Une opposition en rangs très dispersés. Si l’on était dans le domaine du cinéma, c’est en ces termes que l’on pourrait résumer la situation qui prévaut actuellement au sein de l’opposition ivoirienne. Ce n’est un secret pour personne. Pour cette élection, tous comptent y participer. Le PDCI-RDA, avec son deus ex machina Tidjane Thiam, rêve enfin de revenir au pouvoir, 25 années après l’avoir perdu. L’ancien président Laurent Gbagbo, compte jouer son fameux match retour, en revenant au pouvoir après la case CPI. Pascal Affi N’Guessan, qui a gardé l’enveloppe du FPI, continue de rêver. The last, but not the least. L’ancien leader de la galaxie patriotique sous Laurent Gbagbo, qui a pris son indépendance et son destin entre ses propres mains, est sur le terrain. Lui aussi, soutient que 2025 ne se fera pas sans lui. Idem pour Simone Gbagbo, la désormais ex-épouse de Laurent Gbagbo, qui rêve d’être la première femme présidente en Côte d’Ivoire, avec son Mouvement des Générations Capables. Hormis les partis les plus en vue, des micros partis qui se reconnaissent dans l’opposition, font leur petit chemin à l’ombre de ces figures historiques de la politique en Côte d’Ivoire.
Si tous rêvent de rafler la mise au soir de la présidentielle d’octobre 2025, ils sont tous conscients d’un fait : en dehors d’une coalition forte et d’une unité inébranlable, ils ne pourront aucunement inquiéter la mastodonte RHDP. Une analyse approfondie de la réalité politique actuelle, des différentes forces en présence et du poids de chacun sur les dernières élections organisées en Côte d’Ivoire, laisse clairement entrevoir qu’il sera difficile pour l’opposition ivoirienne de gagner en 2025. Ce n’est pas une prestidigitation politique, encore moins du charlatanisme, mais une analyse factuelle de la situation politique actuelle. Prenons d’abord la meilleure alternative qui pourrait s’offrir à cette opposition pour espérer prendre le pouvoir en 2025 : se coaliser avec un candidat unique, une unité d’action et une convergence de vue contre le RHDP. À 14 mois de la présidentielle, l’on peut dire que cette hypothèse est déjà écartée. Depuis l’affaire Kando Soumahoro, le PDCI-RDA a démontré qu’en dehors de son messie Tidjane Thiam, il ne soutiendra aucun autre candidat à la présidentielle 2025 en Côte d’Ivoire. Autant dire que l’acte qui a été posé le 9 août dernier où plusieurs partis de l’opposition ont paraphé un document pour se coaliser, est une véritable mise en scène. Mieux, le conseiller spécial de Tidjane Thiam, le dimanche 25 août 2024, sur le plateau de la chaîne de télévision NCI, a déclaré que le PDCI-RDA est déjà dans un projet avec une cinquantaine de partis politiques.
Une opposition en rangs très dispersés…
À côté du PDCI-RDA, l’ancien président Laurent Gbagbo, qui est resté égal à lui-même, ne compte pas se mettre à la remorque de quelqu’un pour 2025. Le 14 juillet 2024, il a lancé un appel à toute l’opposition, à l’effet de venir se joindre à lui pour chasser le régime RHDP du pouvoir. Le disant, Gbagbo a une idée claire et précise : s’il doit avoir un candidat pour cette opposition, c’est bien lui. C’est pourquoi, dans son appel, il a été suffisamment clair : « J’ouvre les bras. Tous ceux qui veulent un rassemblement politique clair et sain pour battre ce gouvernement en 2025, sont les bienvenus. J’ouvre mes bras et j’appelle mes collaborateurs à accepter de discuter avec tous ceux qui veulent nous rejoindre dans ce combat ». À la lumière de cet appel, Gbagbo laisse clairement transparaître que s’il doit avoir un candidat de l’opposition en 2025, c’est bien lui. Pour cela, ses collaborateurs dont il a parlé, avec à leur tête, le professeur Sébastien Dano Djédjé, sont sur le terrain pour ‘‘vendre’’ cet appel aux partis de l’opposition. Son ancienne épouse Simone Gbagbo a donné un oui diplomatique, mais il ne faut pas se leurrer. Avec tout ce qui s’est passé au retour de Gbagbo de la CPI et les circonstances de la création de son propre parti, il sera difficile, voire impossible, pour Simone Gbagbo d’aller offrir ses services à son ancien époux qui aura à ses côtés, Nady Bamba, pour une quelconque cause politique. D’ailleurs, Simone Gbagbo a entrepris une initiative de rassembler tous les frustrés de l’ancien système Gbagbo autour d’elle, à savoir, Affi N’Guessan, Blé Goudé et tous les autres frustrés de l’ex-Refondation.
Sur le même appel de Bonoua, Blé Goudé et son parti, le COJEP, ont déjà annoncé une fin de non-recevoir. Pour prouver qu’il ne peut plus soutenir Gbagbo, Blé Goudé a lancé l’appel de Bondoukou qui est en quelque sorte, le contre-pied de l’appel de Bonoua. Dans tous les cas de figure, s’il est impossible pour l’opposition de se mettre ensemble pour 2025, chacun devra alors compter sur ses propres forces. Sur ce point également, pris individuellement ou collectivement, toute l’opposition ivoirienne ne peut aucunement inquiéter le RHDP en 2025. Les résultats des dernières élections locales sont assez éloquents sur la question. Au cours de ce double scrutin, le RHDP a obtenu 1 745 450 voix, soit 64,27%, le PDCI-RDA : 392 281 voix, soit 14,01%, le PPA-CI : 139 450 voix, soit 4,98%, la coalition PPA-CI – PDCI : 159 904 voix, soit 5,71% et les indépendants : 192 000 voix, soit 6,92%. Le cumul des voix du PDCI-RDA, du PPA-CI et de la coalition PDCI-PPA donne un score de 25,63% des voix. Sur la base de ces résultats, si donc par extraordinaire, toute l’opposition parvient à réussir l’impossible en allant unie à la présidentielle 2025, son poids politique réel qui est de 25% du corps électoral, ne lui permettra pas d’inquiéter le RHDP. La politique, ce n’est pas des incantations, encore moins des appels improductifs. Seules la cohésion interne, la discipline des militants et surtout, l’occupation du terrain, permettent de gagner une élection. Et ça, l’opposition ivoirienne l’apprendra à ses dépens en 2025.
Kra Bernard