Premier crime perpétré par ces escadrons de la mort, l’assassinat du comédien Camara Yéréfé dit H
Dès les premières heures de la tentative de coup d’État, qui va par la suite se muer en rébellion, un commando va instaurer un climat de terreur. Premier crime perpétré par ces escadrons de la mort, l’assassinat du comédien Camara Yéréfé dit H, enlevé et assassiné dans des conditions obscures. Son malheur : être militant du parti d’Alassane Ouattara, le Rassemblement des Républicains (RDR), accusé par le pouvoir d’alors d’être l’instigateur de la rébellion dès les premiers coups de feu. C’est le début d’un chapelet d’exécutions extrajudiciaires perpétrées par ces tueurs en série. Le 18 octobre 2002, ils ôtent la vie à deux parents d’Amadou Gon, lors d’un enterrement. Dans leur folie meurtrière, ces tueurs encagoulés enlèvent, le 6 novembre 2002, le médecin Dacoury-Tabley, dans une clinique.
Il est retrouvé mort deux jours plus tard à Abobo. Son tort : être un parent d’un ancien proche de Laurent Gbagbo, Louis Dacoury-Tabley, dont le nom est cité dès les premières heures de la rébellion comme en étant l’un des hommes forts. Dans la foulée, c’est au tour d’Emile Téhé, président du Mouvement populaire ivoirien, d’être trucidé, toujours début novembre 2002. Décrivant ce climat de terreur instauré par des hommes armés, la presse a commencé à parler d’escadrons de la mort. « A Abidjan, les escadrons de la mort terrorisent l’opposition », titrait le journal français Libération sur son site d’information, le 16 novembre 2002. Et le confrère d’avancer, parlant de cette succession de meurtres : « Au fil de ces assassinats, l’existence d’un ou plusieurs escadrons de la mort sévissant en toute impunité dans la capitale économique ivoirienne se confirme ». Qui donc se cachait derrière ces escadrons s’interrogeait la rue abidjanaise ?
Les visages des escadrons de la mort
Une préoccupation à laquelle plusieurs rapports d’organisations internationales n’allaient pas tarder à apporter des réponses. Dans un article publié sur son site d’information le 7 février 2003, le journal français Le Monde citait « un rapport du Haut-Commissariat des Nations unies pour les droits de l'homme (qui) a fait état d'escadrons de la mort qui "seraient constitués d'éléments proches du gouvernement, de la garde présidentielle et d'une milice tribale de l'ethnie du président". Par ailleurs, un rapport d’une « mission d’établissement des faits », de l’ONU, effectuée entre le 23 et le 29 décembre 2002, fait état de crimes ciblés auxquels le pouvoir Gbagbo n’est pas étranger. C’est ce même rapport qui va citer le nom d’Anselme Séka Yapo dit Séka Séka, aide de camp de Simone Gbagbo, alors Première dame et de Me Bahi Patrice, alors dans la garde rapprochée de Gbagbo. « Le premier (…) est soupçonné de diriger l’aile militaire des escadrons, le second d’être à la tête de la branche civile », soutenait Jeune Afrique dans un article publié sur son site le 12 mars 2003.
Dans le même article, le confrère ajoutait : « De nombreux témoignages relayés par les associations de défense des droits de l’homme et par la presse désignent Séka-Séka et ses compagnons comme les auteurs du meurtre, le 19 septembre, du général Robert Gueï, de sept membres de sa famille et de sa garde rapprochée, dont le capitaine Fabien. Ils sont également mis à l’index dans la liquidation du docteur Benoît Dacoury-Tabley, de deux membres de la famille du secrétaire général adjoint du RDR, Amadou Gon Coulibaly, et du lieutenant Dosso, aide de camp de Ouattara ». Arrêté et jugé en 2015 sous Alassane Ouattara, Séka Séka a été condamné à 20 ans de prison pour « assassinat, meurtre, blanchiment d’argent au fin d’achat d’armes, recrutement de mercenaires, entretien de milices ». Au cours du procès, le commissaire du gouvernement, Ange Kessi, avait réclamé la prison à vie. Car soutenait-il, Séka Séka est un « tueur sanguinaire ». Et d’ajouter : « Si cet homme est en liberté, la Côte d'Ivoire ne sera pas en paix ».