Politique

Crise de 2010-2011: Passer la question des victimes par pertes et profits

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Nanourougo Coulibaly, Professeur, auteur, chroniqueur 
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Deux faits majeurs auront attiré l’attention des observateurs de la vie publique ivoirienne pendant les 15 derniers jours. Il s’agit, de mon point de vue, du congrès extraordinaire du PDCI RDA et la fête de la renaissance de la tendance du FPI devenu PPACI depuis 2021. Entre autres questions soulevées par ces activités savamment organisées autour des personnalités que sont Konan Bédié et Laurent Gbagbo, l’on notera le difficile renouvellement du personnel politique ivoirien et surtout la question de la justice aux victimes de la crise postélectorale. Cette dernière question parait plus pertinente à traiter cette semaine.

Acquitté est-il synonyme d’innocence ?

Le 31 mars 2021 constitue la date de l’acquittement de Laurent Gbagbo. C’est en effet à cette date qu’il a été acquitté par le tribunal de la Cour Pénale Internationale où il comparaissait pour crimes contre l’humanité (meurtre, viol, autres actes inhumains ou -à titre subsidiaire-tentative de meurtre, et persécution). Il faut le rappeler, il était poursuivi dans les cadres des tueries qui ont eu lieu spécifiquement lors de la marche avortée des partisans d’Alassane Ouattara qui se rendaient au siège de la RTI le 16 décembre 2010, il était également poursuivi dans le cadre de la manifestation de femmes à Abobo le 3 mars 2011 et le 17 mars 2011 le bombardement d’une zone fortement peuplée à Abobo.

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Selon les documents de la CPI, il a été parce l’existence d’un plan pour maintenir Gbagbo au pouvoir n’a été établi. L’accusation n’a pas démontré que les crimes ont été commis en vertu d’une politique d’Etat ciblant la population civile ou que par les discours les accusés ont incité au crime. Enfin, l’accusation n’a pas établi une intention génocidaire, une attaque généralisée ou systématique contre des populations qui obéit à un plan, une pensée criminelle. Ce verdict plutôt prévisible au regard de la préparation du procès est davantage lié à l’incapacité de la juridiction à établir un lien logique et clair qu’à l’innocence avérée de Laurent Gbagbo et son système. Il est clair qu’en la matière, la commission de telle gravité est confiée à une structure parallèle chargée de coups bas. Le système de Laurent Gbagbo durant son passage au pouvoir a toujours fonctionné ainsi. Pour rappel, lors de l’offensive sur Bouaké en novembre 2004, Mathias Doué était certes le chef d’Etat-major, mais Philippe Mangou était le réel détenteur du pouvoir. Il se raconte même que le chef d’Etat-major n’aurait pas été dans le secret de la préparation de l’attaque.

Justice pour les victimes

Les pertes en vie humaines occasionnées lors de ces affrontements consécutifs au refus de Laurent Gbagbo de reconnaitre sa défaite ne peuvent passer par pertes et profits. Sur ce coup, Laurent Gbagbo fait bien de remettre la question à l’ordre du jour. Il faut sans réserve établir les faits et les responsabilités dans les violences de la fin 2010 et début 2011. La justice devrait s’autosaisir pour donner suite à cette requête formulée publiquement par l’un des acteurs clés de la crise qu’a connu le pays. Les victimes ont au moins ce droit.

Nanourougo Coulibaly, Professeur, auteur, chroniqueur 

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