On assiste en Côte d’Ivoire, à une floraison de clubs de soutien à des candidats à l’approche d’élections. Qu’elles fussent présidentielles, régionales, législatives, municipales ou autres, la remarque est la même. C’est un fait qui a commencé malheureusement ou heureusement, à entrer dans les habitudes des Ivoiriens. La démarche n’est pas mauvaise en soi. En ce sens que soutenir un candidat engagé à un scrutin au vu de la pertinence de ses idées ou de son projet de société est un acte noble. Seulement, ce qui saute aux yeux, est que l’on remarque qu’il y a des clubs qui œuvrent effectivement à accompagner des candidats dans leur quête de se faire élire, et d’autres qui n’agissent que pour se faire de l’argent.
Il y a des clubs de conviction…
Il y a des clubs de soutien à des candidats en course aux élections qui naissent sur la base de conviction placée par les promoteurs en ces derniers. Autrement dit, ils créent ces clubs de soutien parce qu’ils ont une dose de conviction aux idéaux prônées par ces leaders politiques ou autres personnes. Ces promoteurs placent une certaine foi, un espoir en l’idéologie ou aux valeurs prônées par ceux qu’ils suivent. De ce fait, ils sont alors prêts à aller au charbon avec leurs leaders pour leur triomphe. Comme on le dit dans le jargon du football, ils sont disposés à « mouiller le maillot » pour ceux sur qui leur choix s’est porté. La création des clubs de soutien de ces personnes part généralement du moment où celles-ci commencent à parler de leur projet, et qu’elles manifestent leur envie de briguer un poste électif. Quelquefois, ces « fans » suscitent la candidature de leur leader politique s’il est hésitant. Ils le motivent à présenter sa candidature. Non seulement, ils l’accompagnent avant la campagne, mais ils sont plus en mouvement au cours de la campagne.
Après la campagne, en cas de victoire ou pas, ils continuent de fonctionner. Ils continuent à faire ce pourquoi ils se sont engagés. Cela pour dire qu’ils ne sont pas là juste pour les élections, mais pour accompagner leurs leaders sur le long terme. Ces promoteurs ne mettent pas en avant, l’argent qu’ils pourraient gagner en menant cette activité, qui, du reste, est basée sur le bénévolat. Mais plutôt sur leur conviction aux idéaux des personnes qui les ont convaincues. Malheureusement, peu nombreux sont ceux qui agissent de cette façon. À la vérité, la plupart des personnes qui créent des clubs de soutien pour des candidats engagés pour des élections, ne viennent pas par conviction, mais pour se mettre plein les poches.
Plusieurs personnes sont venues à créer des clubs de soutien pour des gens, rien que pour leur soutirer des sous. En leur faisant croire pourtant, qu’elles vont œuvrer à promouvoir leur idéologie, leurs œuvres ou leurs projets de société. Ce n’est pas tant qu’ils n’agissent pas à faire ce qu’ils ont promis, mais leurs actes sont intéressés. C’est ce qu’ils vont gagner au bout du compte qui les préoccupe le plus. C’est malheureusement de cette façon que plusieurs, soit disant promoteurs de clubs de soutien aux hommes engagés pour des élections agissent. Ils créent ces clubs de soutien pour se faire des sous. Rien de plus. Dans la forme, ils prétendent travailler à promouvoir un homme ou une idéologie que celui-ci défend. Mais dans le fond, c’est l’argent qu’ils recherchent. On peut affirmer comme la méga star ivoirienne de reggae Tiken Jah Fakoly, que ceux qui agissent de la sorte, sont des adeptes de la « mangercratie », un terme pour faire allusion à ceux qui créent des structures de soutien, rien que pour se remplir les poches.
La ‘‘mangercratie, rien que la ‘‘mangercratie !’’
Le titre de cette chanson qui a propulsé la carrière de Tiken Jah Facoly, est assez révélateur de ce qui se passe autour des leaders politiques, surtout à l’approche des compétions électorales. Ici, c’est qui tombe dans la poche qui compte, la conviction, si elle existe vraiment, vient en seconde position. Sur cette question, le cas de l’ancien président Laurent Gbagbo suffit pour illustrer la logique des mouvements et clubs de soutiens qui se créent autour des leaders politiques. Aussi vraisemblable que cela puisse paraître, le confrère L’expression avait écrit dans une publication parue le mardi 29 décembre 2009 : « Au cours d’un forum littéraire, un panéliste a révélé que Laurent Gbagbo totalise, à lui seul, 817 clubs de soutien ! ». Parmi ceux-ci, l’on peut mentionner au nombre des plus en vue, le Mouvement J’aime Gbagbo (Mjg) de Touré Al Moustapha, 2 millions de filles pour Gbagbo d’Henriette Adjoua Lagou, le Cap Unir pour la réélection de Laurent Gbagbo (Urlg) de Gervais Coulibaly. Le milieu artistique n’a pas échappé au phénomène.
On note parmi les clubs de soutien à Gbagbo, entre autres, les « All stars pour Gbagbo » d’Angelo Kabila, les Artistes associés pour Gbagbo (2Ag) avec Bailly Spinto, l’Association des artistes baoulé pour Gbagbo (Assaba) de feue Tantie Oussou. Mais pendant la crise post-électorale, ces 817 mouvements et clubs de soutien sont ‘‘rentrés en brousse’’, comme on le dit dans le jargon ivoirien. Certains comme feu Elie Hallassou et Evariste Yakeu ont même fait un revirement à 180°. Le premier du Libanais de Gbagbo était devenu le Libanais de Ouattara. Le second, quant à lui, a déposé ses valises dans la cour de feu Amadou Soumahoro et se faisait appeler le ‘‘Tchombiste’’ du surnom de l’ancien président de l’Assemblée nationale. Ce clientélisme politique était une pratique en cours du temps où Henri Konan Bédié était aux affaires. « Le PDCI-Rda dénombre environ 300 mouvements et clubs de soutien à N’Zuéba », a relevé le confrère L’expression dans l’article mentionné précédemment.
Les clubs de soutien à Bédié qui ont fait plus parler d’eux, sont le Cercle national Bédié (Cnb) de Pierre Yagni N’Da, Bédié Ambikô de Balla Kéïta. Comme il fallait s’y attendre, tous ces clubs de soutien ont disparu comme du beurre au soleil après la chute de N’Zuéba. Le RHDP, parti au pouvoir, n’échappe pas non plus à cette règle. Seulement, avec son statut de parti au pouvoir, les mouvements et clubs de soutien tiennent encore la route. Dieu seul sait le nombre de mouvements et clubs de soutien qui existent aujourd’hui au RHDP. Chaque ministre, chaque DG, chaque PCA, chaque élu, a pratiquement sa ‘‘TEAM’’. Mais qu’adviendra-t-il si demain les houphouëtistes perdaient le pouvoir ? Certainement que ces mouvements vont également disparaître comme du beurre au soleil.
Aristide Otré