L’État de Côte d’Ivoire n’est pas sourd au cri du cœur des femmes, porté par le mouvement « Me Too ». C’est sans doute, ce qui explique les nouvelles dispositions du Code pénal, relatives au viol et au harcèlement sexuel ; lesquelles ont été adoptées le mardi 30 novembre 2021, par l’Assemblée nationale.
La société ivoirienne enregistre de plus en plus d’actes de viol, lesquels ne manquent pas de susciter l’émoi, notamment sur les réseaux sociaux. C’est sûrement pour mettre le holà ou, à tout le moins, contenir ce phénomène, que le gouvernement a décidé d’élaborer de nouvelles dispositions avec l’intention de mettre à jour, le Code pénal. Ce faisant, il traduit sa volonté de prendre en compte, les revendications portées par le mouvement « Me Too ». De fait, la notion de viol est plus clairement définie désormais dans l’article 403 nouveau. « Constitue un viol, tout acte de pénétration vaginale, anale, buccale ou de quelque nature qu’il soit, à but sexuel, imposé à autrui sans son consentement en usant d’une partie du corps humain ou d’un objet, par violence, menace, contrainte ou surprise. Constitue également un viol, tout acte de pénétration vaginale, anale, buccale ou de quelque nature qu’il soit, à but sexuel, commis sur un mineur de quinze ans ou obtenu de lui, même avec son consentement ».
La prison à vie pour viol
À travers cette définition, on note, d’une part, que la notion de viol s’applique également en cas d’usage « d’un objet » pour pénétrer un individu, aussi bien par voie « vaginale, anale » que « buccale ». Ce qui n’est pas forcément bien perçu du grand public. Par ailleurs, le « non-consentement » semble déterminant quand il s’agit d’apprécier un acte de viol, commis sur une personne majeure ou adulte. Mais la loi est plus sévère quand il s’agit de punir l’auteur d’un viol commis sur un mineur de quinze ans, puisque, dans ce cas, qu’il y ait consentement ou pas (« avec ou sans consentement », dit la loi), il y a viol dès lors qu’il y a « pénétration vaginale, anale, buccale ou de quelque nature qu’il soit (…) en usant d’une partie du corps humain ou d’un objet… ».
La loi va plus loin en soulignant que « le viol est constitué (…) quelle que soit la nature des relations existant entre l’auteur et la victime ». Autrement dit, il y a viol au sens où la notion est définie plus haut même si la personne violée est la petite amie ou le petit ami du violeur. Toutefois, le législateur a pris le soin d’indiquer qu’on ne saurait présager d’un non-consentement dans le cas où les personnes concernées sont mariées. « Toutefois, s’ils sont mariés, la présomption de consentement des époux à l’acte sexuel vaut jusqu’à preuve du contraire », nuance, en effet, le texte de loi. En clair, on ne saurait a priori parler de viol entre des conjoints, l’acte sexuel étant censé être obtenu par consentement mutuel. Mais la loi n’exclut pas totalement qu’il peut y avoir viol, faute de consentement. D’où la formule « jusqu’à preuve du contraire ».
Haro sur le harcèlement sexuel
Désormais, le viol est plus sévèrement puni. « Quiconque commet un viol est puni d’un emprisonnement de cinq à vingt ans », dispose l’article 403 nouveau. Qui corse la peine quand le viol conduit à la mort par exemple. « La peine est l’emprisonnement à vie lorsque le viol a entraîné une mutilation ou une infirmité permanente ou la mort de la victime ». Les auteurs de viol risquent donc désormais jusqu’à la prison à vie.
Comme pour prévenir le viol, la loi s’attaque aux personnes qui seraient tentées par la commission de harcèlement sexuel ou moral. À cet effet, l’article 419 existant déjà dans la loi n°2019-574 du 26 juin 2019 du Code pénal, a été retouché. Il comporte des ajouts visant, notamment à étendre la notion de harcèlement aux relations entre conjoints ou concubins ou ex-conjoints ou ex-concubins. L’article 419-2 est clair là-dessus : « Quiconque harcèle son conjoint ou son concubin par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale est puni de : 1° cinq à dix ans d’emprisonnement et de 1 000 000 à 5 000 000 de francs d’amende lorsqu’il en est résulté une incapacité totale de travail personnel pendant plus de huit jours ou ont été commis alors qu’un mineur était présent et y a assisté ;2° deux à cinq ans d’emprisonnement et de 600 0000 à 3 000 000 de francs d’amende lorsqu’il en est résulté une incapacité totale de travail personnel inférieure ou égale à huit jours ou n’ont entraîné aucune incapacité de travail… ».
Et ce qui vaut pour les conjoints vaut pour les ex-conjoints. « Les mêmes peines sont encourues lorsque cette infraction est commise par un ancien conjoint ou un ancien concubin de la victime », énonce le texte. Lequel souligne que la peine est plus salée quand le harcèlement conduit à une fin tragique. « Les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 20 000 000 de francs d’amende lorsque le harcèlement a conduit la victime à se suicider ou à tenter de se suicider ». Il y a visiblement chez le législateur, une volonté de sanctionner plus sévèrement, les auteurs de harcèlement, notamment les conjoints qui s’en rendraient coupables, ainsi que les auteurs de viol. Un état d’esprit qui n’est certainement pas étranger aux revendications féministes du mouvement « Me Too ».
Assane Niada