Muni d'un certificat de résidence, il a souhaité changer de lieu de vote. Inscrit auparavant à Cocody centre, il a fait savoir aux agents présents qu'il souhaite désormais voter aux II-Plateaux. De quoi embarrasser les agents, qui ont joué le jeu. Sur les causes de sa radiation, il faut noter qu'une décision rendue par défaut, le 04 août 2020, par la Cour d'appel d'Abidjan, l'a reconnu coupable, ainsi que Gilbert Marie Aké N'gbo et Noël Désiré Dallo "des faits de complicité de vol en réunion à main armée et avec effraction" . Le tribunal avait "requalifié les faits de destruction volontaire de bien d'autrui reprochés à Laurent Gbagbo, Katinan Koné, Aké N'gbo et Désiré Dallo en ceux de complicité de destruction volontaire de bien d'autrui tels que prévus et punis par les articles 27, 29, 30 et 423 du Code Pénal". Ils avaient écopé de 20 ans d'emprisonnement chacun et de 10 millions de Fcfa d'amende.
Toute personne a la possibilité de contester l'inscription d'un tiers sur la liste électorale, si elle apporte des preuves de ses accusations
Cette décision les dépouillait de leur citoyenneté et consacrait, de facto, leur radiation de la liste électorale. Laurent Gbagbo le sait. Bien qu'il ait bénéficié d'une grâce présidentielle, les spécialistes du droit s'accordent à dire que la mesure n'a aucune incidence sur sa radiation. Seule une loi d'amnistie, votée par le Parlement de Côte d’Ivoire, lui restituerait sa citoyenneté. Malgré cela, l'ancien président s'est précipité dans un centre de recensement pour prétendre changer de lieu de vote. Selon un juriste joint par téléphone, l'acte qu'il a posé est nul. "Toute personne a la possibilité de contester l'inscription d'un tiers sur la liste électorale, si elle apporte des preuves de ses accusations. Il va sans dire que s'il s'est inscrit malgré les dispositions qui le frappent, il a posé un acte qui n'a aucune valeur ", soutient le juriste.
C'est comme s'il lançait un défi. Il veut dire simplement qu'il attend de voir ce qui se passera. Il a conditionné l'esprit de ses partisans qui ne comprendraient pas qu'on l'ait retiré de la liste...
De l'analyse d'un observateur politique, Laurent Gbagbo est dans la provocation. Sachant que son acte ne peut prospérer, il a décidé d'envoyer un signal fort au pouvoir. "C'est comme s'il lançait un défi. Il veut dire simplement qu'il attend de voir ce qui se passera. Il a conditionné l'esprit de ses partisans qui ne comprendraient pas qu'on l'ait retiré de la liste, alors qu'il n'a pas le droit d'y être", indique notre analyste. Des propos corroborés par la posture de Gbagbo lui-même, qui s'est inscrit dans une sorte de déni de la réalité. En effet, depuis son retour en Côte d’Ivoire, en juin 2021, l'ancien numéro un ivoirien vit comme s'il ne s'était rien passé. Il a fondé un nouveau parti, nommé des collaborateurs et laisse entendre qu'il est candidat à la prochaine élection présidentielle. Exit la jeune génération dont il ne veut même pas entendre parler. "Il souhaite prendre sa revanche. Il se considère comme un Mandela", indique Philippe Kouamé, enseignant à l'université de Bouaké. En tout état de cause, l'ex-chef d'Etat est déterminé à croiser le fer avec le pouvoir d'Abidjan. D'ailleurs, il le fait croire à demi-mot, parfois via ses lieutenants dont Damana Adia Pickas ou encore Katinan Koné Justin.
Un enfantillage, selon un proche de Ouattara
Au sein du pouvoir, on considère son acte comme un enfantillage destiné à distraire l'opinion nationale. "Il peut se cacher le soleil avec ses mains et prétendre qu'il fait nuit. Sinon, il sait très bien la réalité. C'est du Gbagbo ça. S'enfermer dans une bulle et bâtir un monde dans lequel il est le seul à croire qu'il peut tout. Quand on a géré le pouvoir avec des approximations, on ne peut que penser comme lui. S'il est légaliste comme il le prétend, il doit se soumettre à la loi. Or, cette loi est claire. Sa réintégration sur la liste électorale ne peut se faire qu'avec une loi d'amnistie ", a commenté un proche du président de la République.
Yacouba DOUMBIA