Très en verve, Koné Katinan s’est laissé aller à des déclarations à l’emporte-pièce. Voulant montrer que c’est parce que le pays va mal sous Alassane Ouattara que les jeunes Ivoiriens prennent le chemin de l’aventure, il a balancé : « La Côte d’Ivoire est deuxième demandeur d’asile en France derrière l’Afghanistan depuis 2011 ». Après fact checking, il ressort que cette information, tendant à laisser sous-entendre que la jeunesse ivoirienne accourt en Europe faute d’un avenir promoteur, n’est pas tout à fait exacte. En effet, selon les statistiques de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), la Côte d’Ivoire vient bien en deuxième position après l’Afghanistan dans le top 5 des pays demandeurs d’asile en France en 2021, suivie du Bengladesh, de la Guinée et de la Turquie.
La vérité sur les chiffres de l’immigration
Mais, la vérité, c’est que ce rang n’est pas figé, puisque l’année d’avant, soit en 2020, la Côte d’Ivoire ne figurait nullement dans le top 5, constitué de l’Afghanistan, du Bangladesh, du Pakistan, de la Guinée et de la Turquie. Selon le classement établi en 2022 par le même OFPRA, la Côte d’Ivoire ne figurait pas non plus dans le Top 5 des pays demandeurs d’asile en France que sont l’Afghanistan, le Bangladesh, la Turquie, la Géorgie et la République démocratique du Congo. C’est dire que Koné Katinan a rusé avec les chiffres en laissant croire que la Côte d’Ivoire est le deuxième pays d’origine des demandeurs d’asile en France et cela « depuis 2011 ». Ce qui est faux, puisque le pays ne figurait nullement dans le Top 5 ni en 2020 ni en 2022.
Par ailleurs, dans un amalgame dont seuls les populistes ont le secret, le baron du PPA-CI a rapproché insidieusement la vague de suicides enregistrés ces temps-ci et la question de l’immigration irrégulière, laissant sous-entendre que tous ces faits pourraient expliquer que « la jeunesse est dans le désespoir », comme il a soutenu. « La Côte d’Ivoire, deuxième demandeur d’asile en France derrière l’Afghanistan depuis 2011(…) Les tendances du suicide augmentent », a déclaré Koné Katinan. A la vérité, il y a là une manipulation par l’amalgame consistant à mettre bout à bout ces faits sans aucun rapport entre eux. En quoi les suicides dont les médias se sont fait récemment l’écho ont-ils un rapport avec la tendance à l’immigration irrégulière observée dans les rangs des jeunes ces derniers temps ? Quelle corrélation objective y a-t-il entre ces suicides et la prétendue précarité dans laquelle vivraient des jeunes ? De toute évidence, Koné Katinan a juxtaposé à dessein les faits sans véritable lien entre eux à l’effet de manipuler l’opinion.
Le secteur informel, inutile ?
Il s’est livré pratiquement au même exercice quand il a évoqué les réalités du secteur informel en Côte d’Ivoire. Juché sur ses certitudes de financier, il s’est employé à faire croire que le secteur informel n’est pas pourvoyeur d’emploi et pis, n’apporte rien à l’économie ivoirienne. « Quand vous dites que vous avez créé de l’emploi pour celui-là (un jeune titulaire d’une Maîtrise et qui gère une cabine téléphonique), moi en tant que financier, qu’est-ce que je regarde ? Je me dis quel est l’impact de cet emploi-là sur l’économie de façon globale ? Rien du tout ! …Parce que vous ne pouvez pas leur prélevez d’impôt », a martelé ce cadre du PPA-CI. A la vérité, Katinan a tort de faire croire que le secteur informel n’apporte rien à l’économie ivoirienne. Bien au contraire.
Selon le rapport Afrique de l’Ouest 20007-2008 de l’OCDE, « l’économie informelle contribuait déjà en 2000 à hauteur de 43,4% au PIB » de la Côte d’Ivoire. En 2017, faisait savoir le FMI, « elle représent (ait) entre 30% et 40% du PIB ». Par ailleurs, une enquête menée en 2005 par l’Institut national de la statistique (INS) sur le secteur informel à Abidjan, révèlait que « le secteur informel marchand non agricole de la capitale économique a produit pour 2 227 milliards de Fcfa de biens et services et a créé 1 449 milliards de Fcfa de valeur ajoutée ». Et que « 9 ménages sur 10 tirent l’ensemble ou une partie de leurs revenus en dirigeant une unité de production informelle ». Au total, le secteur informel n’est pas inutile à l’économie ivoirienne comme tend à le faire croire le financier Koné Katinan. Qui aura fait preuve d’une rhétorique populiste tout au long du débat.
Assane Niada