Politique

Eligibilité et respect des décisions de justice: Après Ousmane Sonko, la leçon de Jacob Zuma à Gbagbo

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Laurent Gbagbo gagnerait à prendre exemple sur l’ancien président sud-africain Jacob Zuma (avec les photos de Gbagbo et Jacob Zuma). (Ph : DR
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Le jeune parti fondé par l’ancien président sud-africain Jacob Zuma, a fait bonne figure aux élections législatives qui se sont tenues le 29 mai 2024. Pourtant, son leader en a été écarté suite à une décision de justice tout comme l’a été Ousmane Sonko au Sénégal. C’est là une leçon pour l’ancien chef de l’Etat, Laurent Gbagbo.

Privé de la possibilité de se présenter aux élections législatives du 29 mai dernier, Jacob Zuma n’a pas choisi de priver son parti de l’opportunité de faire son entrée dans le Parlement sud-africain en boycottant ce scrutin. Mieux, il n’a pas opté pour une posture consistant à mettre le pays à feu et à sang pour avoir été écarté par une décision de justice de ces législatives auxquelles il entendait participer en tant que tête de liste de sa formation politique, l’uMkhonto We Sizwe, plus connu sous l’acronyme MK. Tout comme au Sénégal, Ousmane Sonko, leader des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l'éthique et la fraternité (PASTEF), sous le coup d’une condamnation s’est plié aux décisions de la justice de son pays et a préféré engager son lieutenant Diomaye Faye dans la course présidentielle. Résultat, Diomaye Faye est aujourd’hui président de la République du Sénégal. En faisant le choix du respect des décisions de justice plutôt que de verser dans la surenchère, Ousmane Sonko et l’ancien président sud-africain viennent de faire une grande leçon de citoyenneté et de démocratie à Laurent Gbagbo. Mais des deux acteurs politiques, il importe que l’on s’attarde sur le cas de Jacob Zuma pour sa proximité politique et idéologique avec les panafricanistes des lagunes.  

Le MK fait sensation 6 mois après sa création

Ses ambitions de revenir au-devant de la scène politique en passant par le Parlement ont été stoppées par l’arrêt de la Cour constitutionnelle de son pays, tombée quelques jours avant la tenue du scrutin. Cette décision venait confirmer sa mise à l’écart par la Commission électorale sud-africaine en raison d’une décision de justice l’ayant condamné à 15 mois de prison pour outrage à la justice, en l’occurrence, pour avoir refusé de se présenter devant la commission anticorruption.  

Selon, la Cour constitutionnelle, « il n'est pas éligible et ne remplit pas les conditions pour être membre de l'Assemblée nationale, et ce jusqu'à cinq ans après la fin de sa peine ». Malgré ce coup de massue, Jacob Zuma a décidé d’engager son jeune parti dans ce scrutin. Une décision bien avisée au regard du bon score obtenu par le MK à cette élection : 14,6% des sièges ! Porté sur les fonts baptismaux il y a seulement six mois, le parti de Jacob Zuma, par ce résultat, se positionne comme la troisième force politique derrière le Congrès national africain (ANC) de Cyril Ramaphosa (40,2%) et l’Alliance Démocratique (DA, 22%). Au dire de plusieurs observateurs et analystes, ce résultat glané par Jacob Zuma et son parti a contribué à faire perdre sa majorité au parti au pouvoir, l’ANC. Et partant, devrait mettre en difficulté le président en exercice Cyril Ramaphosa. 

Gbagbo condamné comme Zuma

Si le leader du MK avait choisi de boycotter ce scrutin ou, plus grave, d’engager l’épreuve de force en poussant ses partisans à la rue, parce qu’empêché d’être candidat par une décision de justice, son parti n’aurait sans doute pas fait une telle moisson. Voilà qui devrait inspirer le président du Parti des peuples africains Côte d’Ivoire (PPA-CI), Laurent Gbagbo qui, comme Jacob Zuma, est frappé par une décision de justice, qui le rend, à ce jour, inéligible à la prochaine élection présidentielle de 2025. En effet, l’ancien chef de l’Etat a été condamné à 20 ans de prison pour braquage de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) au plus fort de la crise postélectorale de 2010. Une peine qui a été assortie de la perte de ses droits civiques. Ce qui a conduit la Commission électorale indépendante (CEI) à le radier de la liste électorale conformément aux termes du code électoral, qui rend inéligible toute personne ayant perdu ses droits civiques suite à une décision de justice définitive.

Depuis, Laurent Gbagbo s’est dit décidé à se battre pour que soit rapportée cette décision qui, dit-il, salit son nom. A sa suite, ses partisans se disent déterminés à faire en sorte que s’il soit réinscrit sur la liste électorale et, partant, soit candidat à l’élection présidentielle de 2025. A cet effet, ils lui ont proposé de défendre les couleurs de leur parti, le PPA-CI, à ce scrutin. Ce qu’il a accepté à l’occasion de la convention organisée par ce parti, le 10 mai 2024.

Dans une logique de confrontation

En acceptant d’être officiellement candidat de son parti alors qu’il est frappé par une décision de justice qui le rend inéligible, l’ancien chef de l’Etat semble s’inscrire dans une logique de confrontation. Ses partisans semblent être préparés à prendre la rue, le moment venu, pour espérer arracher une solution politique sous la forme d’une amnistie, qui viendra effacer les faits pour lesquels l’ancien chef de l’Etat a été condamné. Et lui offrir l’ultime chance d’être remis dans le processus électoral devant conduire à l’élection présidentielle de 2025.

Là où Jacob Zuma a fait profil bas et fait passer l’intérêt de son parti avant les siens propres en acceptant que le MK participe aux législatives dont lui-même a pourtant été exclu, Laurent Gbagbo, lui, semble opter pour le bras de fer. Une posture jusqu’au-boutiste qui risque pourtant de plonger le pays dans une nouvelle spirale de la violence. Il faut donc souhaiter que la sagesse du leader zulu habite le président du PPA-CI afin qu’il consente à se soumettre à la décision de justice qui l’exclut de la course à la prochaine présidentielle, lui qui se targue d’être un démocrate et donc quelqu’un de légaliste.

 

Assane Niada

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