L’ex-président de la République, Laurent Gbagbo, a annoncé, au cours d’un comité central, ce lundi 9 août 2021 au Palais de la culture de Treichville, la création d’un nouveau parti politique. Le communiqué pondu à l’issue de ce comité central est on ne peut plus explicite : « Le Président Laurent Gbagbo a pris acte de la volonté et de l’obstination de Monsieur Affi N’guessan de prendre en otage le Front Populaire Ivoirien, foulant ainsi au pied les années de sacrifice des militantes et militants du Parti. Le Président Laurent Gbagbo n’entend pas s’engager dans une bataille juridique avec Monsieur Affi N’guessan. Dès cet instant, il a proposé au Comité Central, la création d’un nouvel instrument de lutte conforme à notre idéologie et nos ambitions. Il a demandé au Comité Central d’autoriser la mise en place d’un comité de préparation du Congrès Constitutif ».
Qu’on ne s’y méprenne, Laurent Gbagbo ne vise pas spécifiquement Pascal Affi N’guessan. Il sait qu’Affi ne pèse quasiment rien et qu’il lui suffit, lui Gbagbo, d’engager des discussions avec ce dernier pour récupérer son parti. D’ailleurs, c’est ce qu’Affi attend depuis longtemps. Gbagbo a une cible plus grande, plus coriace : Simone Ehivet, son épouse. Récupérer le Fpi équivaut à cheminer avec elle. C’est justement ce qu’il ne veut pas. Lui qui a entamé la ‘’deSimonisation’’ de sa vie, en abandonnant l’obédience évangélique de la religion chrétienne dans laquelle milite Simone au profit des catholiques. En abandonnant aussi le domicile conjugal pour la résidence de seconde épouse. Gbagbo sait, par ailleurs, que dans la nomenclature du Fpi, Simone Gbagbo est la deuxième vice-présidente. Et quel que soit le congrès qui sera organisé dans un processus de réunification du parti, elle sera au sommet, parce que membre fondateur et combattante politique. C’est donc risqué pour Gbagbo de récupérer le Fpi sans Simone. En fin tacticien, il fait d’une pierre deux coups. Il se débarrasse d’un Affi devenu trop gourmand, et liquide au passage une Simone Gbagbo avec laquelle il est en instance de divorce.
« Virginité politique »
La seconde raison d’une telle décision est la virginité politique que veut se donner l’ancien chef d’Etat. Gbagbo ne fait pas que tourner la page Affi et Simone. Il ferme l’histoire d’un parti perçu, dans l’esprit d’une partie de la population, comme ‘’ivoiritaire et sanguinaire’’. Le nom du Fpi est généralement associé à ‘’des crimes de sang et son corollaire de rébellion armée’’. Il est également associé à ‘’des assassinats de journalistes (Jean-Hélène, Guy André Kieffer)’’, ‘’d’opposants (Gueï Robert et sa famille, Tehe Emile, Camara Yèrèfè H…)’’, au ‘’charnier de Yopougon’’, aux ‘’escadrons de la mort’’. Et plus récemment, les violences consécutives au mot d’ordre de désobéissance civile. Les militants du Fpi sont ceux qui se sont le plus illustrés par des casses, meurtres et autres destructions de biens publics et privés. D’où l’empressement de Gbagbo pour aller voir le président de la République, Alassane Ouattara, pour solliciter leur libération. C’est tout ce passif que Laurent Gbagbo veut gommer, pour repartir du bon pied. Le nouveau parti, dans sa vision, devra rassembler au-delà du centre-ouest, justement comme le Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (Rhdp). Conscient que les partis traditionnels ont montré leur limite, l’ancien numéro un espère bâtir un instrument politique qui intègre le rassemblement avec un discours nouveau.
Le pari est donc risqué pour celui qui a gouverné la Côte d’Ivoire d’octobre 2000 à novembre 2010. En effet, en quittant le Fpi, Gbagbo ne part pas seul. Il embarque ‘’ses nationalistes’’, qui ont forgé le discours identitaire pendant les 10 années qu’il a passées au pouvoir. Il aura beau changé de nom, de logo et de textes, tant que ses ‘’idéologues nationalistes’’ seront autour de lui, l’ancien président n’aura résolu que des problèmes de personnes, en l’occurrence, Simone et Affi. Pourra-t-il aller plus loin dans sa vision ? Pourra-t-il discipliner ses faucons et bâtir un parti véritablement rassembleur ? L’avenir nous le dira.
Y.DOUMBIA
