Hier, défenseurs intraitables du respect de la loi, notamment de la Constitution, les partisans de Laurent Gbagbo sont aujourd’hui, vent debout contre la décision de la CEI de tirer les conséquences d’une décision de justice en radiant l’ex-chef de l’État de la liste électorale. À peine informés de ce que celui-ci ne figure pas sur la toute dernière version de la liste électorale, les responsables de son nouveau parti, le Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI), sont entrés dans une colère noire. Ils ont aussitôt claqué la porte en se retirant de la rencontre à laquelle la CEI avait convié les partis politiques pour leur présenter la liste électorale. « Un ancien président de la République, qui ne peut même pas être électeur, cela nous rend tristes et nous trouvons cela injuste (…) », a pesté Sébastien Dano Djédjé.
Puis, l’ancien ministre de la Réconciliation de se faire menaçant : « Quand c’est comme ça, ça remet en cause, la crédibilité de la Commission électorale indépendante. Par conséquent, le processus électoral lui-même perd de sa crédibilité et cela va certainement avoir un impact sur la cohésion sociale, sur la paix durable que nous recherchons dans ce pays ». Dans les instants qui ont suivi, le PPA-CI a animé une conférence de presse au cours de laquelle, par la voix de son porte-parole, Justin Koné Katinan, il s’est dressé contre la radiation de son mentor de la liste électorale. Et partant, a rejeté l’option prise par le président de la CEI, le magistrat Coulibaly Kuibiert, de tirer les conséquences d’une décision de justice qui frappe l’ex-Président. Au dire de Katinan, le PPA-CI « juge inacceptable (la décision de radiation de Gbagbo de la liste électorale, NDLR) et il ne l’acceptera pas ! ». Et Katinan de marteler sur un ton menaçant : « (Le PPA-CI) exige le rétablissement immédiat du droit de vote du Président Laurent Gbagbo en l’inscrivant sur la liste électorale conformément à la décision de la Cour africaine des droits de l’homme du 25 septembre 2020 ! (…)
Informe ses militants et militantes, sympathisants et sympathisantes et l’ensemble de la population, que les instances du parti vont se réunir incessamment pour dégager des actions en guise de réponse à cette provocation ! ».
Voilà donc les pro-Gbagbo aujourd’hui, furax, parce que la CEI invoque le respect de la loi pour justifier la décision de radiation de leur leader. Or, c’est eux qui, hier, obligeaient presque les autres à se conformer à la loi, notamment à la sacro-sainte loi fondamentale. Dura lex sed lex, aimaient-ils à claironner. Aujourd’hui, frappés par une mesure consécutive à l’application d’une décision de justice, ils appellent à renverser la table et certainement à bien pire. Et pourtant, à en croire le président de la CEI, la décision de radier l’ancien Président Gbagbo de la liste électorale, s’explique par le fait que celui-ci a été déchu de ses droits civils et politiques, suite à sa condamnation à 20 ans de prison dans l’affaire du braquage de la BCEAO lors de la crise postélectorale. « Le président Laurent Gbagbo n’a jamais été condamné par contumace (…) Il a été condamné par défaut. Il est poursuivi pour des faits délictueux de vol en réunion à main armée avec effraction. Finalement, il y a eu requalification. Il s’est rendu complice de ces faits », a expliqué le président de la CEI.
Lequel a ajouté : « Ce n’est pas en 2022 que le président Gbagbo n’est pas sur la liste électorale, c’est depuis 2020. Et les causes qui ont justifié la radiation du président Gbagbo demeurent. Donc, on n’a pas besoin d’être un medium pour savoir qu’il ne sera pas sur la liste électorale de 2022 (…) Il viendra s’inscrire mille fois, mille fois, il ne pourra pas être sur la liste électorale, parce que le motif pour lequel il n’est pas sur la liste est la déchéance et non l’inscription. Donc, on n’a pas violé de délibération », s’est-il expliqué.
Des propos qu’il a étayés de textes de loi, notamment l’article 4 du code électoral et l’article 560 du code pénal. « Nous examinons les décisions qui nous sont données par le ministère de la Justice et nous apprécions le caractère irrévocable de ces décisions et c’est fort de cela que nous radions les personnes de la liste (…) L’acte que nous allons poser est tellement grave, de radier quelqu’un de la liste électorale, c’est pourquoi, il faut qu’on s’entoure de toutes les garanties légales… », a encore soutenu le président de la CEI.
Assane Niada