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Interview/ Réformes universitaires : Pr Johnson Kouassi Zamina (CNEC) « Le ministre aurait dû en parler avec les enseignants »

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Adama Diawara, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, lors de la rentrée universitaire 2021-2022 à San Pedro, a annoncé des réformes du système universitaire. Pr Johnson Kouassi Zamina, porte-parole de la Coordination Nationale des Enseignants-chercheurs et Chercheurs de Côte d’Ivoire (CNEC), dans cette interview, dit ses vérités sur ces réformes.

 

Lors de la rentrée universitaire à San Pedro, le ministre de l’Enseignement Supérieur, Adama Diawara, a fait le diagnostic du système universitaire ivoirien. Êtes-vous d’accord avec ce diagnostic ?

L’État fait beaucoup, mais il doit faire davantage pour mettre l’Enseignement Supérieur, en tant qu’institution, sur des rails confortables, car depuis 1990, l’école en général, et les structures universitaires en particulier, vont dans tous les sens sans repère.

 

Le ministre a pris un ensemble de mesures pour redonner à l’Université ivoirienne, ses lettres de noblesse. Il propose dans ce sens, l’introduction des interrogations écrites, des devoirs et des examens en fin de semestre. Qu’en pensez-vous ?

Avant de proposer des interrogations écrites, des devoirs et examens semestriels, le ministre doit d’abord donner à l’Université, ses fondements naturels et sociaux.

 

Il s’agit de quoi concrètement ?

L’Université doit être le canal de lutte intellectuelle acharnée et de la recherche scientifique pour une formation des ressources humaines de qualité, au service du développement de la Côte d’Ivoire. Il faut faire de l’Université, le milieu de la socialisation des étudiants par l’esprit de compétition, de maitrise psychologique de soi, par la conquête du progrès scientifique et technologique, voire d’acquisition intellectuelle. Cela passe par une adaptation de l’Université aux réalités scientifiques et à l’avancée académique du monde. Autrement dit, les enseignants-chercheurs ont suffisamment de problèmes en Côte d’Ivoire pour prétendre corriger des milliers de copies supplémentaires, issues des interrogations écrites et devoirs qui viendraient alourdir leurs responsabilités académiques déjà très mortelles.

 

En cl        air, vous n’êtes donc pas d’accord avec ces nouvelles formes d’évaluation ?

C’est une décision ministérielle qui semble chimérique et difficile à expérimenter, avec un effectif excessivement pléthorique que les universités connaissent déjà. D’ailleurs, nous pensons que le ministre aurait dû en parler avec les enseignants, les PAT et les étudiants, avant une telle déclaration.

 

Les universités ivoiriennes ne figurent plus depuis quelques années, dans le classement des 200 meilleures universités africaines. Votre ministre veut relever le défi.  Ce chalenge est-il possible ?

Oui, c’est possible. Pourvu que le ministre effectue des transformations structurelles à la hauteur des aspirations universitaires modernes.

 

Quelles sont ces transformations structurelles ?

Il s’agit de la bonne gouvernance universitaire dont le mode opératoire pour le choix des responsables universitaires, passe par des élections crédibles et transparentes pour que l’autorité universitaire se sente redevable à ses collègues. C’est aussi la liberté académique, universitaire et syndicale pour permettre des mouvements associatifs, créatifs et dynamiques qui mettent en exergue, la responsabilité universitaire comme un indicateur social. Cela va susciter la dialectique sociétale, morale et intellectuelle, gage de la pluralité idéologique et politique dans une société dite moderne qui se démarque de la pensée unique.

Dans l’acquisition, la fixation et la transmission des connaissances, l’Université doit être le creuset des avancées scientifiques par des curricula, maquettes, programmes, calendriers et matières qui respectent l’universalité et l’adaptation aux principes universitaires modernes par l’impulsion des transformations structurelles dynamiques, innovantes, rationnelles et reformées. Le ministre doit également veiller à l’application réelle du contenu des décrets de création, d’attribution, d’organisation et de fonctionnement des centres de recherche, des instituts, des grandes écoles et des universités de Côte d’Ivoire. À ce titre, un décret ne peut être enrayé par un arrêté, une décision ou une circulaire.

Il faut impulser des lois organiques, c’est-à-dire, des lois votées par l’Assemblée Nationale de Côte d’Ivoire pour équilibrer, rationnaliser et sauvegarder les principes, les lois et les traditions universitaires déjà existantes. Améliorer celles dites caduques pour rendre les structures universitaires opérationnelles vis-à-vis du rôle à elles assigné par l’État.

 

Vous évoquez tout cela, alors qu’il y a déjà eu des concertations nationales sur l’Enseignement Supérieur en Juin 2019 

Les enseignants-chercheurs et chercheurs, le personnel administratif et technique, n’ont fait vœu de pauvreté, de stoïcisme et de mise à l’écart de la prospérité à personne. Il convient que le pays les traite à la hauteur des tâches qui sont les leurs. Ils sont sur terre, en Côte d’Ivoire, ils ne sont pas dans la stratosphère. Que l’État applique donc les recommandations des journées de la Concertation Nationale sur l’Enseignement Supérieur des 17, 18 et 19 juin 2019 au Golf Club d’Abidjan, auxquelles l’actuel ministre a participé en tant que conseiller du Premier ministre en charge des questions universitaires.     

 

Tous les acteurs ont été invités à s’engager pour l’instauration de la qualité de l’enseignement supérieur dans un esprit apaisé. Êtes-vous prêts à accompagner votre ministre dans cette dynamique, quand on sait que les acteurs syndicaux sont constamment en train de faire des grèves ?

Pour nous, il suffit d’appliquer le principe moral suivant pour que la paix soit totale dans les structures universitaires : « rendre à César, ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ». Mieux, le mérite doit être reconnu et récompensé à la hauteur de la valeur culturelle, morale, économique, intellectuelle… que nous portons dans le processus du développement du pays. 

 

Où en sommes-nous avec la question des heures complémentaires impayées qui avaient été au centre de nombreuses grèves ?

À ce niveau, nous continuons de mener des démarches avec le nouveau président de l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody qui semble nous comprendre. Dans tous les cas, nous ne baissons pas les bras. La lutte continue sous d’autres formes.

Ernest Famin

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