C’est l’une des mutuelles qui a suscité beaucoup d’espoir chez les enseignants, quand elle a été portée sur les fonts baptismaux en 2014. Elle constitue le lot le plus important des fonctionnaires en Côte d’Ivoire. Et elle l’a été jusqu’à une période récente, puisqu’elle permettait aux enseignants, singulièrement ceux du primaire d’être assurés à 100%, contrairement aux autres fonctionnaires qui le sont à hauteur de 70%. Mais, depuis quelques temps, les 65 000 membres de la Mutuelle des personnels du ministère de l’Education nationale et de l’enseignement technique de Côte d’Ivoire (MUPEMENET-CI) sont dans l’angoisse.
Un vent de malaise souffle sur la MUPEMENET-CI. Non seulement les adhérents qui sont prélevés à la source, n’arrivent pas à se soigner convenablement dans le réseau de soins, mais des bruits de mauvaise gouvernance qui accablent l’actuel conseil d’administration, viennent en rajouter à ce malaise ambiant qui secoue la mutuelle des enseignants. Au niveau de la gouvernance, des documents de première main en notre possession, révèlent que le PCA, Boko Brou Sylvestre Michaël, a installé une sorte de califat à la MUPEMENET, après avoir fait le ménage et installé un directeur exécutif qui est à ses ordres à la place d’un directeur général. Pire, nos sources rapportent que pour cette mutuelle qui concerne 65 000 fonctionnaires et qui brasse des milliards, le PCA est le seul signataire sur les chèques. Autre acte de mauvaise gouvernance qui peut choquer tout bon sens. La MUPEMENET-CI, dans le souci d’amélioration continue des prestations à l’endroit de ses mutualistes, a acquis un bâtiment de quatre niveaux à Yopougon pour en faire le Centre médical des enseignants. Et le 14 octobre 2020, jour de l’inauguration en présence de la ministre Kandia Camara, alors ministre de l’Eduction nationale, le PCA Boko Mickaël a annoncé urbi et orbi que la MUPEMENET a acquis ce bâtiment à 300 millions de Francs CFA. C’est donc un patrimoine de la mutuelle. Cependant, il se trouve que sur la base des documents que nous avons pu consulter, ce bâtiment est loin d’être la propriété de la MUPEMENET-CI. Il est loué et le loyer est régulièrement payé à hauteur de 2 millions de francs CFA par mois. Vu la gravité des faits, nous avons contacté le PCA. Absent d’Abidjan pour des raisons de famille, il nous met en contact avec l’un de ses collaborateurs. Le vendredi 19 novembre 2021, après une première entrevue, Dr Bably Bably Schiller De Lucrèce, chef du service communication de la MUPEMENET-CI, nous a fait l’amitié de nous recevoir et de dire la part de vérité de la Direction.
Un bâtiment acheté et loué ?
Sur les premières récriminations, le patron de la communication de la MUPEMENET estime qu’après avoir pris fonction, le PCA s’est donné pour mission de se mettre au service des mutualistes, d’où les réformes qu’il a entreprises avec le changement de la Direction générale en direction exécutive, avec un profil de vrai manager. Sur la question de la seule signature du PCA sur les comptes, Dr Bably a apporté des éléments de réponse. « Les gens ont l’impression que l’actuel PCA est là depuis une éternité. Il a été installé depuis le 27 juillet 2019 dans un contexte de troubles que tout le monde connait. C’est ce contexte exceptionnel de crise qui a fait qu’il avait la signature à lui seul jusqu’à un moment. Mais, cela n’a duré qu’une année et les choses se sont normalisées. Désormais, il y a trois signataires sur le compte que sont : Le PCA lui-même, l’un des vice-présidents et le Directeur exécutif ». Sur la question du Centre médical qui a été acquis et continu d’être loué, Dr Bably impute cette situation à l’ancienne équipe dirigeante. « Quand l’actuelle équipe a pris fonction, la construction de la clinique était terminée. Monsieur Boko n’était donc pas PCA quand le mode de construction et de cession de la clinique a eu lieu. Tout a été conclu avant qu’il ne soit PCA. En présence de Madame la ministre, il n’a fait qu’annoncer ce qui lui a été dit. Si le conseil d’administration de l’époque et le comité de contrôle disent que la clinique a été acquise par la MUPEMENET-CI, que peut dire celui qui venait fraichement d’être installé ? L’administration est certes, une continuité, mais j’avoue que c’est une faute de gestion qu’on ne peut pas imputer à l’actuel PCA », a-t-il tranché.
MUGEF-CI-MUPEMENET : À qui la faute ?
De tous les problèmes que vit la MUPEMENET, la dégradation de la qualité des prestations reste le problème qui préoccupe le plus les adhérents. Et sur la question, certains enseignants avec qui nous avons échangé sont très amers. Quand l’actuelle équipe a été installée, elle a développé de nouveaux produits pour lesquels les montants des prélèvements sont passés du simple au double. Malheureusement, malgré le niveau des prélèvements qui sont faits à la source, ils n’arrivent pas à se soigner. Sans nier ces dysfonctionnements, le chef du service de communication de la MUPEMENET estime que la MUGEF-CI est à la base de la mauvaise qualité des soins. « Sur la qualité des soins, nul ne peut raisonnablement imputer cette situation à l’actuelle équipe dirigeante. La MUPEMENET-CI est née dans une dynamique de complémentarité avec la MUGEF-CI. Dans les principes, la MUGEF-CI assure les fonctionnaires à 70% et la MUPEMENET-CI assure le complément de 30% qui fait qu’en fin de compte, le fonctionnaire est assuré à 100%. Ce rapport de complémentarité a fonctionné à merveille jusqu’à l’avènement de la CMU. Prenant prétexte d’un dysfonctionnement que crée l’arrimage de la MUGEF-CI à la CMU, l’actuelle équipe dirigeante de la MUGEF-CI s’autorise à créer de nouveaux produits, alors que cet arrimage ne peut aucunement être source de dysfonctionnement. La CMU a été donc l’épouvantail brandi par l’actuelle équipe de la MUGEF-CI pour se muer en commerçant, en proposant aux fonctionnaires de nouveaux produits. Dès que ces produits ont été mis en route, le rapport de complémentarité qui a toujours lié la MUPEMENET-CI à la MUGEFCI est tombé en panne », a déploré M. Bably qui ajoute que pour ne pas laisser leurs adhérents dans un tel état, la MUPEMENET a dû créer de nouveaux produits qui fonctionnent tant bien que mal. « La MUPEMENET-CI ne pouvant pas laisser ses adhérents dans le désarroi, décide de contourner la MUGEF-CI en créant des produits qui l’affranchissent de la MUGEF-CI. En novembre 2020, la MUPEMENET-CI lance donc deux nouveaux produits que sont MENET PHARMA et MENET CONFORT qui induisent un supplément de cotisation à hauteur de 5 500F. Avec MENET CONFORT, l’adhérent cotise 20 500F et avec MENET PHARMA, il cotise 10 500F. C’est vrai que tout n’est pas rose, mais nos nouveaux produits fonctionnent bien. Les difficultés auxquelles vous faites allusion, sont souvent le fait de certains de nos partenaires que sont les pharmaciens qui, sans souvent consulter sérieusement la liste de nos médicaments, font croire à nos adhérents que tel ou tel médicament ne passe pas. Il en est de même pour les examens médicaux. Ce sont là quelques difficultés que rencontrent nos adhérents qui ne sont pas du fait de la MUPEMENET-CI », a expliqué Dr Bably. En tout état de cause, il y a beaucoup de bruits ces temps-ci à la MUPEMENET-CI, mais l’équipe dirigeante actuelle qui ne nie pas ces difficultés, s’est employée à les surmonter. Réussira-t-elle ? Le temps nous le dira.
Kra Bernard
