Politique

Mamadou Ouattara, maire de Diawala « Nous ne devons pas faire le lit des djihadistes »

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Dans l’extrême Nord de la Côte d’Ivoire, les populations des villages de Diawala et de Niellé, se sont violemment affrontées, faisant de nombreux blessés. À l’origine du conflit, une affaire de limite. Dans cette interview accordée à L’Avenir ce mardi 28 juin 2021, le Maire de la commune de Diawala explique les causes de ce conflit et en appelle à l’apaisement.

  • Le week-end dernier, les populations se sont affrontées dans votre circonscription, faisant des blessés et de nombreux déplacés dans la ville de Diawala. Pouvez-vous expliquer ce qui s’est vraiment passé ?

J’avoue que nous avons été tous surpris par ces violences. Elles se sont déroulées dans le village de Satolo, à environ 7 kilomètres de Diawala.  Les vendredi 25 et samedi 26 juin 2021, c’était grave. Nous savons à quel point la manipulation peut détruire. Selon ce qui nous a été rapporté, tous ceux qui étaient dans les campements ont dû fuir le dimanche 27 juin. Tous les villageois qui vivaient dans la zone ont également fui pour se réfugier dans la ville de Diawala. Nous avons dénombré 6 victimes ligotées, frappées et ramenées à Niellé par les dozos  le vendredi, premier jour des événements. Le lendemain,  samedi 26 juin,  4 autres personnes ont été également  ligotées, frappées et ramenées à Niellé, occasionnant un affrontement  entre les dozos  de Niellé et  à quelques jeunes non armés de Diawala, partis pour secourir les 4 personnes séquestrées. A l’issu de cet affrontement on de nombres 7 victimes du côté de Diawala .

  • Qu’est-ce qui a pu conduire ces populations à l’affrontement ?

Il s’agit d’un conflit de limite entre les circonscriptions de Diawala et de Niellé. Ce qui est arrivé le week-end dernier n’était pas nouveau. Depuis 2017, ce problème était latent entre les populations des deux localités.

Les deux sous-préfectures se disputent 7 campements de cette zone de leur frontière commune. Il s’agit de Walouavogo, Satolo, N’gounvogo, N’gounougovogo, Flapévogo, Lotchinningin et Klobévogo. Ce sont ces campements  qui sont concernés par ce litige entre les sous-préfectures voisines. Ils sont installés sur les terres de Diawala et se réclament de la sous-préfecture de Niellé.

Tout a commencé quand l’Etat a décidé de l’application du Zoning. Chaque Sous-préfecture devrait être encadré par une société cotonnière ainsi la Sous-préfecture de Diawala a été affecté à la SECO et la Sous-préfecture de Niellé à IVOIRE-COTON. Certaines populations de ces 7 campements se trouvant dans la Sous-préfecture de Diawala ont refusé de se faire encadrer par la SECO,  Malgré leur interpellation par les propriétaires terriens.

En 2020, j’ai demandé et obtenu un forage du Ministre, Président du Conseil Régional du Tchologo  que j »ai voulu réaliser à Satolo  l’un de ces villages qui est situé à 7 kilomètres de Diawala, donc dans la commune. Lorsque nous sommes partis pour l’installation du forage, les populations de Satolo, se réclamant de Niellé, sont sorties pour s’opposer à la réalisation de ce projet. Selon elles, l’installation de ce forage par la Mairie de Diawala faisait d’elles, des populations sous la coupole de Diawala.  Je leur ai dit que je suis un agent de développement qui est venu leur apporter le bien-être. Et que si cela ne les intéresse pas, il ya d’autres villages qui sont dans le besoin.

Je suis donc allé le faire l’école primaire de Djélisso un  village de Diawala .  Un jour, l’on m’informe que le village de Satolo était en train de recevoir un forage, construit par des gens venus de Niellé. Et que ces travaux allaient être arrêtés par les populations qui se réclament de Diawala. On a évité le pire ce jour-là. C’était en 2020.

Vous savez, le Maire ne s’occupe pas de problème de terre. C’est un agent de développement et tous ceux qui s’occupent de ce problème chez nous, sont les chefs de village et les propriétaires terriens.

Quand le problème a été remonté aux Sous-préfets des deux localités, un comité composé de représentants de Niéllé et de Diawala a été mis en place. Après plusieurs réunions de ce comité, les parties sont restées sur leur position. Au final, le problème a été confié au Préfet du département de Ouangolo, parce que la tension devenait forte entre les deux parties.

  • Et qu’a fait le préfet pour résoudre le problème ?

Le préfet a fait son travail. Il est allé à Abidjan pour tirer à la BNETD les cartes administratives des deux Sous-préfectures conformément à leur décret de création et leurs villages de rattachement.    Et après avoir investigué, il a réuni les représentants des deux sous-préfectures à Ouangolo pour rendre ses conclusions. Sur les 7 villages disputés, 6 sont confirmés appartenant à la Sous-préfecture de Diawala. C’est cette conclusion qui a été tout de suite contestée  par les représentants de Niellé. Il est à rappeler que c’est depuis 1961 que Diawala  a été érigé en Sous-préfecture bien avant Ouangolo et Niellé. Le décret de création existe auprès des  Autorités.  Mais malheureusement pour des raisons que nous ignorons, la Sous-préfecture de Diawala a été transférée à Ouangolodougou.  Une semaine après cette conclusion, c’est-à-dire le week-end dernier, les 25-26-et 27 juin 2021, les populations considérées comme ressortissantes de Diawala ont été prises à partie dans ces campements par les populations de Niellé.

  • Quelle est la situation aujourd’hui sur le terrain ?

Le samedi après les affrontements, le Préfet s’est rendu sur les lieux  des évènements, accompagné du 4eme adjoints au maire Diawala et du commandant de brigade de ouangolo  et ensuite à Niellé pour rencontrer les populations. Le dimanche, le préfet est venu rencontrer les populations de Diawala durant toute la journée. Au cours de cette même journée, plusieurs situations se sont présentées créant ainsi la psychose au sein des populations. Par ailleurs, le chef de canton de Kong a été dépêché par le Ministre d’Etat, ministre de la défense pour parler aux populations des deux Sous-préfectures en conflit, afin de ramener le calme.

En définitif, les forces de l’ordre y ont été déployées. Et depuis, ce contingent veille à ce que la situation ne dégénère pas. Aujourd’hui, je peux dire que le calme est revenu.

Mais, nous sommes en saison pluvieuse. C’est la période des travaux champêtres. Aujourd’hui, les gens ont peur d’aller aux champs. Beaucoup ont perdu leurs bœufs, leurs charrues et leurs instruments de travail. Je ne doute pas que ces violences impacteront négativement les prochaines récoltes. Et cela va déboucher forcément sur des cas sociaux. C’est pourquoi, nous souhaitons que toutes les parties acceptent la décision du préfet et enterrent cette querelle qui a trop duré.

  • Comprenez-vous les populations de l’autre sous-préfecture qui contestent les limites administratives ?

C’est le préfet qui est l’autorité suprême dans le département. Et, c’est lui qui est venu confirmer ces limites qui ne datent pas de maintenant. Nous ne comprenons pas pourquoi on peut arriver à contester un découpage administratif qui remonte loin dans le passé. Mais, je ne suis qu’un maire. Et je ne peux que me conformer à la décision du préfet. J’invite toutes les parties à en faire de même. Comme je le dis, cette région est une famille. Nous sommes tous des frères. Il existe des liens ancestraux entre Diawala et Niellé. Et, nous devrons tout faire pour les préserver. C’est même une honte pour nous de voir qu’entre Diawala et Niellé, on en arrive aux mains et pire, aux armes. Depuis que ces violences ont éclaté, je ne fais qu’appeler à la retenue. Nous devons surtout aider les autorités à faire leur travail. Dieu merci, le préfet a le dossier en main. N’oublions pas que nous avons des défis sécuritaires à relever dans notre région. N’en rajoutons pas à leur travail.

  • Quand vous parlez de défis sécuritaires, faites-vous allusion au terrorisme ?

Tout à fait. C’est justement ce que nous déplorons. Nous devons aider le ministre d’État, ministre de la Défense, qui a pris à cœur le développement de toute cette zone, à poursuivre son travail avec sérénité. Nous devons tout faire pour ne pas fragiliser notre région par ces conflits qui, de mon point de vue, devraient être réglés depuis que le préfet a tranché. Nous ne devons pas faire le lit des djihadistes qui profitent toujours de ce genre de conflits intercommunautaires. N’oublions pas le proverbe africain qui dit ceci : « C’est quand le mur se lézarde que les cafards y entrent facilement ». C’est l’occasion pour moi de présenter, au nom des populations, nos excuses au ministre d’État, ministre de la Défense, Téné Birahima OUATTARA  et à Adama DIAWARA ,  Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique.

  • Pensez-vous que le verdict du préfet peut contribuer à ramener le calme ?

Je l’espère bien. Vous savez, cette affaire de limite entre deux villages est un détail dans la vie des hommes. Nous devons tous nous engager dans l’amélioration des conditions de vie des populations. C’est le plus important. Quand il y a palabre, cela veut dire qu’il y a incompréhension. Et quand l’incompréhension est levée, la vie reprend son cours normal. C’est ce que je souhaite pour les populations de Diawala et de Niellé.

  • Avez-vous contacté des cadres de Niellé ?

Le préfet a le dossier en main. Nous essayons depuis, de calmer nos populations. Le périmètre communal s’étend sur 7 à 10 kilomètres du chef-lieu. Le village de Satolo est situé à 7 kilomètres de Diawala.  Aujourd’hui, les villages ont atteint de grandes dimensions et ont besoin d’avoir accès aux infrastructures de base. Quand nous menons un projet de développement dans ces villages et que nous butons sur ce type de considérations, cela freine forcément le développement. En principe, il ne devrait pas avoir de problème de ressort territorial quand il s’agit d’apporter des actions de développement.

  • Quel message adressez-vous aux populations ?

Que les violences cessent et que personne ne réponde aux provocations. Il faut également que toutes les populations des deux localités acceptent la décision de l’autorité. Nous lui avons confié le problème. Il faut lui permettre de travailler dans la sérénité. J’en appelle au calme.

 

La Rédaction

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