu’il faut dénoncer avec force. Dans une note très salée dont L’Avenir a reçu copie mardi 1er mars 2022, cet activiste de la société civile, voit dans l’affaire, des mains corrompues. « Des habitants de la Côte d’Ivoire meurent dans ces effondrements d’immeubles sans qu’aucune mesure draconienne ne soit prise pour régler ce problème grave de sécurité publique. Le Collectif des victimes en Côte d’Ivoire (CVCI) est consterné par tant de laxisme du gouvernement face à ce drame qui devient national », a-t-il regretté. Avant d’interpeller les autorités sur l’existence d’un fléau qui favorise des malversations dans le secteur de la construction, spécifiquement dans la fabrication des fers à béton, des matériaux essentiels dans la construction des maisons. « Je veux parler de la corruption. Pour avoir intégré le secteur porteur de la fabrication de fers à béton, nous avons pu nous rendre compte que les Ivoiriens et les habitants courent un grand danger. Nous avons pu nous rendre compte que la plupart des fers à béton qui sortent des usines, sont de très mauvaise qualité et très dangereux. Je dirais qu’elles ne sont pas conformes aux normes exigées pour la construction de certaines maisons, immeubles à étages et autres édifices. Une enquête (…) chez des fabricants et des revendeurs de fers à béton nous a permis de savoir que sur 12 industriels fabricants, 6 au moins produisent ce dangereux fer à béton. Et sur 14 revendeurs et distributeurs visités lors des investigations du CVCI, tous écoulent sur le marché ivoirien, ce dangereux type de fer à béton de construction. Les Ivoiriens ne méritent pas de mourir dans des écroulements d’immeubles, parce que certaines personnes ont décidé de s’enrichir illicitement en fermant les yeux sur la prolifération d’un dangereux fer à béton sur le marché national », a-t-il dénoncé.

 

Venance Kokora

 

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