On peut le dire sans aucun risque de se tromper. Si le Programme des filets sociaux n’avait pas existé, il aurait fallu l’inventer. Après ce qu’il convient désormais d’appeler « la décennie perdue » (2000-2010) qui a plongé plusieurs familles dans l’extrême pauvreté, il fallait un dispositif comme celui des Filets sociaux pour redonner une vie à ces milliers de ménages qui avaient perdu tout espoir. Depuis 2015, la politique du gouvernement pour sortir certaines populations de l’extrême pauvreté et de la vulnérabilité a permis de toucher, à ce jour, 227.000 ménages bénéficiaires répartis sur l’ensemble du territoire national (toutes les 31 régions sont couvertes). Et ceci, grâce au Programme des filets sociaux. Comme on peut donc le voir, huit années après cette politique volontariste, les résultats de ce projet sont largement au-delà de la promesse des fleurs.
Le Programme des filets sociaux productifs, faut-il le souligner, a été mis en place dans le cadre de la lutte contre la pauvreté et la volonté de l’Etat de Côte d’Ivoire de redistribution les fruits de la croissance, par le gouvernement, avec l’appui technique et financier de la Banque Mondiale. Son objectif principal est d’améliorer le niveau de consommation des ménages bénéficiaires ciblés parmi les plus pauvres, tant du point de vue de l’alimentation, de l’accès aux services sociaux de base que l’investissement dans le capital productif. Ce programme, de façon concrète, a consisté dès sa mise en œuvre, il y a 3 ans, en l’octroi de transferts monétaires trimestriels non-remboursables de 36.000 Fcfa, soit 144.000 f par an, à des ménages ciblés parmi les plus pauvres. Le mécanisme utilisé pour le transfert des allocations, il faut le souligner, est le paiement électronique au moyen des téléphones portables offerts aux récipiendaires des ménages vulnérables concernés.
Objectif : Sortir des milliers de ménages de la misère
Au-delà des transferts monétaires, les enjeux du Programme des Filets Sociaux, se posent également en termes de défis liés à un encadrement de proximité des ménages bénéficiaires en vue d’une utilisation rationnelle des ressources allouées, afin de faciliter l’autonomisation financière et une meilleure inclusion sociale des ménages concernés. Dans cette perspective, en plus des travailleurs sociaux fonctionnaires des zones d’intervention du programme, cet encadrement de proximité est et continue d’être assuré par 605 Consultants agents communautaires (CAC), recrutés et formés pour satisfaire cette demande. Devant des résultats plus que satisfaisants enregistrés dans la mise en œuvre de son programme social (PS Gouv), et plus particulièrement les Filets Sociaux, le gouvernement a décidé de faire bénéficier, dans sa perspective, le maximum d’Ivoiriens. Cette volonté se traduit par la prise en compte de 300.000 nouveaux ménages bénéficiaires sur la période de 2023-2025, à raison de 100.000 ménages par an, sur les 3 prochaines années. Cette répartition équilibrée, tant dans le milieu rural avec 1905 villages concernés, que dans le milieu urbain avec 108 communes chefs-lieux de département pris en compte, a permis de toucher presque toutes les couches sociales, notamment les plus défavorisées.
Qui est éligible au Programme des filets sociaux ?
Comme dans tout programme où l’on distribue de l’argent, la question qui est sur toutes les lèvres est celle du mécanisme de choix des bénéficiaires. Ce choix repose-t-il sur une base de sélection crédible ? Quels sont les ménages considérés comme véritablement vulnérables ? N’y a-t-il pas des considérations politiques dans le choix des zones et des ménages ? Voilà entre autres, autant de questions, que se posent certains Ivoiriens, et qui méritent légitimement des réponses claires. Eh bien, en ce qui concerne le choix des bénéficiaires, il faut savoir que le Bureau de Coordination du Programme (BCP), de concert avec la Banque Mondiale et l’Institut National de la Statistique (INS), a développé une méthode de ciblage assez précise. En premier lieu, celle-ci tient d’abord compte de la sélection des zones d’intervention du programme (ciblage géographique) sur la base du niveau de pauvreté, selon les statistiques officielles fournies par l’Enquête Niveau Vie des ménages (ENV). Ensuite, la conduite d’une enquête auprès des ménages, à travers des questions sur leurs conditions de vie et d’accès aux services sociaux de base.
Pour le milieu urbain, des comités locaux de ciblage et les sous-comités mis en place, permettent de capitaliser sur la connaissance des ménages éligibles auxquels s’applique l’enquête précédemment citée. Il y a également la vérification et la validation de la liste des ménages issue de l’enquête, avec les communautés elles-mêmes, en présence du corps préfectoral. En deuxième lieu, des conditions particulières sont également à satisfaire par les ménages pour bénéficier de ce programme. Au nombre de celles-ci, la famille au sein du ménage doit être identifiée comme résidente permanente dans une localité de la zone d’intervention du programme, avoir au sein du ménage au moins un enfant de 0 à 15 ans ou une femme enceinte au moment de l’enquête, car il s’agit d’investir prioritairement dans la petite enfance, être pré-identifié comme un ménage éligible en raison de sa situation d’extrême pauvreté après l’enquête ménage, être confirmé par la communauté de son milieu de résidence, comme un ménage en situation de pauvreté extrême ou un cas particulièrement vulnérable du fait de l’âge, d’un handicap ou toute autre situation de vulnérabilité et enfin se faire enregistrer par le programme dans la base de données des paiements électroniques. Comme on peut le voir, la sélection des bénéficiaires se fait sur une base rigoureuse et comporte plusieurs niveaux de validation. Il convient par ailleurs de souligner que le programme encourage fortement le choix de la femme comme récipiendaire du ménage bénéficiaire, pour la participation aux sessions de d’information, de formation et sensibilisation sur les mesures d’inclusion économique et pour la gestion effective des allocations trimestrielles perçues.
Un politique rigoureuse d’encadrement, formation et de suivi des bénéficiaires
Le gouvernement, dans son programme des Filets Sociaux productifs, a prévu des mesures d’encadrement et bonnes pratiques développées par les bénéficiaires. C’est pourquoi le programme ne fait pas que donner de l’argent. Il assure également un encadrement de proximité qui consiste en la mobilisation, l’information, la formation et la sensibilisation par le moyen d’outils et supports de communication pertinents. Cet encadrement de proximité, du point de vue de l’inclusion sociale, intègre des actions ciblées. Il s’agit de l’information, la formation et la sensibilisation des bénéficiaires sur les objectifs, les principes et les enjeux du programme, la manipulation du téléphone et l’utilisation du mécanisme de paiement des allocations ; la sensibilisation des bénéficiaires sur les pratiques familiales essentielles et l’accès aux services sociaux de base (scolarisation des enfants, accès aux soins de santé, vaccination des enfants, accès à une alimentation saine, déclaration à l’état civil, établissement des pièces administratives, l’hygiène environnementale, l’espacement des naissances…).
Des résultats plus que satisfaisants…
Devant tous les efforts consentis par le gouvernement dans le cadre de ce programme, les retours d’expérience et les résultats d’enquêtes de suivi réalisées font état d’un bon usage des allocations trimestrielles octroyées par la majorité des bénéficiaires. Ceux-ci, selon les informations, développent de bonnes pratiques d’inclusion sociale et productive en investissant dans le capital humain et productif. A titre d’illustration, au niveau de la productivité, la coordination du programme note avec satisfaction la création de plus de 2000 associations ou coopératives agricoles ; la création ou l’agrandissement de parcelles cultivées (maïs, manioc, igname, arachide…) et de fermes pour l’élevage de volailles, de porcs, de moutons, de cabris, de lapins… ; l’initiation de petits commerces (vente d’habits pour enfants, de légumes, de galettes, d’attiéké-poisson, d’huile rouge…) ; la création de kiosque à café, de lavage autos, de salon de coiffure et de couture…. Au plan du capital humain, il s’agit des déclarations à l’état civil et l’établissement de documents administratifs (CNI, attestations d’identité et extraits de naissance) ; la scolarisation des enfants et l’accès aux soins de santé des membres du ménage (paiement des ordonnances médicales) ; la participation aux actions de solidarité et renforcement de la cohésion sociale à travers les activités de groupe y compris des cotisations pour soutenir les réhabilitions d’infrastructures communautaires ; la familiarisation pour certains aux instruments de communication (NTIC) / moteur d’inclusion financière ; la participation à la vie communautaire (réunions, prise de décisions, etc.).
D’importants financements mobilisés
En ce qui concerne la productivité, l’appui se traduit par la formation et la sensibilisation à la bonne gestion du budget familial, l’incitation et l’encadrement des Activités génératrices de revenus (AGR), ainsi que la mise en place et la gestion de groupements d’Associations Villageoises d’Epargne et de Crédit (AVEC). A ce niveau, ce sont à ce jour 137.425 sessions de formation en gestion du budget familial et Activités Génératrices de Revenu (AGR) qui ont été organisées ; 12.045 séances de formation en matière de création et de gestion de groupements AVEC organisées dans 803 villages et 1668 groupements AVEC opérationnels mis en place. Toutes ont pu mobiliser une épargne à redistribuer entre les membres, d’un montant global de 1,17 milliards de Fcfa.
Pour revenir au financement, il faut indiquer que le programme est cofinancé par l’Etat de Côte d’Ivoire et la Banque Mondiale pour un montant de plus de 120 milliards de Francs CFA sur la période 2015-2024. Dans la même veine, deux accords de financement d’un montant cumulé d’environ 124 milliards de Francs CFA entre l’Etat de Côte d’Ivoire et la Banque Mondiale ratifiés pour la période 2022-2026, en vue du renforcement du système national des filets sociaux, ont également été signés. Au total, l’on peut dire que la Côte d’Ivoire solidaire telle que l’a pensé le président Alassane Ouattara est une réalité. Sans tambours, ni trompettes, les filets sociaux ont permis aujourd’hui à des milliers de ménages de sortir de la vulnérabilité et de l’extrême pauvreté. En plus d’avoir déclaré l’année 2023, année de la jeunesse, le Programme des filets sociaux productifs mérite d’être encouragé et soutenu pour ses résultats concrets dans la distribution des fruits de la croissance.
Manuel Zako